Cahier n°23
1er janvier 1928.
Journée de travail à la tête de S[ain]te Geneviève.
3 janvier [1928]
Je reçois la visite d'un fils de Tolstoï. Un grand diable qui me paraît aussi désordonné dans ses propos que dans ses gestes. Pendant qu'il parle, tous ses bras et toutes ses jambes gesticulent dans tous les sens. Il se dit sculpteur, me propose un travail à réaliser à deux. Je suis très évasif.
4 janvier [1928]
Dessin pour le frontispice de l'Enfer[1]. Encore un travail énorme que j'ai accepté. Il y a près de deux ans déjà! Où en suis-je?
6 janvier [1928]
Chez Louis Artus, où P[aul] Valéry fut très brillant, quoique pas mal filandreux. Pourquoi, malgré moi, me fait-il un peu penser à Trissotin?
7 janvier [1928]
Á l'Institut, conférence d'Umbdenstock. Quel pathos! D'abord, l'homme m'est antipathique. C'est le nationaliste abruti.
Sa conférence roulait sur les rapports géométriques que l'on rencontre dans les œuvres d'art. Eh! Bien sûr! Il n'y a pas[2] de forme dans la nature qui ne puissent se résoudre en formes géométriques simples. Il est probable que l'analyse géométrique de toute belle œuvre d'art permettrait de découvrir des rapports géométriques qui donnent repos et satisfaction à l'œil. Presque tous les gens de la Renaissance, les Vinci, Dürer, ont étudié la question. Et en ont tiré profit. Mais il ne faut pas y tout ramener. Le fameux nombre d'or ne s'applique qu'à des formes très limitées, et plus spécialement à l'architecture. La géométrie comme point de départ conduit à des compositions pour mannequins (voir le Cirque de Seurat, sans vie, sinistre d'ennui). On comprend que dans un pareil Cirque il y ait aussi peu de spectateur. (Mais ce que moi, je ne comprends pas, c'est la réputation faite à Seurat.) Pour en revenir à Umbdenstock, il nous a projeté des statues photographiées, ce qui ne donne déjà pas la réalité, grillagées dans des réseaux quadrangulaires, circulaires, triangulaires, figures géométriques qui, toutes, comme point central, aboutissaient aux parties sexuelles.
[1] De Dante.
[2] . Suivi par : "je crois bien," raturé.