Janvier_1939

Cahier n°37

1er janvier 1939

Achevé de retoucher la main droite détachée de la France New York.

Avec Colin moulage et pose du bras droit du Nocturne[1]. Enfin à sa place ! La main et le bras restent dans le plan général du torse. Beaucoup plus de tenue générale. Les lignes horizontales ou la lyre prennent toute leur importance.

Visite de Revol qui m’apporte les devis établis par M. Mortier pour le fameux journal indépendant qu’il faudrait vraiment fonder. Mais je n’ai pas el temps de m’en occuper. Et la plupart des gens ne sont que des velléitaires.

Visite de Greber retour d’Amérique. Le projet de voyage d’une équipe de jeunes gens de l’Ecole à New-York. Il me dit que les commandes d’avion à l’Amérique commencent à donner. Un réel et gros effort est fait. Jean Vieutemps, dont la Maison (Gouin) travaille à Djibouti dit qu’une des raisons pour quoi l’Italie veut Djibouti est parce que c’est une porte ouverte à l’évasion des lires, - par les Italiens eux-mêmes.

Je me réjouis d’une tranquille journée de travail demain.

 

2 janvier

A déjeuner Marguerite Long : on parle de la succession de Rabasoff ; deux candidats J. Ibert et S. Rousseau. Rousseau paraît avoir toutes les chances en ce moment. L’attitude de Rabaud vis-à-vis de Marcel[2] est d’une injustice qui frappe tout le monde. Il n’aime que les médiocres bien sages. Bûsser, depuis qu’il est élu, suit Rabaud. Mais M[arcel] s’est fait des amis sans s’en douter. Cette petite persécution a du bon. Ca va forcer le petit à un sérieux effort.

Bonne journée. J’ai enfin réussi à absorber le bras droit dans le plan du torse[3]. C’était tout le problème. C’est plus difficile à résoudre que de ne pas mettre de bras du tout. Gros gain.

Et retouches à la grande main droite de la France de N[ew] Y[ork]. Que cache cette question de poids surgie au dernier moment ?

Mais arriverons-nous jusqu’au moment sans le grand coup que Mussolini, acculé, va tenter pour sauver son prestige ?

 

3 janvier

Lagriffoul vient déjeuner. Il aime beaucoup mon esquisse d’Ugolin et trouve que Nocturne[4] a beaucoup gagné.

Ennuyé d’avoir confié ma garde d’épée-Verne à Gatti. Passé la rechercher. Fonderie fermée. Je retournerai demain matin. Le fils, la fille sont fascistes. Chez le fils c’est assez dans sa ligne. Il n’a jamais travaillé beaucoup. Sous tout fasciste, comme sous tout communiste, il y a toujours un jaloux. Beaucoup de ces italiens se déclarent fascistes, car ils sont forcés de retourner en Italie. Il faut s’y préparer, une situation par une mentalité bon teint.

La bataille de Catalogne dure. Malgré grosse résistance des républicains, mon impression n’est pas bonne. S’ils sont vaincus avant le printemps, la situation sera tout à fait grave. On pourra tout craindre, parce que la volonté de guerre dominera en Italie. La conversation avec le fils Gatti éclaire sur l’état d’esprit des jeunes générations. Vanité, prétention, violence, cette jeunesse est méchante et lâche.

 

4 janvier

L’idée de laisser à Gatti, à cause de son imbécile de fils, l’épée de Verne m’était insupportable. Passé la reprendre et la porterai demain chez Barbedienne. La mentalité de certains italiens est vraiment singulière. Ici en France, accueillis fraternellement, ils ne pensent qu’à lui fouiller les poches. A ceux-là il ne faut donner aucun travail. Qu’ils retournent en Italie, le paradis transformé en enfer.

Matinée à l’Ecole. Visite avec Poughéon et Billotey les galeries d’Antiques. Quelle magnifique collection. Réellement unique. Et dispersée à travers tous ces plâtres, une jeunesse appliquée et sympathique.

Enfin mes bras et mains du Nocturne[5] sont à leur échelle. Je peux commencer à dire : fin. Reste encore quelque chose à arranger au cygne porteur- trop bien peigné, pas assez aplati sous le poids de la femme. Mettre de la raison dans l’impossible.

En somme, tout serait intéressant, et malgré l’âge, si la situation n’était pas si grave. Faire des frontières est impossible. Il n’y a en effet aucune raison vraie de guerre sauf la volonté du sanglant coquin de Rome.

 

5 janvier

Porté chez Barbedienne la garde de l’épée de Verne. Les fondeurs semblent trouver une grosse difficulté à cette fonte. C’est tellement fin. Et puis la fonte en argent est difficile. Cela vient souvent avec des piqures, des soufflures.

J’ai fini par trouver ce qui manquait à mon cygne porteur[6]. Simplement qu’il soit traité plus librement, plus puissamment. Je l’étale énormément sous la femme. Je ne crains pas des accents vigoureux. Et ça fait beaucoup mieux.

 

6 janvier

Un article, bien mal écrit, de Wildenstein dans un journal. Filandreux, inconséquent, où il défend ce qu’il reproche aux vrais artistes quand ils ne sont pas de son bord. Le toupet de ce bonhomme est énorme. Qu’est-ce que ça cache commercialement ?

Mais tout ça ne serait rien s’il n’y avait pas sur nous ces menaces, cette attitude insolente des fascistes, ce lâchage de la Pologne, etc. Quand on voit ce qui se passe dans le centre de l’Europe, cela fait penser à ces grands mouvements de peuples connus au IXe siècle avant ou comme au Ive siècle après l’ère chrétienne.

 Nous allons passer une dure année. Aucun pronostic possible. Les faits seuls diront ce que Muss[olini] et Hitl[er] se sont dits dans leurs entrevues. Il est malheureusement facile de l’imaginer. « Passez-moi les forêts, je vous donne les nègres ».

7 janvier

Matinée à l’Ecole. Voilà maintenant que les non élus se mettent à faire des visites après. Ainsi Forestier, ainsi Lelau. Ces visites, surtout le pauvre Forestier, ne me font pas regretter les nominations faites. Visite de Maigrot avec un chargé de mission roumain, pour organiser une liaison entre l’Ecole d’Architecture de Bucarest et la nôtre. Quand, au cours de la conversation, il apprit que l’Ecole des Arts décoratifs était dirigée par un homme de lettres, sa stupéfaction fut complète. Avant c’était un chansonnier, député, etc. Puis visite O. Melun[ ?] pour la commande d’un médaillon et Wanda Rabaud à qui je conseille de ne plus déballer. Je m’attends à une nouvelle très grosse tension.

A déjeuner M. F. Buisson. Les Luchaire. Je suis étonné que F. Buisson envisage avec sérénité la chute prochaine de Daladier. Je crois que ce serait très grave. Beaucoup ne prennent pas assez au sérieux les criailleries italiennes. Il faut souhaiter que les pronostics de chute de Daladier soient faux.

Institut. Renouvellement des commissions. Büsser me parle très sympathiquement de Marcel[7]. Schmitt aussi. Mais tous me confirment l’hostilité de Rabaud. Le peintre espagnol Sert nous demande de faire une demande pour sauver les collections espagnoles que le gouvernement républicain a emportées avec lui en Catalogne et seraient menacées par les bombardements. On a comme toujours beaucoup discutaillé sur la marche à suivre. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’on nous demande une démarche de ce genre. Puis après la commission Galignani. La liste des candidatures est tenue de manière telle que l’on risque de donner la place à un candidat décédé !

                Il paraît que l’Académie française est administrée si mal qu’un gros ennui est suspendu sur sa tête. Tout ça est embêtant. Et cela tient à cette courtoisie qui fait donner les poids les plus lourds aux plus anciens.

                Isay voulait me voir. Il s’agit encore d’un complot contre Huisman. Toute une combinaison qui changerait l’organisation même de la direction des Beaux-Arts. On la scinderait en deux. Une direction des Lettres qui irait à Julien Cain (théâtres, cinémas, tout ce qui dans les lettres n’est plus l’enseignement). La Direction des Beaux-Arts (Arts plastiqueset enseignement supérieur des Beaux-arts) irait à H. Verne. A la place de Verne, Jaujard. A la place de Jaujard sans doute Isay. Et Huisman ? On lui donnerait une ambassade ? Cette dernière combinaison me paraît enlever tout sérieux à ce beau projet. On ne nomme pas ambassadeur un homme qui, en tant qu’homme, s’est fait autant d’ennemis, qui bavarde aussi inconsidérément, qui a créé une atmosphère si gênante, qui se complait dans les cancans et qui a livré tout l’art aux marchands. L’Exposition d’art français ancien et moderne est confiée à Wildenstein à New-York. C’est paraît-il pour écouler la collection David-Weill. C’est fort grave. Rosenberg organise pour l’Etat les expositions en province. Il donne des ordres, ce triste [ ?] Hautecoeur, aux conservateurs des musées. Tout ça et les subventions données aux Waldemar Georges, Vauxcelles, Chéronnet, Robert Rey, devraient suffire pour remplacer H[uisman] sans complot et sans conspiration, -si tout cela est vrai.

C’est comme ce Martini – bibliothécaire de l’Ecole des Arts décoratifs- chargé d’organiser la section Beaux-Arts à San Francisco. C’est la première fois de sa vie, m’a-t-il dit lui-même. On m’a parlé d’une démarche de protestation de la Nationale et de la société des Artistes Français.

Vuillard nous a donné lecture de son rapport sur les envois de peinture. C’est très bien. Il dit, dans une jolie forme même, ce que je dis depuis longtemps ; ce que disent tous les rapports depuis presque la fondation de l’Académie de France.

8 janvier

J’ai complètement refait, en somme, le grand cygne porteur. Quel dommage de ne pas faire ce groupe en marbre. C’aurait été épatant. Mais c’est irréalisable. Il aurait certainement gagné cent pour cent. Quoi qu’il en soit, j’aurai mené cela jusqu’au bout, aussi loin que j’aurai pu. Dans peu de jours je pourrai dire « fini » et non « abandonné ».Je ne vois plus à réviser que la chevelure et la main gauche à rapprocher très légèrement de l’instrument de musique.

Maintenant je vais me mettre à la Porte de la Faculté de Médecine. Encore un travail passionnant. Mais il faudra le faire en trois ans !

J’ai trouvé l’arrangement du médaillon Fauré sur la margelle du bassin. J’arrive à le placer au centre sans nuire en rien au groupe. C’est mieux qu’avant.

 

9 janvier

Hier soir cinéma. Film américain : Vous ne l’emporterez pas chez vous. Loufoquerie à la Marc Twain. Par moments des longueurs. Mais souvent beaucoup de drôleries et de trouvailles. Avec nous Marguerite Long et la petite Françoise Cahen. Je voyais cette jeune fille charmante et si intelligente et je pensais qu’en Allemagne avec un Hitler elle serait traitée comme un monstre. C’est insensé.

Chez Barbedienne où l’épée Verne est commencée. Le travail sera bien mieux que chez Gatti : Les coupes pour le moule sont faites avec un soin immense.

Chez  Colin, dans l’ancien atelier de Desbois, où je fais redonner à la France son aplomb. Un peu de négligence. Mais ensemble bon. Dommage de le faire en matière si peu noble. Retouché le bouclier. Pas mal de travail dessus. Absurde ce travail en vitesse.

Mais je suis de plus en plus content du Fauré. J’ai massé l’arrangement dessiné hier soir du médaillon encadré par sa première et sa dernière mélodie. C’est très bien. Et voici la médaille en plein centre et ça ne gêne rien de l’ensemble. Ténacité. Il faut ajouter la ténacité à l’imagination, comme des essentiels.

La jeune Fanny Laparra est morte subitement ce matin.

 

10 janvier

Au ministère, où je venais voir Rozier et Luc, je trouve dans l’antichambre toute une foule : Hautecoeur, Carl Dreyfus, Huygue, etc… C’étaient tous les conservateurs du Louvre qui venaient protester contre un décret qu’a fait prendre Huisman retirant à l’administration des musées la direction de l’Ecole du Louvre pour la donner à la Sorbonne et au Collège de France ! Il aurait fait ce coup pour ennuyer Verne. C’est tout de même curieux de n’entendre de tous côtés que des récriminations contre H[uisman] et de le voir rester impertubablement.

Avec Rozier et Luc tout a bien marché. Monnaie courante de demandes et de promesses dont on tiendra ce qu’on pourra. Luc intelligent et ouvert m’a donné un excellent conseil pour obtenir la taxe d’apprentissage.

En fin de journée vu Huisman. Il paraît que au gouvernement on est très mécontent du voyage de Chamberlain à Rome.

Pour l’Ecole je n’ai pas à me plaindre de H[uisman]. Comme artiste ce n’est pas la même chose. Mais il paraît qu’on vient de créer une commission (vote du Parlement) des commmandes. Le Directeur des Beaux-Arts n’aura plus le pouvoir d’en donner sans passer par elle. Je trouve ça idiot.

 

11 janvier

Téléphoné avec Jean Perrin. Mais c’est bien difficile de le rencontrer. Je veux lui parler de mon Temple, à propos du projet de construction d’un Palais de la Découverte. Mais arriverai-je à quelque chose ? Il est embringué dans le mouvement qu’on appelle « moderne ». Il a écrit dernièrement une lettre à Lipchitz. Si j’étais journaliste, j’aurais écrit à ce propos, de quoi le bien ridiculiser. Car pour donner du poids à son certificat il a accompagné sa signature de tous ses titres, y compris celui d’ancien secrétaire d’Etat.

Donc voici Chamberlain et Halifax à Rome. Beaucoup ici et en Angleterre regrettent ce voyage. Ils ont été reçus très chaleureusement. Je me rappelle du temps, tout proche, où les garçons coiffeurs dans Rome nous disaient : « c’est nous les Italiens qui tordront le cou des Anglais » et où à l’entrée du cimetière anglais on écrivait « Camposanto degli mortacci loro [8]». Alors ne nous frappons pas trop. Seulement à ce moment l’Allemagne n’était pas sur le Brenner.

 

12 janvier

Madame Sch[neider] me porte un agrandissement photographique du portrait peint de son fils. C’est fait à une époque de trop grande jeunesse pour que ça puisse me servir beaucoup.

 

13 janvier

Il ma faudra encore une séance pour l’achèvement du modèle de l’épée Verne.

Marcel[9] a eu son audition de composition au conservatoire. Il y a une curieuse mésentente entre les patrons et la jeunesse. Plus grande que dans les arts plastiques. Je ne sais pas si Rabaud cherche à comprendre. Ce sont les jeunes qui cherchent à comprendre les vieux types qui rendent leur verdict sans explication. Le verdict d’aujourd’hui a été que tout est mauvais. C’est se condamner soi-même puisqu’il y a là des jeunes gens travailleurs et ardents dont certains travaillent au conservatoire depuis leur enfance.

 

14 janvier

Visite à l’atelier de Poughéon.

 

25 janvier

Visite à l’atelier de Sabatté. Son défaut est de trop complimenter tout le monde. Etat d’esprit de toute cette jeunesse est vraiment excellent.

Visite de Philippe Besnard. Il ressemble de plus en plus à son père. Même façon de s’asseoir, corpulence. Il est dans la purée. Il demande le prix Lefuel à l’Académie.

Le Temps me téléphone très aimablement à propos de la conférence sur la propriété artistique…Visite d’élèves dont une jeune sculpteur, élève de Descatoire, qui en s’asseyant relève ses jupes jusqu’au milieu de ses cuisses. Lagriffoul a été à la Faculté[10]. Il paraît que les architectes cherchent leurs proportions –maintenant- pour les motifs de sculpture déjà commandés. Alors tout le travail à recommencer ? Influence du médiocre Lejeune et du snob Debat Ponsan.

Chez M. Burthe avec Rabaud pour l’héritage Brasseur. C’est finalement 2.150.000frs. que reçoit encore l’Ecole. Burthe nous disait que les gens informés ou observateurs venant d’Italie ne croient pas qu’on puisse l’entraîner dans une guerre sérieuse.

Chez Louis Gillet, il y a Othon Friesz, pour revoir M. Ruthenstein conservateur de la Tate Galerie [sic] de Londres. On leur a fait acheter un buste de Despiau et les Trois Grâces de Maillol, si bêtes. Je ne cache pas mon opinion.

 

26 janvier

Visite au Président Béranger. Il me reçoit en robe de chambre, coiffé d’un béret, s’assoit frileusement. Il est inquiet, très. Nous parlons du passé et de l’avenir. A propos de la Tchécoslovaquie. La France depuis longtemps avait demandé à Beneš de donner un statut à ses minorités. Il avait promis, mais rien fait. Nos engagements ne nous obligeaient pas à entrer en guerre seuls, mais après avis du Conseil de la S.D.N., etc. Pour l’avenir, il semble que l’action italienne a obligé l’Allemagne à se détourner de son action vers l’est européen pour se reporter vers l’ouest. La crainte est toujours dans la supériorité encore grande des aviations italienne et allemande. Si on gagne six mois on égalisera et la paix sera sauvée. S’il y avait guerre, pourrait-on résister trois mois. [illi.]passable. Il ne fait pas de doute que la France, l’Angleterre et l’Amérique font un bloc.

A dîner Lagriffoul, Bozza, Hilt, Jacqueline Richer, Jérome. Rien d’intéressant si ce n’est qu’ils sentent aussi l’hostilité dissimulée et latente de Huisman.

 

27 janvier

Les séances de la Chambre sur la politique extérieure sont terminées. Excellente conclusion par Bonnet[?] et Daladier. Sage, conciliant et ferme… Par contre, en Italie, manifestation à cause de la prise de Barcelone et discours du gros « tedescore » Mussolini. Cependant je le crois un peu incertain. A moins qu’il attende d’avoir l’accord allemand qu’il n’aurait pas encore obtenu.

Finalement j’ai tout [?] sur le Bouclier, ce que j’avais mis (soldats en marche, etc.) entre les groupes consacrés aux arts. En somme toute l’histoire politique de la France se trouve réunie dans ce dessin.

Encore un article ignoble de Pierre Imbourg dans Beaux-Arts contre les prix de Rome. Il s’agit nettement de démolir ou plutôt de s’en emparer. Il faudrait absolument avoir un journal pour lutter contre cette campagne, - sans quoi, nous finirons par voir le Prix de Rome décerné par les marchands et les boutiques d’art juifs. Et pourtant, je me refuse à être antisémite. Ces canailles nous le feraient devenir.

 

28 janvier

Continué mes visites d’ateliers de peinture. J’ai beau ne pas me laisser [aller] au sentiment du laudator temporis actae, j’ai l’impression tout de même qu’on est plus faible. Et les patrons louangent un peu trop. Guérin, Sabatté, Roger.

Poughéon me téléphone à propos de l’article d’hier de B[eaux]-A[rts]. Un mouvement de protestation sérieuse se dessine. Mais quelle forme lui donner ?

Echec pour moi à l’Institut à ma proposition d’ouvrir l’Exposition des Concours un jour avant le jugement. L’Académie a maintenu le règlement de l’année dernière. Exposition publique uniquement après les votes de l’Académie. Et voilà soudain que Bouchard demande la parole pour demander que l’Académie recommande au jury de sculpture de voter avec calme ?!... c’était à cause des incidents entre lui et moi l’an dernier. Quel idiot.   Je ramène Pontrémoli chez lui. Il me dit sa rancœur. Il a tout de même un peu mérité ce qui lui arrive.

Chez la comtesse Clauzel. Naturellement on ne parle que de la tension européenne. M. Clauzel me dit que l’on pense que Muss[olini] laisse le parti extrémiste s’engager ainsi à fond pour ensuite s’en débarrasser ?...(Staraci[?], Farinacci[11] et même Ciano junior). Possible. Il n’en demeure pas moins que l’Italie a obligé l’Allemagne à changer son programme, en l’écartant de sa marche vers l’est pour la ramener aux affaires coloniales de l’ouest européen. Tout le monde raconte que Muss[olini] est fort amoureux d’une jeune-fille allemande, excessivement belle et qu’il se fatigue beaucoup avec cette jeune personne. L’histoire de la Foutouze[ ?].

Dîner chez Marguerite Long. Paul Léon. Jacques Thibaud. Reclus. Thibaud revenait d’Italie où il avait joué la veille à Turin, avec un succès immense. Tout le monde très gentil, particulièrement gentil pour lui. Il vient d’acheter un énorme nu de Gromaire. Il reconnaît lui-même que c’est affreux, mais ça lui plaît…

 

29 janvier

J’achève dans la plâtre le Bouclier de la France N[ew].Y[ork]. Lejeune vient déjeuner. C’est vraiment un homme charmant. Il aime beaucoup mon Nocturne. Aussi le Bouclier. Sa femme très enthousiaste.

Nous parlons des attaques si violentes menées contre le Prix de Rome et de la nécessité de fonder ou acheter un journal. Car tout cela est mené par Wildenstein d’accord avec Huisman.

Le Colonel de Ca[ ?] téléphone à Lily et lui dit que la situation n’est pas si grave qu’en septembre. Notre aviation commence à se gonfler. Dans peu de semaines nous aurons reçu environ 6 à 700 avions américains. Bréguet me disait aussi que nous construisons aussi beaucoup. Le tout est de gagner du temps.

Par TSF j’ai entendu un concerto de Liszt par un pianiste polonais. C’est la mode de mépriser les virtuoses et la virtuosité. Quelle idiotie. C’est l’histoire des raisins trop verts. Qu’une chose soit bien exécutée ne lui enlève pas ses qualités d’invention ou de sentiment. La perfection d’exécution ne peut qu’y ajouter.

30 janvier

Fini des retouches dans le plâtre du Bouclier de la France de New York. Les masses sont bonnes.

Ce soir je l’ai couchée et travaillé éclairé artificiellement par en-dessous.

Visite d’un groupe d’étudiants de la Sorbonne, section Arts.

31 janvier

Dessin avec Grecoff pour le monument Thomson.

Et tous l’après-midi à l’Ecole, jugement et deux commissions.

 

[1]     Monument Fauré.

[2]     Marcel Landowski.

[3]     Monument Fauré.

[4]     Monument Fauré.

[5]     Monument Fauré.

[6]     Monument Fauré.

[7]     Marcel Landowski.

[8]     « Cimetière des bâtards ».

[9]     Marcel Landowski.

[10]    Nouvelle Faculté de médecine.

[11]    Roberto Farinacci.