Cahier n°37
3 septembre
11h Expiration de l’ultimatum anglais à l’Allemagne.
17h Expiration de l’ultimatum français à l’Allemagne. Nous sommes en guerre !
Paris
Les communiqués. Parachutistes allemands descendus en arrière des lignes polonaises. Traqués. Bombardements des villes [ ?], d’églises, d’hopitaux – avec gaz asphyxiants.
Téléph[one] de Laragne resté à Paris. Pourra peut-être enfin faire parvenir une lettre au petit.
4 septembre
Torpillage de L’Athenia[1].
15 septembre
A l’Ecole. Toujours courrier. Listes de ces jeunes gens. Visites pour des certificats.
Au Ministère de la guerre. Je remets au général M[ ?] mon rapport sur le camouflage. Il me donne l’adresse du Commandant Millet, à Versailles, qui commande la section existante. C’est à lui que je remettrai les listes des noms proposés.
A propos de la Pologne, il me dit qu’ils ont eu trop confiance en eux-mêmes. Qu’ils se sont lancés dans des batailles de frontières où ils ont été débordés, qu’ils ont perdu un matériel considérable et qu’ils auront probablement du mal à se maintenir maintenant sur les positions actuelles, avec leurs forces diminuées.
Visite de Claude Roger-Marx, très obséquieux, trop, à ma disposition pour tout ce que je voudrai…pour réorganiser l’Enseignement en province.
Visite de Laprade pour la même raison. Puis avec lui chez Huisman, toujours plein d’arrière-pensées, qui complique tout, voudrait qu’on s’occupe à trois de cette réinstallation, alors que seul ce sera très suffisant. Réinstallation d’ailleurs stupide. Limoges ? et maintenant Toulouse peut-être ?
Passé chez Riou prendre double de mes listes d’artistes. Mais nous avons reçu une lettre bien bien angoissée de notre petit Marcel[2].
16 septembre
Toujours les mêmes matinées. Courrier. Jeunes gens venant demander des certificats.
Et puis les adresses des élèves mobilisés. Pour cela le [?] de Jaudon m’aide beaucoup. Visite d’Eric Bagge qui vient se mettre à ma disposition. Il me dit que Bourgouin, le directeur de l’Enseignement primaire ?, est commandant au 2ème bureau. Il paraît qu’Arnold est lieutenant au S.G.A.
A l’Institut, rien de bien sensationnel. Boschot nous lit une adresse à la Pologe que nous approuvons. Büsser me parle de Rabaud comme d’un lâche qui a filé à Nantes, laissant là le Conservatoire.
Nouvelles de Pologne indiquant un léger arrêt dans l’offensive allemande. Il semble qu’on pourrait arrêter et détruire des colonnes se lançant ainsi. C’est encore un bluff. Mais il faudrait avoir d’excellentes reconnaissances et du matériel à la fois léger et très meurtrier. Chez nous on parle toujours d’avancer. Ce doit être de 20 ou 25 mètres par jour…
Deux lettres du petit. Une du douze où il parle d’organiser un concert au cantonnement. Le 13 : nous partons demain pour une destination inconnue… Pas de phrases. Rien de plus beau que ses lettres. Cher, cher petit !
21 septembre
Lettre de notre petit : « Cette fois, ça y est. Nous sommes au fond du gouffre… Je suis tellement fatigué que je peux à peine tenir mon crayon. »
A Fontainebleau pour l’Ecole à replier. Je trouve des locaux excellents. L’ancienne Ecole des Beaux-arts Américaine. Mais c’est déjà réquisitionné par l’Autorité militaire. Service de santé. D’urgence je rentre à Paris. Je suis chez Huisman. Téléphone à divers généraux, au Préfet de S[eine] et M[arne]. Et il semble finalement que ça va s’arranger pour nous. On installerait là aussi le Conservatoire. Il s’agit d’avoir l’aile qu’on appelle Aile Louis XV, le corps de bâtiment appelé l’Ancienne Comédie, le Pavillon du Tibre et le petit dit Pavillon des lecteurs. Si on peut avoir tout ça, ce sera parfait. Ce sera en tout cas moins mal et moins stupide que de s’en aller à Limoges où il n’y a pas de place. A Paris j’aurais eu une centaine d’élèves. A Fontainebleau j’en aurai une cinquantaine ! Et encore… Et les professeurs ?
[1] Paquebot.
[2] Marcel Landowski.