Septembre-1940

Cahier n°39

1[er] septembre 1940

Et le temps passe quand même, si vite. Et c'est pour cette courte existence que les hommes s'entretuent!… Et la bêtise, par dessus tout! V[ictor] H[ugo].

Travail à la Porte[1]. L'abaissement des deux groupes dans les motifs centraux est une amélioration énorme. De même les quatre frises intermédiaires avec leurs lignes horizontales.

Une seule interruption, la visite de M. Lavedan, successeur probable de Hautecœur. Me paraît un homme fort intelligent, évidemment puisqu'il a été très intéressé par l'atelier.

2 [septembre 1940]

Visite d'une élève bulgare, peintre. Une grosse fille carrée, vraiment là! Elle venait se plaindre d'être brimée. On lui jette de l'eau. On est grossier. On l'empêche de travailler. Elle me raconte des choses impossibles sur les mœurs et certaines scènes. Je lui promets de faire le nécessaire. Je fais venir le massier. Il me dit qu'elle leur parle avec mépris, leur annonçant le camp de concentration mérité, etc. C'est l'éternel malentendu de bien des étrangers avec nos jeunes gens. Eux blaguent. Les autres ne comprennent pas la blague.

Le jeune secrétaire de Benjamin[2] me téléphone sur l'urgence de son retour. Je réponds qu'on l'attend d'un jour à l'autre.

Après-midi travail.

3 [septembre 1940]

Je reste la journée à la maison. Dix heures de travail sans interruption. Fond du motif la Vie : Perséphone et Démeter, et tout l'arrangement autour, le cortège de Perséphone d'un côté, la mutilation d'Ouranos de l'autre.

On me dit que l'Amérique aurait vendu (et échangé) de nombreux croiseurs à l'Angleterre. Angleterre lui céderait, lui louerait, ou gérerait avec elle des bases importantes dans l'Atlantique et le Pacifique, même en Europe.

4 [septembre 1940]

Visite de deux candidats à l'importante succession de Rapin. L'architecte Hardy, ami de Hautecœur, qui me paraît un peu éteint. Il a enseigné au Caire, avec Hautecœur, quand lui dirigeait l'École des beaux-arts du Caire. Puis de l'architecte Dufet (Expert recommande). Beaucoup mieux. Vif, intelligent, d'allure énergique. Et a fait beaucoup de décoration.

Mais j'aimerais mieux un vrai technicien d'origine. Car on ne connaît vraiment les techniques qu'après les avoir pratiquées jeune.

Déjeuner chez Marcel Trèves. Il habite une maison mitoyenne de l'École. Nous avons évoqué des souvenirs lointains, où apparaissent beaucoup de morts.

Après-midi aux motifs des fonds des panneaux centraux[3]. J'affirme les saillies.

5 [septembre 1940]

Visite de Pierre Marcel, revenant de la zone libre.

Je déjeune avec Cassou. Il est, comme nous tous, bien préoccupé de la situation générale, aussi bien pour ce qui se passe extérieurement que de la situation intérieure, de cette dualité, de cette incompréhension mutuelle. Il n'est pas moins préoccupé de l'installation du musée de Tokyo. Tout y est raté. Hélas! ça va avec le reste. Ce ratage vient de la théorie de ces dernières années consistant à, comme on dit, "encourager les jeunes". Alors, au lieu de confier les travaux aussi importants, tant au point de vue utile qu'à celui de notre prestige, on a été injuste pour les hommes ayant fait leurs preuves et déjà beaucoup peiné. On a favorisé les jeunes, sans se demander si leurs capacités égalaient leurs années, comme si la jeunesse remplaçait le talent. Résultat, le Palais raté, les horreurs du Palais des Nations et la grande masse des commandes de l'État. Chaque fois que j'allais à la Direction générale, j'y rencontrais quelque "jeune" faisant antichambre. Ça s'appelle se débrouiller. Dans notre jeunesse, nous, nous travaillions. Et les commandes sont venues, sans faire antichambre.

Discours bien pénibles pour l'anniversaire de la guerre! Bêtise! Bêtise! Il semble que la guerre aérienne s'intensifie.

6 [septembre 1940]

Rabaud me téléphone et me donne lecture d'une lettre collective, où lui et moi, nous demandons au ministre de prolonger la limite d'âge des membres de l'enseignement qui sont de l'Institut, jusqu'à 75 ans. Après tout, ce n'est même pas beaucoup, pour des êtres immortels… Je signerai cette lettre, et pourtant je ne suis pas très partisan d'une pareille prolongation. L'enseignement n'y gagne pas. Et elle favorise les clans, sous l'effet de l'influence de ces patrons, membres de l'Institut.

Bon arrangement de Perséphone et du groupe Gaia-Ouranos-Kronos[4].

7 [septembre 1940]

Je reste le matin à travailler. Les ciels des panneaux centraux sont finis. Je crois que c'est bien, vraiment.

Visite du notaire de l'École, M. Burtin, venant me présenter sa jeune fille qui veut apprendre à dessiner "la figurine" et me demander conseil. Je lui donne les renseignements qu'il désire. Il m'apprend un nouveau remaniement du ministère du maréchal. On en rit. Il ne faut pourtant pas s'en étonner. Il ne faut pas oublier non plus qu'on a la main sur la nuque.

À l'Institut commission pour établir une réforme du règlement pour les élections des graveurs. Pas bien grand intérêt.

8 [septembre 1940]

Travail toute la journée, un peu partout, surtout aux petites frises. Celle du centaure Chiron principalement.

Visite de la belle-sœur de d'Espagnat qui s'inquiète de sa retraite prochaine. Pourra-t-on l'éviter?

9 [septembre 1940]

Visite de parents d'élèves prisonniers. Je ne peux rien faire d'autre que de leur donner des certificats forcément n'ayant pas l'allure impérative. Entre autres, cette Madame Lefebvre, cette pauvre femme dont les 3 fils étaient mobilisés, dont le père s'est engagé. Le peintre, élève chez nous, est prisonnier. Et Formigé, dont le fils a perdu, depuis qu'il est prisonnier, 19 kilos. C'était une jeune recrue que le commandement a si coupablement abandonné à l'ennemi, dans leurs dépôts. Il était à Vannes. Il n'avait que 9 jours de service. Leur colonel est parti quatre jours avant l'arrivée des Allemands, laissant littéralement son régiment sans aucun ordre.

10 [septembre 1940]

Le Recteur Roussy m'a dit, au téléphone, qu'on n'obtient pas grand chose pour la libération des prisonniers.

Après-midi, la frise de Pandore[5]. L'exécution de tout ça, en grandeur, va être passionnante.

11 [septembre 1940]

En allant à l'École, je rencontre la si jolie maîtresse de ce jeune architecte Fiset, sujet canadien, mis en camp de concentration à Fresnes. Elle me demande un certificat pour l'épreuve orale du diplôme. Le pauvre était resté en France pour ce diplôme.

Jaudon arrive chez moi tout ému. Il me confirme son téléphone. Il vient de rencontrer Umbdenstock, rue Bonaparte, qui racontait qu'il était chargé d'une enquête sur moi, pour vérifier si j'étais juif, si j'étais franc-maçon, et il ajoutait que j'ai pris cent mille francs dans la caisse de l'École, et qu'à cause de cela on ne pouvait plus payer les modèles. Et voilà. Il était tout étonné de me voir rire. Car c'est comique. Umbdenstock disait :

— Nous allons faire sauter tous ces juifs, Paul Léon, et Pontremoli, et Hautecœur, et Landowski. J'ai écrit à un ministre à Vichy, etc.

J'ai beaucoup remercié Jaudon, et je me promets de secouer sérieusement cet imbécile d'Umbdenstock.

Après-midi, travail à la Porte : Alceste, que je reprends complètement. Fin de journée, visite à M. Pomert, pour l'éventualité de laissez-passer pour Lily et les enfants.

Il paraît que le discours d'Hitler a été publié tronqué. Il était très injurieux pour nos armées qu'il traitait d'armées de kangourous! Il se moquait même de notre antisémitisme d'imitation. Que tout ça est triste, triste.

 

12 [septembre 1940]

Revisite de Jaudon, qui me dit qu'Expert est au courant du petit complot contre moi. J'en parlerai à Expert quand je le verrai, et maintenant je vais me mettre à une lettre pour Umbdenstock qui va sérieusement le secouer. Il l'aura demain, car je veux qu'il l'ait avant la séance de samedi à l'Académie.

13 septembre [1940]

Matin École et je fais taper ma lettre pour cet idiot d'Umbdenstock. À dix heures mon rendez-vous avec Hautecœur. Très bien. Après avoir réglé les différentes questions concernant l'École, nous bavardons. Lui aussi on l'attaque, bien entendu. Quel est l'homme qui, ayant une situation quelconque, ne voit pas autour de lui de vilains requins rôder. Il paraît que c'est Baggi qui raconterait des idioties analogues à ce gâteux d'Umbdenstock. Je vois aussi Lamblin et Siméon. Lamblin toujours calme, Siméon toujours agité. Tous les deux vraiment gentils. Hautecœur ne sait pas quand il pourra revenir. Je l'invite à visiter l'École. Il me téléphonera de Vichy. Huisman est à Vichy et il se débat pour obtenir un pauvre os. Je crois Baggi incapable d'une vilenie.

Déjeuner chez Cazenave avec Maxime Leroy et toujours ces messieurs du Temps dont j'ignore les noms. Un d'eux, un conseiller à la Cour des comptes racontait de très intéressantes choses. Primo : les dessous du dernier remaniement ministériel. C'est le résultat d'une lutte entre l'équipe Bergery - Déat - Flandin et l'équipe Laval - Boutillier[6] - Baudouin. Bergery - Déat étaient à Vichy. Bergery en est revenu croyant l'affaire gagnée. Il se voyait déjà ministre des Affaires étrangères. Et le remaniement paraît qui marque l'écroulement de la combinaison Bergery. Pour être sûr que Bergery ne revienne pas, L[aval] a fait prendre le décret concernant les enfants naturels de Françaises reconnus par un père étranger. Cas de Bergery. Fils naturel d'un Russe et d'une mère française, épousée ensuite par un Allemand qui reconnut l'enfant. Secundo : Ripert est paraît-il un homme bien. Il a surtout voulu se dégager de l'aff[aire] de Riom, lourde d'embûches et de responsabilités à lointaine échéance. Tertio : à propos de la conduite de la guerre, la rivalité Gamelin - Georges fut très nuisible. Les deux é[tat]-m[ajors] étaient à 25 kms l'un de l'autre. Ils communiquaient par Paris. Les officiers de chaque é[tat]-m[ajor] ne se saluaient pas. Les hommes avaient des insignes particuliers. Idiotie totale. Il parle très sévèrement du général Doumenc, qui fut néfaste à Moscou, nul pendant la guerre et à qui on a confié actuellement je ne sais plus quel important, très important service. En somme on veut organiser la restauration du pays par ceux qui ont si mal commandé l'armée. Quarto : sur les tendances allemandes pour la paix. Deux tendances. La paix Abetz : ramener la France à sa situation après le partage de l'empire de Charlemagne! Créer une Lotharingie! avec la Bourgogne, la Champagne, la Wallonie! La paix Gestapo. Moins d'amputation territoriale, mais entretenir en France la pourriture morale, acheter ceux-ci, ceux-là, bref, maintenir le pays en stagnation. Quinto : on reparle de la débâcle. Il paraît que l'armée Corab [sic][7] avait été "désarmée" dès le mois d'avril. Ce n'était qu'une armée de pionniers. On raconte quelques incidents de la débâcle, l'histoire de ce général qui, en pleine bataille, envoyait en mission son chauffeur à Paris pour acheter des objets-surprise comme cigarettes explosives, cravates lance-eau, etc., pour amuser les officiers de son mess! On raconte aussi l'entrée des Allemands à Bordeaux. Un poste de soldats français, territoriaux, était sur la route à 25 kms de Bordeaux. Ils voient arriver au loin des motocyclistes, quatre ou cinq, qu'ils prennent d'abord pour des Anglais. Quand ils reconnaissent des Allemands, le sergent s'avance, les somme de se rendre à ses vingt-cinq hommes. Ils se rendent. Nos soldats les désarment, mettent les fusils dans le side-car, montent sur les motocyclettes et se font conduire à Bordeaux par leurs prisonniers, qui le font en bons copains. On arrive.

— Nous amenons des prisonniers, disent nos hommes rendus au casernement.

— Des prisonniers? leur répond-on, mais l'armistice est signée depuis ce matin.

— L'armistice est signée, disent alors les Allemands, alors c'est vous qui êtes nos prisonniers!

On discute. On téléphone au général français pour arbitrer. Celui-ci déclare que ce sont les Français qui sont les prisonniers. Sic. Voilà ce que fut l'entrée des premiers Allemands dans Bordeaux, où il y avait le gouvernement de l'armistice. Il paraît que Pétain, déjà en 1914, était toujours prêt à demander l'armistice. Il l'aurait exigée en 1918, après la percée allemande sur Péronne. Il annonçait la prise de Paris. C'est Foch qui s'y opposa violemment d'où l'hostilité de Foch envers Pétain. Je crois qu'une guerre, quand on a fait la folie de se lancer là-dedans, il faut tenir, tenir ou crever. Ce sont les Anglais qui ont raison. Pour nous maintenant, quelle que soit l'issue, paix de compromis avec l'Angleterre ou victoire allemande, la paix qui nous sera imposée sera lamentable. Et sans honneur.

En arrivant à la maison, je trouve Mme Fiévet, si gentille, mais maigrie et un peu jaune. Nous sommes bien émus l'un et l'autre. Elle aime beaucoup la Porte[8].

J'y travaille un bon moment, jusqu'à l'arrivée de Mme Sch[neider][9] qui me donne la cinquième séance de son buste. Très difficile buste. Elle est très intelligente. Elle a beaucoup de bonté.

J'ai la bonne surprise d'avoir un téléph[one] de Benjamin[10] qui revient de Cubjac, Vichy. Il a vu Ladis[11] qui serait un peu fatigué, aurait trop d'urée. Cher, cher Ladis. Il paraît que lui et Lily sont très, très effondrés.

14 [septembre 1940]

Il paraît qu'à Vichy le maréchal voyait beaucoup ces derniers temps Doriot. Il paraît qu'un des personnages importants est Deloncle qui fut arrêté il y a un an ou deux pour un complot. Maurras serait aussi un des grands conseillers du maréchal. En fait, on s'acheminerait vers une monarchie. Au fond, qu'importe le régime, si on arrive à restaurer le pays. Il me semble qu'en ce moment la monarchie est le seul régime stable possible.

Téléphone, puis visite d'Umbdenstock. J'ai bien fait de lui écrire. Cela aura achevé de crever un abcès honteux. Il semble qu'une tentative assez sérieuse, étant allée jusqu'au gouvernement, a été faite pour me prendre la direction de l'École, sous l'invention que je serais juif! Umbdenstock m'a dit qu'il avait été chargé d'une enquête sur moi! Il doit s'agir d'une histoire officieuse entre un ministre et quelques bons confrères! Umbdenstock m'a affirmé qu'on voulait me mettre sur une liste de fonctionnaires mis à la retraite pour raisons raciales! Mais que lui, au lieu d'agir dans le sens qu'on m'avait dit, a fait le contraire. Il m'a montré une lettre longue empêtrée de tas de ressentiments personnels contre celui-ci ou celui-là, mais où très nettement il défend David-Weill parce qu'il a été un grand bienfaiteur, et moi, affirmant que mes parents n'étaient nullement juifs. Peut-on imaginer plus humiliante et [plus] basse occupation pour des hommes au pouvoir que de demander de semblables enquêtes. Voilà en tout cas les choses remises au point. Il m'a dit que maintenant plus que jamais il me défendrait. Il paraît que l'autre mardi, à la Société des Artistes français, un petit groupe de sculpteurs bavait sur moi. Ils allaient jusqu'à reprocher mon mariage avec la chère Lily, rappelant qu'elle avait divorcé, que son arrière grand-père était Crémieux. On a peine à imaginer à quel point l'envie rend ces malheureux méchants. Il y a au fond de tout ça, l'histoire de l'École de médecine. Ils me reprochent l'exécution de cette Porte :

— Il distribue des miettes aux autres.

Même ceux qui ont du travail, je suis sûr, m'en veulent. Je n'aurais dû confier tous ces bas-reliefs qu'à des jeunes. Plusieurs auraient été beaucoup mieux. Il paraît, par exemple, que Gaumont, le gentil Gaumont, n'est pas content parce que je lui ai demandé de recommencer ses bas-reliefs qui se ressemblaient tous. Tous ces gens ne sont pas tellement consciencieux. Pour en revenir à Umbdenstock, il m'a montré une lettre d'un ministre, dont la signature était cachée, d'où il ressort qu'on attaque aussi Hautecœur. Il partait ce soir. Sans quoi j'aurais cherché à le voir pour le prévenir. Mais ne nous frappons pas. Il en a toujours été ainsi. Phidias, dit-on, fut emprisonné. La fin de sa vie fut misérable. Et tant d'autres. Enfin nous nous sommes quittés avec Umbdenstock dans les meilleurs termes, nous assurant de notre mutuelle estime. Eh! bien! Je pense que c'est un brave homme très sincère. À moitié fou, et un peu gonflé. Je crois qu'il se conduira désormais comme il m'a dit.

Déjeuner des Cald'arrosti. L'atmosphère est gênante. Plane la question antisémite. Les bons réactionnaires s'en donnent à cœur joie. Mais s'ils n'aiment pas celui-ci ou celui-là, c'est parce qu'ils n'ont pas pu obtenir de lui telle ou telle faveur. Je suis content de voir que tout le monde est d'accord au sujet de David-Weill et pour faire quelque chose pour lui. Mais comment? Il faut être très prudent, en ce moment. Et puis, parallèlement à son activité de mécène, il y avait l'activité du banquier. Celle-là, nous ne la connaissons pas.

À la séance de l'Académie, on nous lit une lettre de Ibert, qui, donc, ne serait pas parti, comme on avait dit. Il est à Vichy et s'inquiète de la situation des grands prix. J'ai appris que Rémondet était rescapé.

Incidemment j'apprends que Bouchard, dans la matinée, était allé chez Umbdenstock. Nul doute qu'il ne soit derrière toute cette histoire. Serait-il capable d'avoir envoyé quelque dénonciation anonyme à un membre du gouvernement? Lui ou quelque autre jaloux.

15 [septembre 1940]

Terminé, au tiers, le motif Alceste[12]. Quand tout sera comme celui-là, on pourra mouler, et le travail en grand ira facilement. Pendant que je travaillais, Hautecœur m'appelle au téléph[one]. Il s'agit d'une convocation pour la réforme de l'enseignement de l'arch[itecture]. Ce sont toujours les mêmes types, Remaury, Marrast auxquels seraient adjoints Olmer et Debat-Ponsan. Je présiderai, me dit Hautecœur. Encore une corvée! Je crois devoir aviser H[autecœur] des intrigues louches Umbd[enstock]-Bouchard. La lettre à moi montrée par Umbd[enstock] serait de Baudoin.

Rentrant à la maison j'entre chez Benj[amin][13]. Il me montre tout un dossier qu'il a retrouvé de papiers de famille paternelle. Un est un diplôme d'un établissement religieux indiquant que notre grand-père a obtenu la première place en instruction religieuse. Un autre est l'inscription de notre père dans un lycée "de religion catholique". C'est lamentable d'être obligé de s'occuper de cela. Mais puisqu'on cherche à nous nuire avec cette question idiote, il est fort heureux que Ben ait retrouvé tout ce dossier. Pauvre humanité! À quoi il faut perdre son temps! Comme je racontais à Ben[jamin] l'histoire Umb[denstock] et sa collusion avec Bouchard, qui le pousse, car c'est un pauvre type un peu fou et quelque peu gâteux, le secrétaire de Ben[jamin], le jeune J. P. Garnier nous dit :

— Ah! mais nous le connaissons très bien. Mon père les invitait pendant les vacances. Nous les hébergions tous les cinq pendant deux mois tous les ans. Un jour mon père demande à Bouch[ard] de lui faire un bouchon de radiateur. Bouch[ard] va à la ville voisine, en rapporte un peu de terre glaise, et avant de rien commencer en demande le remboursement à son hôte!… Puis quand le bouchon fut fini il le fit payer, comme à quiconque.

Mais mon après-midi a été heureuse, à la Porte. J'ai terminé le motif d'Alceste. Quand tout sera comme celui-là, l'exécution en grand demandera évidemment du temps, mais ne demandera plus aucune recherche de composition.

16 sept[embre 1940]

Pris le motif "l'Arbre de la Connaissance" qui pourrait s'appeler aussi "le Rameau d'or". Le terminerai demain j'espère.

À l'École, visite de Expert. Auparavant téléphoné à Lamblin pour lui demander d'adjoindre Gromort à la commission de Réforme de l'Enseignement de l'Architecture. Je reste surpris de voir dans cette commission Remaury, Marrast et même Paquet. Marrast n'a jamais réussi auprès des élèves. Remaury ne fait pas d'enseignement.

Expert me parle de la tentative faite contre moi. Je trouve cette histoire tellement misérable et imbécile que je ne m'en frappe pas, n'ai même aucun sentiment de revanche. C'est d'ailleurs plus par flemme que par grandeur d'âme.

17 sept[embre 1940]

Ce matin, long rendez-vous avec Lebout. Question de la réforme de l'enseignement. Il est tout à fait dans mes idées, sur la nécessité de donner à nos jeunes artistes un métier. Ils sont trop de peintres et de sculpteurs ne sachant rien faire d'autre qu'un petit paysage, un portrait ou une figure. Aussi quel maigre intérêt ont ces Salons avec ces torses et ces académies d'École! Je le constatais une fois de plus, ce matin, en visitant avec Darras et Vaudoyer l'exposition de l'Orangerie, torse de Dejean, bien mauvais, nu féminin de Despiau, encore plus mauvais, mal construit, sans sensibilité (grandissement à la machine d'ailleurs) et la sempiternelle Pomone de Maillol. Mon Dieu que tout ça est banal! Il y a un bon Vuillard ancien et une Popesco récente, assez quelconque. Il y a Derain, comme toujours très mauvais. Et très banal aussi. Je ne m'explique pas, même pas par l'étrange, la réputation faite à ce type-là.

Après-midi à la Porte[14]. Le motif "l'Arbre de la connaissance". Je fais encore gagner beaucoup. En terminant, je ne refroidis pas, au contraire. Accorder ensemble tous ces motifs est difficile, mais j'y arrive.J'approche réellement de la fin.

Dîner avenue Henri-Martin chez la pauvre femme abandonnée de C. Tout le charme de ces réunions est gâté par l'obligation d'être rentré à heure fixe. Nous voilà tous redevenus collégiens.

18 sept[embre 1940]

Ce matin, commission de la Réforme de l'enseignement des B[eau]x-Arts. c'est l'aboutissement de ce qu'on appelle "la Réglementation de la Profession d'Architecte". Cette réglementation consiste en l'octroi d'un seul diplôme, au lieu des divers diplômes actuels délivrés par l'Éc[ole] des b[eau]x-a[rts] d'abord, l'École des arts décoratifs ensuite, et les établissements libres, École Trélat[15], Travaux Publics, etc., donnant aussi le droit de construire. En ouvrant la séance, je donne la parole à Paquet et nous, directeur et professeurs de l'École, nous apprenons avec stupéfaction que depuis un an, une commission composée de Paquet, président, C[amille] Lefebvre, Marrast, Remaury, Dufau, Vitale, Marmorat (?) travaillait dans le mystère à la Réforme de l'enseignement de l'École! Paquet est aux Monuments historiques, Marrast et Remaury pratiquent un vague enseignement à l'école du boulevard Raspail[16]. C[amille] Lefevre a été "remercié" par les élèves, comme Marrast d'ailleurs quand il essaya de constituer un atelier. Il n'y avait comme membres de l'enseignement de l'État que Danis, directeur de l'École régionale de Strasbourg, et Vitale, notre professeur de stéréomie [sréréométrie?], cours un peu secondaire. Pas un seul chef d'atelier! Comme si pour réformer l'enseignement des lycées et collèges on faisait appel aux tenanciers de boîtes à bachot ou d'établissements libres! C'est bien du Huisman. Le secret avait dû être recommandé, car ni moi, qui allais souvent à la Direction gén[érale], ni aucun des patrons ne se doutait de la besogne qui s'accomplissait. Encore si elle était bonne, la besogne! Elle ébranle tout le système actuel de l'enseignement, avec cet enseignement collectif si précieux, si utile, dans l'atelier commun aux anciens et aux débutants, où les corrections des patrons sont complétées par les conseils quotidiens des anciens, où les petits jeunes aident les anciens, pratiquant ainsi une sorte d'apprentissage, coutume des plus fécondes. Maintenant on veut diviser tout ça. N'a-t-on pas envisagé ce matin (Danis) une section préparatoire dans les lycées et collèges! Puis une seconde classe qui aboutirait à une licence de constructeur. Ainsi, alors qu'on se propose de relever le niveau de la profession, on commence par créer un diplôme, licence donnant le droit de construire à des jeunes gens n'ayant que trois ans d'études. Aujourd'hui il faut au moins cinq ans. On arrive ainsi à la contradiction savoureuse d'abaisser le niveau. Je sais bien qu'il y aura ensuite le diplôme supérieur, mais combien seront-ils qui, ayant acquis le premier, iront au Supérieur qui ne leur donnera guère plus d'avantages? Et puis, cette réforme entraîne, à mon avis, une suppression très grave, celle de cette série de projets échelonnés de deux mois en deux mois, toujours sanctionnés par des valeurs, de sorte que rien ne peut-être oublié et négligé. Les auteurs du projet l'ont d'ailleurs abandonné au moment le plus difficile, au moment de l'enseignement supérieur… En résumé, très mauvaise impression. Confusion. Superficialité. Et arrière-pensées personnelles. (Marrast, École Trélat; Paquet, Monuments historiques). Il faut se méfier de secouer les colonnes du Temple. Tout l'édifice vous tombe dessus. Mais nous allons avoir du mal à empêcher qu'on fasse trop de mal.

Les membres de la commission actuelle sont : moi, qui préside, Paquet, Danis, Marrast, Nicod, Debat-Ponsan, C[amille] Lefebvre, Gromort, Remaury, Lamblin, Siméon (très dangereux parce que peu intelligent et très prétentieux), Expert parfait.

J'ai déjeuné avec Marguerite Long. Huîtres. Elle va jouer chez Pasdeloup. Après je retourne à l'École pour les épreuves du diplôme. Le pauvre Fiset n'a pas été relâché de sa prison de Fresnes (camp de concentration pour sujets britanniques). Sa fragile petite femme est là. Elle attend le certificat du diplôme pour courir le porter, avec espoir de le lui remettre elle-même. Atmosphère du jury sympathique. Mais beaucoup d'apartés, à cause du contrecoup de la séance de ce matin. Expert, avec raison, n'encaisse pas le procédé.

Séance au buste de Mme Sch[neider]. Bien difficile buste!

Le travail d'hier aux motifs supérieurs a été excellent.

Mme Sch[neider] me disait que la situation P[ierre] L[aval] à Vichy ne serait plus aussi solide. Il y a aussi un point sur lequel on est obligé de tout céder, la question israélite. Il y a là intransigeance absolue. Mme S[schneider] me raconte comment le général W[eygand] fut débarqué. Le maréchal le fait venir, lui dit :

— J'ai besoin de votre démission.

— Bien, Monsieur le Maréchal.

Et ce fut tout. Sans explications. 2ème partie de l'entrevue :

— Vous allez immédiatement partir au Maroc prendre le commandement des troupes chargées de maintenir notre unité.

— Bien, Monsieur le Maréchal.

Et ce fut encore tout. Une minute pour la première partie. Une autre pour la seconde. Le soir W[eygand] partait au camp d'aviation de départ. Le lendemain il avait une côte cassée dans un accident à l'envol.

19 sept[embre 1940]

À l'École, visite de Majodon, le céramiste, qui vient de la part de Baudry pour la succession de Rapin. Il me paraît le mieux de tous ceux que j'ai vus; lui et Labreux. Les deux architectes sont beaucoup plus théoriciens. Eux sont des professionnels. Ils travaillent de leurs mains. Mais Majodon n'est-il pas un peu trop spécialisé. La céramique est un art très limité, aussi bien dans ses moyens que dans son application.

Après Majodon, Lejeune. C'est un homme bien. Un peu trop plaisantin. Déjeuner au rest[auran]t des Capucines, invité par le Dr Besson avec Déat et sa femme et Renaitour, l'écrivain, député sabordé, homme plein d'allant, fort intelligent. Ils sont, me semble-t-il, du parti quelque peu opposé au gouverne[men]t actuel. Ils le trouvent encore gouvern[emen]t de demi-mesures. Du moment qu'on a signé l'armistice, il faut aller jusqu'au bout. Les subtilités de "droit" ne sont plus de circonstance. On a joué la force, sans être fort. Il ne faut pas continuer à jouer la mauvaise carte. Il faut donc arriver à s'entendre le plus rapidement possible. Il paraît qu'à Vichy, on sape beaucoup P[ierre] L[aval]. Son départ du ministère marquerait l'entrée d'un général de plus. Et cela préparerait un coup d'État monarchiste. Il est fort probable qu'alors un gouvernement indépendant, non monarchiste, se formerait à Paris. Ce sera alors un beau grabuge! Quelles vésanies[17].

Pour moi, je crois que la monarchie est peut-être le seul régime possible pour permettre[18] au pays de se ressaisir, en dehors des luttes de partis et pour écarter tous ces apprentis dictateurs qui nous offrent leurs services… Mais le roi futur aurait tort d'entrer actuellement en action. Qu'il laisse d'abord ceux qui ont engagé l'armistice en tirer eux-mêmes les conséquences. Pour que le roi ait de l'autorité, qu'il ne soit pas celui qui signera la triste paix qui nous sera imposée. Ceux qui la signeront ne pourront pas durer.

Déat va faire reparaître L'Œuvre. Librement, assure-t-il et je le crois. On ne lui impose rien. Mais il est responsable de tout ce qui y paraîtra. Il me demande de lui donner des articles. J'accepte volontiers. Mais, prudemment, j'en parlerai à Lamblin. Je ne crois pas qu'une autorisation me soit nécessaire.

Benjamin[19] est venu dîner.

20 [septembre 1940]

Déjeuner du Dernier-Quart. Il y avait Moulin, Trébor, Gonmouillon [?], le préfet Langeron, Mauss, Martin, Le Mée, Dr. Etzboyer, colonel Bénédic, Gus Boffa, etc. Rien de particulier n'a été dit.

Langeron me dit pourquoi il a été mis à l'écart à l'arrivée des Alle[man]ds. Parce que ceux-ci ont arrêté et envoyé en All[emagne] un certain nombre de ses commissaires. Contre quoi il protesta disant que si quelqu'un devait être pris comme otage, ça devrait être lui, non ses subalternes. D'où grosse irritation. Mais Langeron obtint les libérations.

Porte et buste de Madame Schn[eider]. Difficile, difficile! Tout en expression. Jeune, brillante, elle devait déjà être bien difficile à faire. Maintenant, il y a la double difficulté. Celle du visage mobile, celle de l'âge qui, en sculpture, s'exagère presque de soi-même. J'en sortirai. La séance d'aujourd'hui a été bonne.

21 [septembre 1940]

Toute la journée à la Porte[20]. On pourrait presque mouler à présent. L'essentiel y est, composition et saillies. Chaque morceau peut maintenant être pris séparément. Si on n'était pas si triste, si triste, quel enthousiasme j'aurais au moment de commencer les dessins et l'exécution des morceaux définitifs.

Le haut est maintenant au même point que le reste. Ça n'a fait que s'enrichir. L'exécution, la précision n'a rien refroidi, au contraire. Car j'ai continuellement travaillé en ayant la dimension vraie devant l'esprit.

22 [septembre 1940] Dimanche

Encore une grande journée de travail à la Porte. Cette maquette est déjà une exécution. C'est presque une pièce d'orfèvrerie. Presque plus rien à chercher. Des détails, quoiqu'en fait, il n'y ait pas de détail. Ces petits coins de surface, d'infime superficie, qui ne sont pas encore à leur valeur, à leur effet, nuisent et prennent une importance de premier plan au fur et à mesure que le reste s'achève. En trouvant qu'en faire ils disparaîtront.

Déjeuner chez Riou. Ils sont à Paris depuis tout le temps. Il y avait l'ancien ministre Archambault, assez âgé semble-t-il, et sa toute jeune femme, très jolie.

On parle de Vichy. On ne s'y rend pas compte du tout de la situation du pays, du mécontentement contre toutes ces mesures qui sont à la fois spectaculaires et politiques. Pendant ce temps l'économie du pays s'aggrave. Les transports ne s'améliorent pas. La situation des prisonniers est sans issue. Les restrictions frisent la famine. Au milieu des richesses du monde! Le maréchal, très vieilli, est dans les mains de Maurras. Homme très intelligent, mais théoricien hors de la vie. Il est aussi dans les mains des Jésuites. Le général des Jésuites est venu de Rome. Celui des Français serait à demeure à Vichy. Cette orientation de plus déplaît complètement à l'Allemagne. On aurait voulu là que Pétain appelât Doriot. Cependant à Paris on crée un Parti National Socialiste émanant du N.S. allemand. Laval, intelligent, sent le danger, et alors c'est la lutte entre son entourage et celui du maréchal. Le programme autour du maréchal est de remplacer Laval par Alibert. Mais il y a la révocation d'Herriot comme maire de Lyon. L'effet est désastreux. Archambault ne serait pas éloigné de penser qu'il y aura des mouvements de révolte dans le sud-ouest. C'est pourquoi nombreux sont les gens raisonnables là-bas qui préféreraient voir une occupation totale. Pourquoi ces gens de droite qui, on commence à le comprendre, ont déjà signé précipitamment l'armistice et voulaient le signer plus tôt, vont "profiter de l'occasion" pour faire des bêtises encore plus graves que ce malheureux parti radical-socialiste. L'arrière-pensée est en effet : une brusque restauration monarchique. Dans de pareilles conditions, ce serait dépopulariser, d'entrée de jeu, la monarchie. Or une monarchie doit s'appuyer directement sur le peuple, pour être viable. La monarchie ne doit pas être un parti.

Riou dit qu'il n'y aura pas de traité de paix, que déjà l'industrie française est imbriquée dans l'industrie allemande, qui impose à la nôtre une réduction de production de 70 %. Dans le Nord, les textiles, dans l'industrie du caoutchouc, c'est chose faite. Cependant V. ne s'occupe que de révoquer celui-ci, ou celui-là, et de placer celui-ci ou celui-là, au mérite!… Mais il y a la question du ravitaillement. Il y a la question des transports. Il y a la question du travail de la jeunesse, et des hommes faits. Il y a la question des prisonniers. Il y a la question Paris. On nous avait annoncé — la voix la plus autorisée — que le gouvernement allait y revenir? Le traité de paix, si traité il y a, ne fera que constater les faits accomplis. Alors quelle différence avec les prédécesseurs honnis?

Il paraît que la moitié des juges de Riom ont démissionné.

23 [septembre 1940]

École. Réponses des professeurs à la demande ministérielle sur les sociétés secrètes. Un seul, Bouchard naturellement, a éprouvé le besoin d'accompagner sa réponse d'un commentaire : "J'espère bien, écrit-il, que même engagement va être demandé aux membres du jury." Quel zèle! J'avais envie de lui répondre qu'on demanderait aussi aux membres du jury d'être juste. Je crois qu'il éprouve ce besoin de faire du patriotisme écumant pour qu'on ne pense pas à son mariage. Moi, je comprends ça. Mais pour qui, tout à coup, à l'occasion d'un pareil malheur, accepte les doctrines les plus nationales, il y a contradiction…

Après-midi à la Porte[21], la zone supérieure dite : "La Conquête de la Connaissance". Il n'y a vraiment plus qu'à finir. En grand je ne crois vraiment pas avoir autre chose à faire qu'à me recopier.

24 [septembre 1940]

À l'École d'abord, où nous avons avec Expert, Debat-Ponsan, Gromort, une réunion avant la 2e séance de la commission de Réforme de l'enseignement de l'architecture.

Rue de Valois. Réunion de la commission — que je préside — où les choses s'arrangent à peu près. J'ai l'impression que ce diplôme va être bien facile, obtenu en bien peu de temps (4 ans), et que finalement le niveau va être abaissé pour la grande majorité, car combien seront-ils qui voudront continuer jusqu'au diplôme supérieur? Il y a là d'ailleurs quelque chose qui n'est pas au point. En tout cas, la séance fut très cordiale.

Déjeuner chez Georgette Bruchot. Son mari paraît un vraiment brave type. Ils reconstituent peu à peu à Chézy leur propriété.

Après-midi, Porte. Toujours les motifs supérieurs. J'approche vraiment de la fin.

Beltrand venu en fin de journée. Très satisfait. Nous parlons de l'exposition de l'Orangerie. Il est vrai que les autorités n'ont pas accepté que des Israélites exposent. Leurs commissaires sont venus faire ce super-jury. Ils ont demandé qu'on retire le nu de Gromaire. Hélas! Ils ont raison. C'est monstrueusement laid. Beltrand me dit que ce Gromaire est encore un homme jeune (une quarantaine d'années), très gentil camarade.

Reçu lettre de Danzé, de la pauvre petite fermière dont le mari a été tué. Ça a été pas mal pillé semble-t-il. Mais il semble que nos tableaux n'aient pas été molestés.

25 [septembre 1940]

Matinée de visites. Quelques élèves me confient leur détresse. Parmi eux la petite jeune fille de la Martinique.

Jaudon, puis Gaumont et Poughéon. Ce sont des amis de Hautecœur. Des échos leur reviennent d'un assez mauvais accueil fait à sa nomination aux A[rtistes] f[rançais]. "Rien n'est changé" disent beaucoup. Pour eux, un bon directeur est celui qui leur donnera exclusivement à eux des commandes. Ça ne va pas plus loin que ça. Lejeune, venu dans la soirée, avant la réunion Rome-Athènes, me parlait de Hautecœur en faisant un tas d'insinuations. Ce genre de type s'imagine que parce que la pauvre France a été vaincue, trahie, c'est parce qu'on ne leur donnait pas assez de commandes. Ce milieu des A[rtistes] f[rançais]. est bien médiocre.

Je rencontre Bau[ ?] en revenant l'après-midi. Il me parle du fameux projet de Réforme de l'enseignement de l'arch[itecture]. Il était mal renseigné. Le projet lui paraît aussi à lui assez inquiétant pour l'École, pour ses méthodes d'enseignement avec ses groupes d'ateliers. Il craint que le diplôme supérieur crée un fossé entre les premiers diplômés et les diplômés supérieurs. La tendance actuelle chez les jeunes est une répartition ordonnée du volume des travaux, contre l'individualisme. Cependant il remarque dans les discussions que les plus acharnés contre ceux qui reçoivent de gros travaux, au moment de préciser par des textes leur volonté de limiter, sont pleins de réticences, car on sent qu'ils se disent : "S'il m'en venait à moi, à mon tour, il ne faudrait pas qu'une réglementation trop étroite et précise vienne limiter mes affaires." En fait, tout cela n'allait pas si mal. Il ne fallait que des retouches et des ajustements.[22] On agit comme si les gens, depuis plusieurs siècles, n'avaient pensé à rien. Tout ça est d'un comique sinistre.

Réunion du comité Rome-Athènes. Le petit André Bloch nous raconte son passage d'une zone à l'autre et l'amabilité des Allemands pour lui et sa famille. Lejeune qui, malgré sa cinquantaine, et peut-être plus, continue à faire le gamin (c'est triste un vieux gamin) a eu des apartés peu élégants. Avoir fait une seule statue n'est tout de même pas suffisant.

Repassé à l'Orangerie où j'ai regardé longuement les deux pièces de Maillol et Despiau. Comme c'est médiocre, vraiment. J'ai sincèrement cherché l'intérêt de ces deux figures. Ce ne sont que des études d'atelier. Chez Despiau, outre la banalité et la faiblesse d'exécution, il y a une vulgarité profonde, et aucune sensibilité.

Il parait qu'un petit-fils du maréchal Foch serait parmi les dissidents. Il aurait été blessé ou tué devant Dakar.

26 sept[embre 1940]

Au moment où j'allais partir pour la rue de Valois, arrive le journaliste de la Revue américaine. Il tient absolument à me photographier. Nous allons dans l'atelier de Gaumont. Je le laisse aux mains de Guérin.

Commission de la Réforme de l'Enseignement. Ça avance. On arrivera à un résultat, peut-être. Ça ne sera pas mieux. L'essentiel est que ça ne soit pas plus mal. On crée un Ordre des architectes. Grosse et longue discussion qui a absorbé presque tout le temps de la séance sur le stage. Quand le placer dans les études, quel laps de temps exiger? On s'est mis d'accord sur une année, pendant laquelle, conjointement, se ferait le diplôme.

Hautecœur est à Paris. Il va rester presque une semaine.

Après-midi je rencontre Cassou que je félicite de sa nomination. Il me remercie et me dit :

— Mais nous sommes à une époque où toute nomination est révocable et parfois révoquée le lendemain! Même nos ministres! Et voyez Darras qui a appris par la radio qu'il était à la retraite.

Visite à Marg[uerite] Long. Elle est malade, couchée. Je lui apportais la petite Porteuse d'eau, pour pendant au petit coureur[23]. Elle en a été fort heureuse et a voulu la garder auprès d'elle. Elle est très préoccupée pour ses élèves de la question antisémite. Un de ses amis qui avait un ancêtre à la troisième génération a été empêché de collaborer à un journal.

De chez Marguerite je vais chez le général de la Laurencie. C'est une personnalité bien sympathique. Il me faisait penser à ces officiers si remarquables rencontrés dans le sud marocain. J'ai bien fait d'aller le voir. J'ai l'impression que nous pourrons peut-être obtenir un certain nombre de libérations de nos jeunes gens. Il a bien voulu s'occuper aussi de la mission Guérin - Martial - Chazy. Pour les prisonniers il m'envoie boulevard de la Tour-Maubourg chez le contrôleur chargé spécialement des prisonniers. Il n'est pas là et je suis reçu par sa secrétaire qui est Mme de Chambrun, la mère de Ch. de Chambrun, et qui est venue elle-même à Rome, où je l'ai reçue à la Villa. On était en domaine amical. Elle me dit que j'ai fort bien fait de leur porter la liste, car demain matin le contrôleur doit voir les autorités allemandes et peut-être la question pourra-t-elle être réglée… Ce serait trop beau.

Dans le métro rencontré Maurice Rostand et sa mère. Très aimables tous deux. Se rendant à une conférence à l'Œuvre.

27 [septembre 1940]

Fatigué, je ne vais pas à l'École aujourd'hui. Je reste tranquillement à travailler à l'atelier. Difficulté de bien accrocher ensemble torse de femme et corps de faune. La zone supérieure approche vraiment de la fin, fin de la maquette, car l'exécution définitive, nous en sommes encore assez loin.

Téléphone invraisemblablement comique d'Um[bdenstock]. Il me dit avoir eu des nouvelles de Vichy.

— Tout est arrangé. Je tiens à te le dire. Quant à ce qu'on t'a répété que j'avais dit, c'était pour faire parler les autres, les faire vider leur sac. Si je les avais contredits, ils se seraient tus. Tu comprends, etc.

Je le remercie, le pauvre gâteux. Vraiment drôle. Je n'en retiens pas moins qu'une bien vilaine opération a été tentée. Il a été long, Um[bdenstock], a trouver une explication, d'ailleurs contradictoire avec ce qu'il m'avait expliqué la première fois.

Buste de Mme Schn[eider]. Difficile! Difficile!

Nouvelles de Lily!

28 [septembre 1940]

École d'abord. Le jeune Allemand recommandé il y a plus d'un an par Brunschvicg vient me voir. Il voudrait bien ne pas retourner en Allemagne et rester à travailler ici.

Puis rue de Valois pour la commission de la Réforme de l'Enseignement de l'Architecture. Ce qu'il y aura de bien là, ça sera avant tout la plus grande importance donnée aux sciences (mathématiques, statique, etc.). On finit par comprendre qu'un architecte doit être un ingénieur en même temps qu'un artiste. Grosse discussion sur la composition des jurys. C'est aussi un des points délicats. Aperçu sur le couronnement : l'Enseignement Supérieur.

Je reviens avec Siméon. Homme charmant, mais tendance à avoir des compétences en tout, même sur les méthodes d'enseignement du dessin. Il a des idées arrêtées sur la valeur d'enseignement des copies, etc. Et rien à faire pour lui expliquer ses erreurs.

Je déjeune chez Lipp où des gens me saluent, que je ne reconnais pas du tout. C'est fréquent.

Rencontre d'Umbdenstock qui m'emmène chez lui.

— Ce que je vais te dire est absolument confidentiel.

Chez lui, il me sort une nouvelle lettre, toujours adressée à un ministre à Vichy. Il a vraiment l'air de lui faire un rapport sur moi et d'autres! C'est à la fois dégradant et comique. Ce ministre, me dit-il, est M. Baudoin. C'est lui qui lui a conseillé "de dire du mal de moi pour voir les réactions des autres et obtenir d'eux des renseignements sur moi", mauvais, bien entendu. Tout ce qu'il me paraît avoir obtenu, c'est d'un de ceux auxquels j'ai offert du travail à la Faculté de médecine, le reproche de ne pas lui avoir confié à lui la Porte au lieu de lui confier des médaillons… Il ne m'a pas dit son nom. Il semble qu'il soit en relations avec cet ancien élève à moi qui s'appelle Besson Obenderferr, qui m'avait dit, il y a bien des années : "Votre rôle à vous, qui êtes arrivés, c'est de nous distribuer les commandes qu'on vous fait!" (sic). Garçon sans avenir. Je le lui avais dit, je lui avais déconseillé de continuer la sculpture. C'est un garçon pas très grand, à bouche mince, à maxillaires saillants, tendu, hargneux. Il essaye aussi de la littérature, où il ne réussit pas plus. Je crois lui avoir prêté de l'argent. En tout cas, ce garçon dont je n'avais plus entendu parler depuis des années, ce pauvre raté a l'air d'avoir joué un rôle en cette histoire rocambolesque. Enfin Umbdenstock, en conclusion, me dit que tout est arrangé à Vichy! au mieux pour moi. Il paraît que Baudoin doit venir bientôt à Paris. Il me fera signe pour me présenter à lui! Puis il me parle de la création du maréchalat des Arts! Puis de rancunes contre celui-ci ou celui-là, pour des faits survenus il y a vingt ans et plus. Puis de mon grand prix que j'aurais eu grâce à lui, etc. J'ai tout de même peine à croire qu'un ministre, dans un moment comme celui-ci, se plaise à de pareilles histoires et ne tienne pas en piètre estime un membre de l'Institut qui s'abaisse à de pareilles besognes… Quels tristes remous. Sur un fond de comédie. Car j'avais vraiment envie de rire en regardant ce pauvre imbécile, plutôt ce pauvre demi-fou, avec son teint de cancéreux, me dégoiser ses insanités, de sa voix monotone.

À l'Institut, commission pour étudier les mesures à prendre pour redonner à l'Institut son rôle directeur dans les Arts.

Séance sans grand intérêt où l'on décide de demander à Ibert d'aller faire une reconnaissance vers Nice pour voir une villa où l'on pourrait installer les pensionnaires en attendant de savoir comment l'institution reprendra vie. Mignon nous parle d'une villa sur Cimiez. Mais d'aucuns préféreraient Aix-en-Provence.

En sortant de la séance, Bouchard me montre une revue d'art nouvelle dans laquelle il est parlé d'un article paru dans "Beaux-Arts" (le "Beaux-Arts" de Wildenstein), de Hautecœur, où celui-ci critique l'Académie des Beaux-Arts. Sans doute lui est-il venu aux oreilles les intentions de l'Académie de sortir de sa réserve, et veut-il prendre les devants en sapant d'avance sa valeur. C'est un maladroit.

Mais tout ça n'empêche pas que je me réjouis de ma journée de demain où je vais tranquillement, sans interruption, travailler à la Porte[24]. Je me promets une bonne dizaine d'heures.

Dans la rue Bonaparte, j'ai aperçu le jeune Cuvelier, seul, marchant lentement, son charmant visage tendu. Je l'arrête, je lui demande ce qu'il a. Les larmes lui viennent presque aux yeux :

— Ah! Monsieur le Directeur, on n'a aucun espoir. Où se tourner?

Je m'efforce de l'encourager. Hélas! moi aussi quel espoir puis-je lui donner? Leconte nous croise. Il est comme moi. Que pouvons-nous faire pour nos jeunes gens. Jamais on n'a été en présence d'un pareil désastre et ce qui monte le plus à la surface, c'est un égoïsme monstrueux.

29 [septembre 1940]

Travaillé moins que j'espérais. J'ai été malade la nuit. Je n'ai commencé qu'à 10 heures. Mais trois heures le matin, et l'après-midi de 2 h jusqu'à 7 h 30. J'ai, pour ainsi dire, terminé la frise Chiron et le Taureau. Le petit groupe du faune qui fait tournoyer une petite nymphe m'a tellement amusé que je lui ai donné trop d'importance. Nous calmerons ça.

Cette porte, comme mon Temple, c'est l'application de ma doctrine décorative, et la preuve que la doctrine est bonne. Comme toujours je ne suis pas parti de la forme pour aller à l'idée, mais de l'idée pour aller à la forme. Je sais bien, Flaubert dit "La Forme crée l'idée". C'est possible et vrai, jusqu'à un certain point pour l'œuvre d'art littéraire. Flaubert est homme de lettres. Un mot, seul même, apporte une idée. C'est le propre[25] des mots. Ils sont porteurs d'idées et d'images. En plastique, on procède au contraire d'abord par images. Si on n'a pas d'idée directrice, votre image sera fatalement une banalité. Ce ne sont pas de soi-disant subtilités de "sculpture pure" (quelle idiotie) qui y changeront rien. Ex : Maillol, Despiau et toute la bande autour. Je voulais évoquer le monde animal en ébullition, naissant, s'élevant; et les grandes classifications, mammifères, reptiles, poissons, oiseaux, et les insectes et l'Homme et la Femme. D'où ces divisions verticales, en six. Je voulais évoquer les deux immenses mystères qui dominent nos existences, devant lesquels nous sommes comme au premier jour de la naissance du monde : le mystère de la Vie, le mystère de la Mort. Mystère immuable, d'où son inscription dans une forme immuable : le carré. Au-dessus quatre idées. La lutte contre le mystère (la Chimère) - La conquête de la Connaissance (l'Arbre des Hespérides) - La délivrance de la Mort (Alceste) - Le sacrifice du chercheur (l'Holocauste - Le héros vaincu par sa Chimère). D'où quatre divisions. Les malédictions, la lutte du Bien et du Mal, encadrent. D'où mes divisions 6 ou 3 - 2 ou 1 - 4 ou 2 et les effets décoratifs heureux de ces verticales [ ill.?] par des horizontales, affirmant d'autant plus les carrés. Les idées sont constructives dans tous les domaines, le tout est d'en avoir. Plus que jamais je renverse la pensée de Flaubert, et je dis, je crie, je hurle comme lui, mais le contraire : "Les idées créent les formes".

Ma journée, malgré le malaise qui a duré toute la matinée, a été magnifique. Il y a eu des moments où j'ai oublié complètement le drame atroce. D'innombrables avions me le rappelaient. Il vaut mieux. Mais peut-on rien faire de mieux que de travailler. Que reste-t-il d'autre de tant d'empires disparus, que leurs œuvres d'art. Athènes et Memphis restent les reines éternelles du monde. Peut-être serait-ce Byzance si ce n'avait pas été tellement pillé.

Marguerite Long que j'appelle au téléphone me dit qu'elle est malade. Elle s'abandonne, se laisse aller. Je lui dis que j'irai la voir demain pour "l'engueuler". Elle me dit que Hautecœur est déjà reparti pour Vichy. Il a été rappelé d'urgence hier soir et a démarré ce matin à la première heure. Voilà tout notre rendez-vous de mardi par terre.

30 [septembre 1940]

J'ai raté hier ma première prise de contact avec les autorités d'occupation. Il y avait inauguration au Louvre des premières salles réouvertes. Je croyais que c'était ce matin. Je n'étais d'ailleurs pas bien hier, je n'aurais pas pu y aller. Satisfaction de curiosité à part, j'aime mieux être resté à travailler.

Comité des 90 aux Artistes français. On était une vingtaine. Il s'agit, comme partout maintenant, de faire du nouveau, honnête, moral, etc., parce que, comme chacun sait, jusqu'à maintenant ce n'était que pourriture partout… Alors on va fédérer les Sociétés d'artistes, ou plutôt les Sociétés de peintres, sculpteurs, architectes, car le mot artiste n'est pas prononcé, car en ceci il ne s'agit pas d'art, mais d'intérêts professionnels… Ce qui n'empêche pas que ce n'est pas viable. Les artistes ont au contraire tendance à se diviser, se grouper par affinités. Il paraît que c'est pour aboutir à l'élection d'un représentant des artistes, nous, des peintres, sculpteurs, architectes, dans la future Chambre des métiers. Il y aura aussi un Conseil de maîtrise. Que fera-t-il, ce Conseil? Il veillera à ce que tous les artistes puissent vivre. Sans doute à la répartition équitable des travaux? Quand Michel-Ange aura fait le tombeau de Laurent de Médicis, il ne supportera pas que le même Michel-Ange reçoive la commande de celui de Jules II! Accapareur! Jamais le monde ne m'a paru aussi bête! Ni aussi bas.

Il paraît que l'affaire du Sénégal a été entreprise par de Gaulle, à la demande de l'Amérique! Mais il est arrivé trop tard. Il paraît que, réponse au pacte italo-allemand-japonais, dans peu de jours il y aura un pacte à peu près analogue anglo-américain. Il paraît que sous peu de jours également, les Américains seront à Singapour. Il paraît que la Russie arme et surarme. Il paraît, on dit que, etc.

Cet échec de de Gaulle, ce pacte allemand-italo-japonais sont des événements d'importance. Ce sont deux succès sérieux. Il faut admirer le courage et l'énergie de l'Angleterre. Si elle doit être vaincue, elle mourra comme un grand empire. Nous remontions tout à l'heure les Champs-Élysées avec Poughéon. Nous regardions l'Arc de Triomphe et cette avenue et cette perspective jusqu'au Louvre. Le peuple qui a élevé ça, qui a composé ça, est un grand peuple, disions-nous. Comment a-t-il pu[26] s'abandonner ainsi? Mais quand je pense à la piètre réunion de tout à l'heure, quand,venant de la place de la Concorde, quittant les palais de Gabriel, on tombe sur le Grand Palais, on pense que la décadence est flagrante. Quand devant le Grand Palais on évoque cette exposition de 1937, élevée dans les conditions désordonnées que l'on sait, avec cette architecture à la Le Corbusier, ces peintures à la Picasso, ce n'est plus de décadence qu'il faut parler, mais d'une chute vertigineuse. Il en était, sans doute, partout de même!

Rendu visite à la pauvre Marguerite Long. Elle est bien démoralisée aussi. Elle me dit être sans courage. Elle s'abandonne, dans sa solitude. Son piano même ne la console pas. Elle n'ose prendre la responsabilité de dire de revenir. Elle a appris que notre ami P[aul] L[éon] ne pourrait pas reprendre son cours au Collège de France.

Dîner avec Benj[amin][27] qui pourra sans doute aller à Danzé jeudi prochain. La petite fermière a eu l'heureuse idée de mettre à l'abri chez elle mes toiles et autres bibelots. Benj[amin] me rapportera tout cela, sans encombre, espérons.

 

[1]    Nouvelle Faculté de médecine.

[2]    Benjamin Landowski.

[3]    Nouvelle Faculté de médecine.

[4]    Nouvelle Faculté de médecine.

[5]    Nouvelle Faculté de médecine.

[6]    Bouthillier.

[7]    La IXè armée du général Corap devait défendre la Meuse.

[8]    Nouvelle Faculté de médecine.

[9]    Madame Charles Schneider.

[10]  Benjamin Landowski.

[11]  Ladislas Landowski.

[12]  Nouvelle Faculté de médecine.

[13]  Benjamin Landowski.

[14]  Nouvelle Faculté de médecine.

[15]  Ecole spéciale d’architecture dont le directeur est Emile Trélat.

[16]  Ecole spéciale d’architecture.

[17]  « Quelles vésanies » , raturé et ré-écrit par Mme.P.L.

[18]  « Aider la », raturé.

[19]  Benjamin Landowski.

[20]  Nouvelle Faculté de médecine.

[21]  Nouvelle Faculté de médecine.

[22]  “Malheureusement », barré.

[23]  Voleur d’oranges.

[24]  Nouvelle Faculté de médecine.

[25]  “La qualité », barré.

[26]  “Se laisser », raturé.

[27]  Benjamin Landowski.