Introduction

Lieu de conservation

L’original du Journal est conservé dans les réserves du Musée des Années Trente (MA30) à Boulogne-Billancourt. Il est accessible aux chercheurs sur demande auprès du service documentaire du musée. Il a été déposé à Boulogne-Billancourt, par les héritiers du sculpteur en 2003. Il est accompagné d’un fonds d’archives (carnets, agendas, lettres autographes) qui en font un fonds unique au monde sur ce sculpteur. Il est accessible aux chercheurs et sa conservation est ainsi assurée. Les couvertures en ont été numérisées lors de la campagne de numérisation lancée par la ville de Boulogne-Billancourt en 2011. La liste en est consultable sur le site de la Ville. (http://www.boulognebillancourt.com/previous/fonds_musees/index.html)

Landowski et son Journal

Histoire du Journal

Dès 1899, Landowski commence à prendre des notes sur son activité quotidienne : deux carnets datant de 1899, 1900 et 1901 nous sont parvenus. Un carnet de dessins comporte de nombreuses notes qui en font un mixte entre un Journal et un carnet de dessins qui couvre la période 1902-1913. Les Carnets comportent des notes sur ses lectures, des remarques sur la vie artistique et politique (on trouve ainsi des notes sur l’affaire Dreyfus), ses réflexions sur ce qu’il souhaite faire dans son œuvre. Ils sont d’autant plus intéressants qu’on voit que Landowski eut très vite l’idée maîtresse de toute son œuvre et qu’il s’y référera constamment.

Landowski commence son journal en 1902. Il écrit sur des Cahiers de format cahier d’écolier le plus souvent à carreaux de 20 à 30 cm. Chaque Cahier est numéroté, probablement par sa femme Amélie. La période couverte par ce journal va de 1902 à 1961. Il ouvre généralement chaque année un nouveau Cahier, même si quelques années sont parfois rassemblées. Ce qui fait que l’ensemble du Journal comprend  58 Cahiers inventoriés de 2003.28.1.1 à 2003.28.1.58.

Paul Landowski écrit chaque jour ou presque, le soir, assis au bureau de son appartement de la rue Max-Blondat à Boulogne Billancourt. Il s’appuie sur ses Agendas où sont inscrits ses rendez-vous quotidiens et assez souvent les dépenses qu’il fait (paiement de ses praticiens, courses, argent de poche de ses enfants...). Il utilise le plus souvent une plume à l’encre noire ou bleue, très rarement et tardivement le stylo à bille. Son écriture est très dessinée, petite, régulière. Elle devient de plus en plus petite avec l’âge.

Le Journal est très bien conservé malgré quelques déchirures et dégâts mineurs (taches d’eau ayant délayé l’encre), mais il est en général lisible dès que l’on s’est habitué à cette jolie écriture. Il comporte parfois des collages, en particulier pour des courriers dont il a conservé et intégré la copie dans son Journal. Quelques dessins originaux ponctuent certaines pages pour illustrer le propos.

Certaines années manquent, quelques cahiers ont été perdus : certains du vivant de l’auteur (il se plaint de les avoir perdus en particulier entre son séjour à Rome et son retour à Paris), d’autres ensuite, lors des déménagements qui ont affecté ces archives. Les Cahiers ne correspondent pas strictement aux années calendaires, certains cahiers ne comportant que quelques mois voire jours de rédaction.[1] 

Landowski avait conscience que son Journal trouverait un jour ses lecteurs : certaines remarques nous font penser qu’il écrivait ce Journal  pour expliquer sa démarche artistique autant un témoignage sur la vie d’un artiste que sur la profonde transformation de l’art et de la société dans cette première moitié du XXe siècle ; mais aussi pour organiser sa vie. Lorsqu’il s’est arrêté un certain temps il souligne, quand il le reprend, l’importance qu’il attribue à ce moment de retour sur lui-même.

On trouve dans ce Journal de nombreuses listes de projets tant plastiques que littéraires ; souvent considéré par ses confrères ou par ses critiques comme « intellectuel », Landowski articule fortement son savoir livresque, ses expériences de voyage et son expression plastique. Ecrivain et lecteur, il nourrit son travail par une connaissance approfondie des thèmes qu’il transpose dans le matériau sculptural : la terre d’abord et toujours, puis la pierre, le marbre ou le bronze. On sait qu’il lisait tous les jours, qu’il recopiait des passages des ouvrages qu’il lisait et les commentait en relation avec sa vision « humaniste ». Il possédait une immense bibliothèque dont il faisait relier les livres à son monogramme avant même de les lire : on y trouvait tant des livres sur l’art de toutes les époques que des livres d’histoire et des livres sur les animaux et les plantes de tous les pays.

Les axes de lecture

Témoin d'un demi-siècle historique, artistique, littéraire, le Journal de Landowski offre de multiples vecteurs d'intérêts. Sculpteur mondialement reconnu, introduit dans les milieux intellectuels et mondains, en poste à des fonctions officielles, il confie quasi-quotidiennement à son Journal son éthique d'homme et d'artiste. La relation de son travail y tient la première place. Mais c'est aussi une chronique quotidienne sur les évènements politiques, l'actualité du monde de l'art, ses rencontres amicales et professionnelles. Landowski commente les concerts auxquels il a assisté, les expositions qu'il a vues, les livres qu'il a lus, mais tout autant, donne son avis sur les changements de ministères, ou dénonce le fonctionnement des institutions culturelles. Longuement il réfute les modalités de l'enseignement, des concours, propose des voies nouvelles qu'il théorisera dans son ouvrage Peut-on enseigner les Beaux-Arts ?

Homme éminemment érudit, Landowski assiste à des conférences, visite les galeries, et « sur le vif » en livre ses impressions à son Journal. Lecteur assidu des grands penseurs humanistes, il puise dans sa très riche bibliothèque matière à aborder dans ses chers cahiers les problèmes artistiques, sociologiques et philosophiques. L'énumération de ses lectures, les remarques qu'il y apporte, cernent de près sa démarche intellectuelle. Fréquemment, au cours des pages, il insiste sur sa vision sociale du rôle de l'artiste. Car à l'évidence, l'essentiel du Journal est consacré à son « métier » De manière vivante, il révèle la vie de l'atelier, suit la genèse et l'élaboration du travail, les visites et remarques souvent contraignantes, parfois drôles des commanditaires. Exemplairement, il permet de retracer l'histoire de son grand-œuvre, le Temple de l'Homme, sa légende des siècles traduite en sculpture.

Mais quel que soit le thème abordé, le Journal apparaît comme une défense et illustration des théories de son auteur en matière d'art. Parfois même il sert de « brouillon » à de futurs articles, conférences, interventions radiophoniques.

Cependant, le monde artistique est alors en pleine mutation. Artiste emblématique fidèle à ses positions classiques, Landowski se trouve confronté à un siècle en pleine révolution esthétique. Les années passant, ses certitudes ne vacillant point, l'écriture devient pour lui un plaidoyer. Sous une forme parfois violente et spontanée, elle laisse transparaître son indignation, voire son désarroi.

Miroir de toute une vie, depuis les enthousiasmes de la jeunesse, de la maturité épanouie, à  l'amertume des vieux jours, le Journal de Landowski dévoile un homme et un artiste dans son entière sincérité. Parallèlement, il est une source précieuse pour qui veut comprendre cette période complexe de l'Histoire

Histoire de la transcription

Le texte que nous éditons a été mis au point à partir du manuscrit. Nous n’avons pas retenu une version tapuscrite établie du vivant de Landowski par sa femme voyant qu’elle avait été remaniée et nourrie de documents dont nous n’avions plus les originaux (lettres en particulier). La première version du texte actuel a été décryptée par Catherine Giraudon, documentaliste, qui a soutenu avec ce travail un mémoire de maîtrise. Ce premier texte a été établi avec la collaboration attentive de Françoise Landowski et a permis en particulier d’identifier de nombreux noms propres, souvent écrits fautivement par Landowski. Ce premier travail a été financé par la Fondation Wildenstein.

La version que nous éditons a été établie grâce à l’Association des Amis du Musée Landowski en relation étroite avec Michèle Lefrançois, ancienne conservatrice du musée. Le travail de cette version a été réalisé en confrontant la version numérisée avec le texte manuscrit. Il a permis de compléter nombre de mots illisibles, d’identifier les œuvres dont parle Landowski et les artistes qu’il cite, même si certains restent encore incertains malgré des recherches faites avec le service documentation des musées de Boulogne.

La mise au point de ce Journal ne comporte pas d’appareil critique qui aurait exigé un temps très long alors qu’il nous semblait important pour l’histoire de l’art et la reconnaissance de l’auteur de publier ce texte. Nous espérons que cette édition permettra aux chercheurs et aux amateurs, selon une méthode simple, d’accéder à un document utile pour de futurs travaux.

Choix éditoriaux

Afin d’aider la lecture nous avons indiqué les remords (ratures, corrections diverses) en notes sur chaque page. Nous avons corrigé les fautes d’orthographe, en particulier pour les noms propres, afin qu’on puisse les retrouver par un index des noms de personnes. Cet index est accessible dans l'onglet "personnes". Il vous permet d'opérer une "recherche"  dans l'ensemble du texte à partir de la case "rechercher" qui devrait permettre de trouver au fur et à mesure de la lecture les personnes dont parle Landowski. En cas de besoin, une note précise le nom complet de la personne, alors que Landowski la désigne par son seul prénom ou par une initiale. Dans l’index les noms des femmes mariées sont indiqués à leur nom de jeune-fille mais le nom entier est indiqué en note de page ; les noms de personnes sont précisés par leurs dates de naissance et éventuellement de mort et par leur profession ou qualité telle qu’elle prend sens dans le Journal de Landowski afin que leur identification soit assurée. Les personnalités non contemporaines de Landowski et qu’il n’a donc pas rencontrées ne sont pas indexées.

Nous avons développé les sigles lors de leur première apparition dans le texte. Les mots illisibles ou incomplets ont été indiqués entre []. Les références aux œuvres (dans le texte ou en note de bas de page) ont été faites en utilisant les dénominations de la nomenclature du Catalogue raisonné de Michèle Lefrançois publié en 2009 aux éditions Creaphis afin que le lecteur puisse s’y référer. Un index des œuvres est proposé sous un onglet spécifique.

Les noms de lieux ne sont pas indexés mais précisés en note de pages si besoin pour la compréhension. Quelques indications nécessaires à la compréhension du texte sont quelquefois données en notes de pages

On trouvera également une courte biographie qui permet de comprendre les événements auxquels Landowski fait référence et de resituer ses propos dans leur contexte.

Nous remercions tous ceux qui ont pris part à l’établissement de ce texte : tout d’abord Catherine Giraudon qui avec Françoise Landowski lui a donné sa première forme et a rendu possible cet immense travail. Ensuite Geneviève Lubrez, qui a eu la patience de relire le Journal pour en débusquer les éléments peu compréhensibles et nous a conduits à revenir régulièrement vers l’original pour s’assurer de notre transcription. Puis Roland Chabannes qui a lu à nouveau l’ensemble du texte pour en relever les lacunes et les mésinterprétations. Enfin le centre de documentation du MA30 et le directeur et la conservatrice, Frédéric Chappey et Juliette Singer, qui nous ont donné accès aux dossiers d’artistes qu’ils possèdent et qui nous ont permis de nombreuses identifications grâce à leur richesse ordonnée.

Michèle Lefrançois et Elisabeth Caillet