Septembre-1919

Cahier n°6

7 sept[embre 1919]

Travaillé toute la semaine au Monument Wilbur Wright, figure principale et socle. Les deux bas-reliefs du socle, d'un côté le départ d'Icare, de l'autre sa mort, vont faire bien. J'ai trouvé un très beau modèle pour la figure d'Icare. Je n'ai qu'une inquiétude : faut-il laisser les modèles de cette taille ou faudra-t-il les exécuter grandeur d'exécution. La grande figure vient bien. Berthelot fait l'affaire pour le torse et pour sa merveilleuse façon de poser. Les membres, les bras et les jambes sont légers. Mais avec Poutignac, je donnerai les volumes qui manquent. Je n'aime pas beaucoup ça, arranger deux modèles sur la même figure [1]. Je ne puis réellement faire autrement.

8 sept[embre 1919]

Au Mans avec l'ami Bigot. Nous donnons les dernières instructions pour la mise en train des fondations.

11 [septembre 1919]

Séance de dessin avec Lucienne et Gallia[2]. Mais je ne crois pas aujourd'hui fait de la bonne besogne.

À 6 h le jeune Paul Véra est venu me rendre visite. Véra est un des hommes de Süe. C'est un délicieux garçon, sincère et sensible. Il a une grande admiration pour Süe, qu'il me dit aimer énormément son art.

25 [septembre 1919]

Mon ami Max Behrendt m'a acheté la Danseuse aux serpents, épreuve 3. Nous avons été dîner aujourd'hui chez lui. Il l'a admirablement placé sur la cheminée de son salon où elle fait très bien.

27 [septembre 1919]

Süe est venu aujourd'hui avec son ingénieur pour voir le modèle de la croix. Mon impression est très nette : Ce procédé est tout à fait compliqué et insuffisant. C'est une affaire que ces gens essayent de lancer. Mais ils n'y réussiront pas, tout au moins dans ce cas.

J'ai été revoir M. Paul Léon aux Beaux-Arts. Il me dit qu'il a parlé de mon groupe à Arsène Alexandre. Que celui-ci viendra le voir, fera un rapport, et qu'ainsi la commande lui en sera facilitée.

29 [septembre 1919]

M. Arsène Alexandre est venu. Il a aimé mon groupe. Mais il a trouvé que tous ces personnages étaient tous d'un trop semblable sentiment. Il voudrait les voir plus héroïques. Mon idée n'est pas de faire des héros d'illustration pour le Petit Journal illustré. L'héroïsme des soldats de cette guerre a été fait surtout d'une résignation butée, d'une sorte de volonté bovine extraordinaire. Suivant l'extraordinaire mot de Barbusse, ces hommes ont toujours marché parce qu'on peut toujours faire encore un pas. Ils ont dressé leurs poitrines et accumulé leurs cadavres en un mur infranchissable. Voilà ce que je veux rendre, sans coup de grosse caisse et sans geste théâtral. Cependant la critique de M. Arsène Alexandre est intéressante et j'en tiendrai compte dans une certaine mesure.

30 [septembre 1919]

J'espérais avoir terminé maintenant la figure principale du Wilbur Wright. Elle n'est pas finie.

 


[1]    . La phrase débute par : "Mais", raturé.

[2]    . La phrase débute par : "Bonne", raturé. Il travaille à la porte de Psyché.