Cahier n°1
16 janvier 1903 [Rome]
Après six mois, j'arrive à la conception véritable de mon sujet le Héros. Combien [1] d'efforts et combien de nuits blanches ! Tout ce que j'ai fait jusqu'à présent ne doit être considéré que comme les marches de l'escalier qui me conduit au sommet que je veux atteindre. Jusqu'à aujourd'hui, fausse route. Mon Héros était un héros, non le Héros. Le Héros objet du monument que je rêve, c'est celui qui jaillit de sa souffrance, qui de sa souffrance a donné le bien. Râma est un Héros, Prométhée est le Héros. Râma [2], Siegfried, Parsifal, les Argonautes deviennent une frise de base, qui supporte Prométhée et le Christ, l'un cloué au rocher qui a donné aux âmes les arts et les sciences, l'autre qui leur a donné l'amour. Encadré par le Caucase et le Golgotha, surgit la figure du Héros en marche, l'idée héroïque faite de lutte, de souffrance et de victoire malgré tout. C'est là le nœud du sujet. Trois grands motifs : Prométhée, le Christ[3] et le Héros. Audace de les grouper, le Héros couronné d'épines dominant. En base, les héros des légendes dont la signification est moins nette, certainement [4] la même. Ainsi plus d'unité dans l'œuvre. Ne doit pas être traité avec simplicité du sujet. Beaucoup, beaucoup de choses. Le monument que l'homme doit au Héros doit être immense. Le Héros doit y être porté sans s'en douter. Malgré lui la reconnaissance humaine l'a porté sur ce sommet, sur ce sommet c'est un geste d'offrande et d'amour qu'il doit faire encore.
Bien fait, très bien fait d'avoir démoli la statue en train. De l'arrangement actuel trouvé, faire un monument de Rama.
[1] . La phrase débute par : "Après", raturé.
[2] . La phrase débute par : "Tous les sujets que j'ai traités jusqu'à présent", raturé.
[3] Temple de l’Homme.
[4] . Précédé de : "quoique", raturé.