Cahier n°5
11 janvier 1918 [Boulogne-sur-Seine]
Je suis reparti à Chantilly, depuis la fin décembre, à la section où j'attends sans faire grand chose que le Grand Quartier donne l'ordre de commencer les travaux de l'atelier de Meaux. Comme j'ai des loisirs j'en ai profité pour commencer le buste de Despiau. Ce buste est bien parti.
Arrivé en permission avant-hier. Pendant mon séjour à Chantilly rien écrit.
Eu cependant quelques conversations intéressantes avec Despiau. Cet homme est certainement un mélange intéressant. J'aime son grand amour de la sculpture. Cela suffit à le rendre sympathique. Cela le domine complètement. Sans doute il s'estime plus fort qu'il n'est. Sans doute il imite[1] de Rodin l'attitude "divin". Mais cela vient en grande partie de cet amour de la sculpture qu'il sent en lui, profond[2]. De là son grand orgueil. Je fais son buste avec le programme de n'exprimer que ce côté intéressant de l'artiste[3]. Si j'ai saisi son côté rusé, factice, je le laisse. Qui est complètement désintéressé !
Il me raconte des anecdotes amusantes sur Rodin et des mots énormes de Bourdelle, qu'il n'aime pas. De Rodin, cette histoire : un amateur ayant marchandé un bronze a demandé à réfléchir. À quelques jours de là, il revient, décidé à acheter le bronze au prix convenu.
— Maintenant, lui dit Rodin, ce sera cinq mille francs de plus.
— Comment, Monsieur, s'écrit l'amateur, vous revenez sur votre parole ?
— Le bronze vaut mieux que ma parole, répond Rodin.
Bourdelle serait aussi d'un orgueil insensé. Pour ma part, je n'aime pas l'art de Bourdelle. L'insincérité y apparaît. Chez lui la farce, le factice a pris le dessus avec l'ambition.
Fait la connaissance d'un être curieux, nommé Gaboriaud. Peintre du milieu Denis, Vuillard, etc. Il a travaillé pour Maurice Denis dont il dit le plus grand mal. Par contre il parle avec amour du trio, Vuillard, Bonnard et Roussel. C'est un être extraordinaire que ce Gaboriaud. Tête brutale, aux mâchoires saillantes, l'œil enfoncé sous des sourcils épais qui se rejoignent, son aspect est assez inquiétant. Son parlé répond à son aspect. Sa jeunesse a dû être une aventure insensée. Il a tout fait, le modèle, le garçon de café, il a même été cuisinier dans une maison publique, lutteur de foire, etc. Il ose tout dire. Il me faisait [4] l'effet les premiers temps, pendant les repas, lorsque j'entendais ses discours et que je voyais les airs effarés de nos camarades, d'un vautour[5] nourri de viande pourrie tombé dans un poulailler. Mais je l'ai bien observé et le vautour[6] a disparu. Ce n'est plus à mes yeux qu'un canard sauvage qui est même bien prêt à devenir un canard domestique. Il m'intéresse quand même. Il a gardé de ses fréquentations de jeunesse et du temps où il était vautour[7] une richesse de langage dans le genre crapule qui touche au génie. Et il a de la sincérité !
Hier, à déjeuner, nous avions nos bons amis Millet et le papa de Lily. Naturellement on a beaucoup parlé, on a même parlé que de cela, de la situation diplomatique actuelle. Je déplorais le discours que Pichon avait prononcé avant-hier. Je le trouvais faible et maladroit. C'est l'avis même de ceux qui sont dans le ministère.
Tout le monde admire Clemenceau. Sans doute il manifeste une grande énergie dans son ministère. Il agit en pion rigoureux. C'est bien. Mais c'est un homme d'esprit. Il manque d'envergure. C'est un sceptique, comme tous les hommes d'esprit. De plus c'est un vieillard, et comme tous les vieillards, ne comprend rien à des courants d'esprit nouveaux. Enfin, un sentiment le domine, la haine du socialisme. C'est un défaut capital. Dans un moment aussi difficile, en présence d'hommes comme ce Lénine et [ce] Trotsky, il faudrait, pour manœuvrer, un homme jeune, excessivement intelligent, très sincère, et non un adjudant spirituel[8]. De plus, cet adjudant s'est adjoint pour le ministère le plus important, un esprit étroit, sans envergure, le vieillard Pichon qui ose se dresser contre Wilson et contre Lloyd George. Donc dans notre camp, ni unité d'action militaire, ni unité d'action diplomatique. Il nous faudrait un homme de l'envergure de Victor Hugo ou de Jaurès. Celui-là serait à la hauteur de Wilson. Hélas ! Nous n'avons qu'un Pichon qui veut jouer les Kühlmann !
Déjeuner chez M. et Mme Nénot. Réjane et Louise[9], Marcel Auburtin et sa femme que j'ai revus avec bien grand plaisir et puis Luchaire et sa femme et la vieille Mme Luchaire. En la revoyant, j'ai revu Rome et nous avons évoqué ensemble l'aventure de la Danseuse sacrée[10], l'indignation de tous ces braves gens de l'Institut devant cette malheureuse figure que j'avais sculptée bien naïvement pourtant. Chaplain me poursuivant de ses remontrances, me citant Marqueste en exemple, Bonnat refusant de me serrer la main, etc. J'étais navré. Heureusement qu'ensuite je fis mon voyage de Tunisie et commençais à mon retour les Fils de Caïn. Je cessais vite de penser à cet échec. Cette Danseuse n'est évidemment pas bien. Elle ne méritait cependant pas tant de colère.
Benjamin[11] m'apprend l'arrestation de Caillaux. Cette nouvelle malgré tout m'impressionne.
Je me suis renseigné auprès de Luchaire sur les environs de Florence. Il m'assure que nous trouverons très facilement et à d'extraordinaires conditions à nous loger.
15 janvier[12][1918]
L'événement excessivement intéressant du jour n'est pas, pour moi, l'arrestation de Caillaux. C'est un petit incident, conséquence de la mégalomanie de cet homme.
Ce qui se passe à Brest-Litovsk a autrement d'intérêt. On y devine l'attitude piteuse qu'y ont Trotsky et ses acolytes. C'est la juste conséquence de la politique de haine et de violence qui a fait arriver son groupement au pouvoir. Entre le gouvernement de force et de désordre des Lénine-Trotsky et le gouvernement de force et d'ordre des Hohenzollern, peut-être est-ce encore[13] celui des Hohenzollern le préférable ? Aussi le général Hoffmann le leur a-t-il dit : "Votre gouvernement est fondé seulement sur la force qui supprime avec violence et sans ménagement tout homme d'une autre opinion." Trotsky n'a eu qu'à baisser le nez. Ah ! pauvres et misérables gens qui s'imaginent solutionner toutes les questions en criant "Mort aux bourgeois !" Vous voilà en face des réalités. Et vous céderez partout. En quelque sorte vous aurez détruit l'œuvre de trois siècles. Je sais bien que votre Nicolas II, le pauvre sire, avait préparé vos voies. Un grand homme, pendant un temps s'est mis en travers, Kerensky. Mais vous veilliez ! Lénine, Trotsky, Kislenko veillaient. Profitant de la sincérité de cet homme, ils l'ont poignardé dans le dos. Ce qu'il n'avait pas voulu faire, par respect de ses principes et au nom de la liberté pour laquelle la révolution russe a été faite, ce triumvirat de fantoches l'a fait[14]. Ces Russes n'ont plus d'énergie que pour piller les caves, massacrer les jeunes étudiants sans défense, se ruer à cinquante sur un officier, saccager les châteaux, dissoudre les réunions de parlementaires sans armes, emprisonner les vrais héros de la révolution et cela au seul cri de "Mort aux bourgeois". L'humanité pour ces pauvres sots se trouve divisée en deux, les maximalistes et les bourgeois. Il faut donc tuer tout ce qui n'est pas maximaliste. Après on verra. Et cependant, vers la France s'acheminent les divisions libérées, l'artillerie libérée, vers la France qui est entrée en guerre pour la Russie, à cause de la Russie. Et tandis que, de nouveau, le sang coulera à flots, à Petrograd, des hordes de malheureux dépenaillés[15], ivres à la fois de misère et d'eau de vie, s'appelleront la garde rouge, et défileront dans les rues en chantant "Mort aux bourgeois". Ils sont heureux, les pauvres sots ! Ils meurent de faim, mais ils ne travaillent plus. Ils sont des hommes libres ! Mais bientôt, ces hommes "libres", ces rouges citoyens d'une Russie "libre [16]", seront réduits à vendre leurs bras aux pays bourgeois qui les entoureront. La Russie ne sera plus que la pourvoyeuse d'esclaves et de mercenaires pour le monde entier. Et des esclaves combien méprisés ! Et cela, parce que trois pauvres hommes prétentieux, vaniteux, haineux, se disant révolutionnaires et socialistes, se sont servis pour arriver au pouvoir, des moyens les plus violents, les plus impérialistes, les plus militaristes, les plus réactionnaires, les plus traditionalistes. Ah ! Les piteux révolutionnaires ! Comme ils apparaissent bien ce qu'ils sont à Brest-Litovsk, lâches et serviles, très fiers de s'asseoir en face d'un prince de Bavière et qu'un général pour les recevoir mette toutes ses décorations.
La vérité est qu'on ne fonde rien avec la haine, la lâcheté et la trahison. Cette parodie du socialisme ne pourrait mener qu'à un désordre définitif, puisque ce mouvement maximaliste, s'il appliquait certains des principes socialistes, violait absolument d'autres principes essentiels, que le socialisme doit compléter et non détruire, liberté individuelle, liberté de pensée, liberté de parole, conquêtes humaines payées d'assez de sang et de souffrances. Ces conquêtes, ces trois fantoches[17] ont voulu les détruire. Pour les détruire ils ont déchaîné les plus bas instincts, les plus grossiers appétits. Et maintenant tout est effondré. Car ce principe de la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes n'a aucun sens si les peuples ne possèdent pas dans leurs limites territoriales la liberté individuelle. Quelle autorité pour défendre chez les autres un principe que l'on n'applique pas chez soi ? Liberté collective d'un État vis-à-vis d'un autre État. Liberté individuelle à l'intérieur de l'État. Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Mais droit de chaque citoyen d'exprimer librement sa pensée. Quelle différence, entre l'oppression par un peuple étranger ou l'oppression de l'État ? L'Allemagne représente la première de ces oppressions. Le régime Trotsky représente la seconde. Je suis bien convaincu que le cerveau d'un Lénine-Trotsky doit être très semblable au cerveau d'un Hohenzollern-Ludendorff. Ce sont des cerveaux aussi étroits, aussi haineux, aussi sanguinaires, aussi autoritaires et aussi serviles tout à la fois. Lorsque notre pauvre ministre des Aff[aires] étr[angères] répondant à Thomas parla du "gouvernement d'usurpateurs" il aurait dû s'étendre. L'idée était juste. Mais mal exprimée. Il eût été spirituel, à notre tribune, d'assimiler Lénine à Guillaume, Trotsky à Hertling, Krilenski à Hindenburg. Ces analogies vraies auraient été cependant aussi désagréables aux uns qu'aux autres.
18 janvier [18] [1918]
Avant hier, déjeuner chez les Paul Adam. Déjeuner sans grand intérêt. Conversation quelconque.
Visite à M. d'Est[ournelles] de Constant. Les choses évoluent comme je pensais. Cet homme excellent, plein de bonnes intentions, nous aura finalement fait travailler pour rien. Quand on parlait avec lui de questions financières il restait dans le vague. Ayant été forcé de préciser, il m'a avoué qu'il n'y aurait jamais plus de 20 000 [Francs]. Le seul supplément à espérer est celui de l'État. Ce sera insignifiant. Mon désir est d'abandonner cette histoire. J'y perdrai beaucoup de temps. Je ne pourrai rien faire d'intéressant. Verrai Bigot demain.
Visite à la duchesse de Talleyrand[19]. On entre dans l'hôtel magnifique, que Boni de Castellane fit construire, par la petite entrée. Tout est peint au Ripolin. On semble arriver dans un établissement de gymnastique médicale. Mais au bout du couloir une porte s'ouvre et l'on entre dans un petit boudoir Louis XVI. Ce boudoir est un ascenseur. On est reçu par un second larbin, en livrée, et introduit dans un petit salon surchauffé à meubles très inconfortables. Arrive la duchesse. Pauvre être mal venu, habillé comme une tenancière de maison louche, sans aucun charme d'aucune sorte, ne recevant pas même agréablement. Arrive le duc. Beau garçon, en négligé gris perle, tenant le milieu entre le veston et le pyjama, j'ai contemplé avec satisfaction ce couple comique, ils étaient assis à côté l'un de l'autre, sur un laid canapé, et cela faisait un tableau à peindre par Goya ou Toulouse-Lautrec. J'évoquais aussi une arrivée de bolcheviks. Il paraît que Talleyrand ne quitte pas sa femme, soupçonnant dans chaque visiteur un tapeur. On m'a fait visiter la chambre à coucher de la reine, celle que Boni de Castellane appelait la "Chapelle expiatoire". Boni de Castellane est un homme d'esprit. Puis le fameux escalier pour les réceptions de la cour. C'est un beau morceau. Mais décidément j'aime de moins en moins cette forme d'art qui ne répond à rien de profond.
20 janvier [20] [1918]
Hier, entrevue avec M. d'E[stournelles] de C[onstant] devant les esquisses du Monument Wright. Bigot était là. Très emballé par le Vol de l'homme avec les Aigles. Peut-être arrivera-t-il à nous trouver l'argent. En tout cas un pas sérieux en avant est fait, en ce sens qu'un parti est arrêté, qu'un chiffre est fixé. M. d'E[stournelles de Constant] marchant sur une base solide peut s'occuper de faire rentrer la somme qui manque.
Après notre rendez-vous, ai été retrouvé Lily au Théâtre-Français, où l'on donnait la première de la Triomphatrice de Marie Lenéru. Arrivé trop tard, pour le dernier acte. Cette pièce m'a semblé très bien écrite. L'idée centrale bonne. Mais est-ce parce que je n'avais pas vu les premiers actes, l'émotion y est nulle. Il ne m'a pas semblé non plus qu'autour de moi on fût ému.
21 janv[ier 1918][21]
Hier, déjeuner rue de l'Université. Autour de la table, le ministre de Belgique, homme instruit, physique quelconque, le ministre de Roumanie. Il est arrivé, plein de la nouvelle dernière, ignorée encore de bien des gens, l'occupation de la Bessarabie par les troupes roumaines. Occupation effectuée à la demande de l'Ukraine et du général Tcherbatchev. La Bessarabie qui a proclamé son indépendance avait demandé l'assistance de l'Ukraine contre les bandes de pillards maximalistes qui saccagent les villages, rôdent et volent dans les campagnes. Ni l'Ukraine, ni Tcherbatchev n'avaient les troupes disponibles pour cette mesure urgente d'ordre et de police. Alors on s'est adressé à la Roumanie. Elle a saisi avec d'autant plus d'empressement cette occasion que les dépôts de vivres et de munitions sont en Bessarabie. De plus, cette mesure assure ses arrières en cas de retraite. Le ministre de Roumanie finissait à peine de nous raconter cette nouvelle (que Lénine lui-même ignorerait encore à l'heure actuelle, paraît-il), qu'arriva un grand gaillard, long, dégingandé, tout noir, à l'allure flottante, ses vêtements semblant trop larges, c'était M. Ignace, le grand justicier du jour. Puis arrive M. Pams, visage intelligent, sérieux, très sympathique. Déjeuner fort intéressant. Notre ministre de l'Intérieur me fait très grande impression. On sent un esprit cultivé, généreux, clair. La parole est facile. Après Poincaré il est souhaitable que cet homme prenne la présidence de la République : le connaissant, je comprends ses partisans lors de la dernière élection. Elle n'eût pas eu en tout cas le sens agressif de celle de Poincaré. Lui-même n'eût pas cherché à jouer au "grand Président". Peut-être n'aurions nous pas eu cette malheureuse loi de trois ans, ni la guerre.
On a parlé de l'affaire Caillaux. Je crains que cette affaire ne donne de graves ennuis.
Les journaux, ce matin, annoncent que Lénine a dissous la Constituante. Cette assemblée s'est réunie sous la menace des baïonnettes, des mitrailleuses et des canons. Comme immédiatement la majorité s'est manifestée hostile au triumvirat[22] Lénine, Trotsky, Krilenko, dès sa première séance, Lénine l'a déclarée dissoute. Dans les rues on a fusillé la foule. Et voilà ce que fait un parti dit socialiste, antimilitariste, qui proclame vouloir la fin de la guerre par humanité. Avec quelle autorité le parti socialiste pourra-t-il désormais protester lorsque un pouvoir autocrate quelconque fera tirer sur la foule. Quel terrible pas en arrière ces gens-là font faire à la cause ouvrière ! Parodiant jusqu'au bout la Révolution française, ces malheureux sont dominés par deux sentiments : la vanité et la haine. Ils sont comme ces jeunes gens qui veulent étonner le bourgeois par leurs cravates immenses et des gilets ébouriffants. Ceux-là veulent étonner le bourgeois par leurs crimes. Certainement un sentiment aussi naïf les dirige. La Révolution française a proclamé : "Les Droits de l'Homme et du Citoyen." Eux veulent proclamer : "Les Droits des Ouvriers." Comme si chaque groupement social, j'ai pour ma part horreur de ce mot "classes sociales", ne jouait pas son rôle utile dans la société ! Les ouvriers sont un groupement qui a ses droits et ses devoirs qui sont absolument les mêmes que les groupements de professions libérales. La "Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen" contient en elle la "déclaration des droits des ouvriers". Elle est basée réellement et uniquement sur les lois, les droits, la justice, l'amour. Voilà pourquoi elle a conquis le monde. Voilà pourquoi la Révolution française a été grande. J'ai cru un moment que la révolution russe serait plus grande, parce qu'elle lui ajoutait des idées nouvelles internationales et sociales. Mais voilà que celui qui représentait cet idéalisme magnifique a été renversé et sous l'influence de Lénine et Trotsky, la pensée internationale est devenue la trahison, la pensée sociale s'est immédiatement rétrécie à l'étroite conception de la lutte de la classe ouvrière contre la classe sociale, et dans ce but le militarisme est maintenu, plus cruel que celui qu'il remplace, car il n'a pas même de discipline, qu'il ne défend pas un idéal, mais assouvit des haines. Un esclavage pire que jamais menace les hommes. Ces deux conquêtes plus précieuses que les biens matériels que les hommes n'avaient faites qu'aux prix d'infinies souffrances, des plus immenses sacrifices, de luttes qui ont duré des siècles, la liberté de conscience et la liberté individuelle, sont menacées. L'impérialisme ouvrier des Lénine et des Trotsky rejoint l'impérialisme militariste des Hohenzollern et s'unissent pour la destruction des libertés du monde.
28 janv[ier 1918. Chantilly]
Retour d'Amiens. Voyage sans intérêt. Ai lu cependant un article des plus intéressants au sujet de Kerensky-Kornilof. Dans le Mercure de France. Kerensky n'y a pas le beau rôle. Mais sa vraie faute, à mon avis, est d'avoir tant tardé à réunir la Constituante. C'était la première chose à faire, la plus importante. Nous ne verrions pas aujourd'hui un pays comme la Russie terrorisé par de faux socialistes. Nous ne lirions pas dans les journaux les articles des discours de Lénine où l'on voit ceci :
— Nous réprouvons la violence individuelle, mais nous sommes pour la violence d'une classe sur les autres classes.
C'est la doctrine de la force. C'est le militarisme socialiste remplaçant le militarisme impérialiste, de Charybde en Scylla.
Sur la pelouse, devant les grandes écuries, deux aviateurs se sont tués. Dans l'herbe, leurs corps brisés semblaient des corps de garçonnets.
30 j[anvier 1918. Chantilly]
Aujourd'hui Despiau, tandis que je regardais son buste avec lui, m'a dit : "Je vois quelque chose à ton buste. Mais je ne te le dirai pas. Il faut que tu le trouves toi-même." Il fallait voir le sourire et entendre le ton pénétré dont cela fut dit.
Dans la nuit, raid sur Paris. Toute la nuit on les a entendu passer sur nos têtes. Mon inquiétude était grande, surtout pour Ladis[las] qui devait traverser tout Paris pour aller à son hôpital.
[1] . Au lieu de : "il a pris", raturé.
[2] . Au lieu de : "sincère", raturé.
[3] . Suivi par : "Je laisse de côté", inachevé et raturé.
[4] . Au lieu de : "fait souvent", raturé.
[5] . Au lieu de : "épervier", raturé.
[6] . Au lieu de : "l'épervier", raturé.
[7] . Au lieu de : "épervier", raturé.
[8] . Au lieu de : "un homme à esprit d'adjudant", raturé.
[9] . Louise Kapferer, épouse de Benjamin Landowski.
[10] . La Bayadère sacrée.
[11] . Benjamin Landowski.
[12] . Au lieu de : "décembre", raturé.
[13] . "Peut-être est-ce encore", au lieu de : "c'est encore", raturé.
[14] . Suivi par : Et bientôt les maximalistes de Lénine", inachevé et raturé.
[15] . Au lieu de : "mourant de faim", raturé.
[16] . Au lieu de : "détruite", raturé.
[17] . Suivi par : "arrivés au pouvoir", raturé.
[18] . Au lieu de : "décembre", raturé.
[19] Anna Gould.
[20] . Au lieu de : "décembre", raturé.
[21] . Au lieu de : "décembre", raturé.
[22] . Au lieu de: "au gouvernement", raturé.