Avril-1956

1 avril [1956]

Rédaction d'une note sur mon groupe[1], pour le Bulletin des Anciens combattants. Fatigue.

2 avril [1956]

À déjeuner, Gaumont. Il ne me fait pas bonne impression. Il a été voir Pontremoli. Celui-ci lui a dit aussi qu'il n'était pas du tout partisan du vote des membres libres. Il paraît qu'à l'exposition Biennale de Venise, l'invité de marque en peinture est Buffet et un sculpteur appelé Baldaccini, dont je ne connais rien. Ça doit être quelque abstrait (abstraction en sculpture! quelle infinie sottise). Quant à Buffet, c'est un homme doué qu'on perd dans l'argent. Il détruit le lieu commun des artistes maudits. À présent on va connaître les artistes bénis.

3 avril [1956]

M. Nicod et Brugoin viennent photographier le monument pour le Bulletin que dirige M. Nicod.

Dernières retouches à la tête de la France. Malheureux que Jacques Meyer n'ait pas accepté le changement du bouclier. Le reliement[sic] de la guerre de 1914 aux autres grands événements de libération de la France : champs Catalauniques, Poitiers, Jeanne d'Arc, les soldats de l'an II. Voilà les seules belles guerres de la France, avec celle de 1914. C'est dans ce passé impeccable que le gouvernement doit chercher et trouver la marche à suivre dans la situation complexe où la France est en Algérie. C'est clair et terrible.

5 avril [1956]

En montant dans la voiture, j'ai de nouveau senti une gêne dans la poitrine. Mais je n'ai plus d'intermittences depuis plusieurs mois. Dès que j'aurai terminé, je me précipiterai chez W[eill]. J'ai peut-être tort de ne plus avoir pris les médicaments qu'il m'avait indiqués.

Je supprime tous ces nuages que j'avais assez mal traités à la base du groupe[2]. Absurde de chercher à rendre des nuages de poussière ou d'éclatements, en sculpture. Mes poilus sortent de la pierre, de la terre. Il ne faut pas, en sculpture, se servir d'éléments bons pour la peinture. L'erreur de ce groupe est, de ma part, d'avoir pris un mauvais départ. J'aurais du rester fidèle à ma doctrine : sur un mur, que les figures se présentent toujours de profil. À moi de faire franchement des rondes-bosses adossées. J'ai plusieurs fois essayé d'aller dans cette voie. Comme j'ai fait pour la porte de l'École de médecine. La question inscription est bien réglée. Elle sera placée en bas, sur le socle. Ces messieurs sont d'accord, ainsi que Derudder.

6 avril [1956]

Visite de Joffre. Il me paraît sincèrement satisfait. Tant mieux. Mais celui qui devrait être satisfait principalement, moi, je ne le suis pas. Au fond de moi, je pense que ces petits salauds du Figaro, n'ont pas tellement tort de critiquer. Mais ils sont tellement nuls et méchants, n'y connaissant vraiment rien, ils ne critiquent pas ce qui mérite de l'être. C'est finalement cette figure de la France. C'est ce qui m'inquiète le plus. J'ai, là aussi, manqué à moi-même.

Après la visite, nous allons prendre une tasse de chocolat, avec Juge, Joffre et sa femme. En y allant, je sens de nouveau une gêne assez persistante. Mais ça passe. Et puis, ça m'a repris quand nous nous sommes séparés, alors que je prenais le volant. Attendu un moment que ça passe. Je suis rentré sans aucune gêne. Et je vais me coucher. Téléphonerai à W[eill] demain matin pour un rendez-vous. En tous cas, je n'ai plus d'intermittences depuis plusieurs mois.


[1] A la Gloire des armées françaises.

[2] A la Gloire des armées françaises.