Juillet-1914

4 juillet [1914]

Laverrière est arrivé. Tout va. J'ai enlevé en une dizaine de jours le bas-relief de Guillaume de Brandebourg [1]. Il en a été enchanté. Bocskay aussi va bien.

Mon programme de cette année est rempli. J'ai fait statue de Coligny, statue Guillaume Taciturne, statue Bocskay. Le modèle de 1ère de la statue de Carpentierbuste de Lilyportrait de Nadine sur son petit cheval de bois, esquisse monument Nieuport dont je ne suis pas très enchanté. Sujet vraiment difficile que ces monuments d'aviateurs. J'ai fait aussi cette année l'esquisse des Suppliants. Et j'ai amené à un bon degré mon programme, le plan du cloître du Héros. L'année n'est pas mauvaise. De même que l'on devrait faire chaque soir une sorte d'examen de sa journée, on devrait, chaque année faire le résumé du bagage. Je crois qu'en décembre le bagage 1914 sera bon. Je me suis promis que plus rien ne sortirait de l'atelier dont je ne sois content. Jusqu'à présent je puis dire que je me suis tenu parole. J'en regrette d'autant plus certaines œuvres que j'ai derrière moi. Si certaines sont manquées par ma faute, négligence, fatigue, pour d'autres, la faute n'en est pas toute à moi. Ainsi mon groupe du Panthéon. Bousculé, pressé par la hâte enfantine de Dujardin-Beaumetz, ce monument n'a pas été assez étudié. Je l'ai revu hier encore. Les rapports en sont indécis. Mais surtout il est incompréhensible. C'est confus. Affaire pas au point. J'en suis très malheureux. Car là, c'est irrémédiable. Pour l'Hymne à l'aurore c'est moins grave. Je referai l'homme cet hiver. Je compléterai la silhouette avec les moutons comme dans l'esquisse primitive.

Mon programme prochain. Octobre 1914 à juillet 1915 :

1.  Dernier bas-relief Genève ;

2.  Statue de Carpentier, grandeur 2 m 20,                               pour le Salon ;

3.  Figure homme Hymne à l'aurore,                                           pour la Triennale ;

4.  Monument Nieuport ;      

5.  Buste marbre de Lily,                                                            pour le Salon ;

6.  Portrait de Jean [2] avec Turc,                                        pour le Volney ;

7.  La danse macabre,                                                                     pour George Petit ;

8.  Le pitoyable concert,                                                           [pour George Petit] ;

9.  Le vieux serviteur,                                                                    [pour George Petit] ;

10. Le singe de la piazza,                                                         [pour George Petit] ;

11. Statue équestre de Paulette [3],                                           pour l'Internationale ;

12. Buste d'Antoinette [4].

6 juillet [1914]

Travaillé dur, comme dans le bon temps, aux bas-reliefs de Brandebourg et de Bocskay, hier toute la journée. Le soir, le plus gentil dîner avec les Millet, Zina [5] et Albert Sarraut. Très brun, petit, robuste, Albert Sarraut est un homme très attirant. Il a conquis Ladis [6]. J'ai eu le plus vrai plaisir à lui montrer mon atelier. Il a eu l'air tout à fait intéressé. Il m'a presque promis de trouver un moyen de me faire venir en Indochine, soit en mission, soit pour une commande.

— Vous n'avez, m'a-t-il dit, qu'à avoir sur vous vingt-cinq louis pour acheter des bibelots. Le reste me regarde.

Si jamais un voyage pareil s'arrangeait, quel bonheur !

Mais il ne faut pas partir avant d'avoir terminé l'esquisse complète du cloître. Aussi programme de l'année prochaine.

9 juillet [1914]

Je suis allé chez Bouchard avant de partir. J'ai vu son Guillaume de Brandebourg que je n'aime pas beaucoup. Mais ce n'est pas de sa faute. Il en est de cette figure comme de presque toutes celles de ce monument de Genève qui aurait pu être si complet.

 

 

 

Il m'a montré son esquisse de son monument du Panthéon Aux Héros inconnus. C'est une très belle esquisse et qui donnera une œuvre remarquable. J'ai été cependant tout attristé, parce que c'est un peu mon monument Aux Artistes Inconnus, mais mûri, dégagé de son caractère confus, compliqué. Enfin, tant pis ! Voilà plus d'un an que Bouchard cherche cette esquisse. Moi, j'ai dû faire en six mois esquisse et modèle ! Je n'aurais pas dû me laisser faire. Je n'en suis pas moins de bien mauvaise humeur. Non pas que je pense que je serais arrivé à faire la même composition que Bouchard, bien que ce soit un peu sur mes conseils qu'il y soit arrivé, mais je serais certainement arrivé à un résultat bien meilleur, moins tendu et plus clair.

Vu chez l'Antiquaire Hirsch cette statue grecque dont parle tout Paris. S[ain]t-Marceaux m'en avait parlé. Henry Marcel l'aurait voulu pour le Louvre. Mais son propriétaire en demande plus de deux millions. Mon ami David m'en avait parlé aussi comme de la plus belle sculpture grecque qu'il ait vue, mieux que la Vénus de Milo. J'y ai couru. Reçu par un juif bien juif. Il a installé son marbre dans une remise dont il a arrangé fort intelligemment un coin, comme une chapelle où la statue se présente admirablement. Elle est fort belle. Elle est certainement archaïque, probablement de l'École attique ou béotienne et du Ve siècle. Je ne partage pas cet enthousiasme absolu. La tête est très belle. Il faudrait la revoir, mais la reverra-t-on et où ? Ce n'est pas un de ces morceaux qui vous donne un coup. J'aime mieux la Vénus de Milo et tout ce que je connais du Parthénon et le Diadumène et bien d'autres morceaux. Je suis bien convaincu qu'au musée d'Athènes, il doit y avoir des statues archaïques au moins aussi belles.

Les Voirons. 17 juillet [1914]

Je lis une étude de Rodin sur la Vénus de Milo. Au milieu de bien des boursouflures, j'y trouve des choses précieuses, que je pense depuis longtemps : "Et tu n'es pas davantage une mosaïque de formes admirables. Il n'est de formes admirables que les formes qui conviennent, celles qui s'appellent et se supposent les unes les autres selon l'irréfutable logique de l'harmonieuse nécessité, celles qui s'empruntent réciproquement la vie... Un détail qui ne s'harmoniserait pas avec tous les autres, le moindre désaccord entre les profils, et le chef-d'œuvre serait détruit... Ce sort serait fatalement celui d'un assemblage, même adroit, de morceaux, même parfaits, choisis en différents modèles."

Voilà qui est tout le contraire de ce qui nous est enseigné à l'École, où l'on nous parle de formes idéales, comme si le plus bel idéal de formes ne se trouve pas dans la vie. Pour moi, il y a longtemps déjà que, avant de commencer une œuvre, j'attends d'avoir trouvé le modèle qui convient, et je le copie ensuite, même avec ses défauts. Ainsi ai-je fait avec les Fils de Caïn, avec la femme de l'Hymne à l'aurore. Pour avoir entrepris la figure de l'homme avec un modèle mal choisi, cette figure a été manquée. Et je ne raterai pas le Cantique des cantiques parce que j'ai les modèles parfaits qui conviennent. Les formes ne s'inventent pas. Le grand, le merveilleux enseignement de l'antique consiste avant tout en ceci qu'il n'a jamais inventé de formes, qu'il n'a jamais cherché qu'à comprendre le caractère d'un corps et à le rendre, sans chercher à "l'idéaliser". Le jour où cette idée, idéalisée, est devenue le but des artistes, s’en est fini. Quel trou entre le Diadumène et l'Apollon Sauroctone ou l'Hermès d'Olympie.

Dommage que depuis longtemps déjà tout ce que fait Rodin soit si parfaitement en désaccord avec ses beaux discours !

18 juillet [1914]. Les Voirons

Bien que ce pays soit bien différent de Chézy où nous passions nos vacances de collégiens [7], j'y retrouve pourtant des impressions d'enfance. En me promenant avec Nadine, j'ai trouvé un petit orvet, et la jolie petite bête m'a rappelé le temps où nous collectionnions tous les reptiles de la région. Dans les prairies qui dévalent le long des pentes, j'ai cueilli de petites orchidées. Je ne cueille jamais sans émotion une de ces petites fleurs rares. Elles me rappellent aussi le temps où aimant toutes les sciences naturelles, j'herborisais, malheureusement trop peu, et faisais un herbier avec mon ami Thibésart. Ainsi l'on passe des années sans penser à son passé lointain, et il suffit tout à coup de la plus petite chose rencontrée pour vous rappeler toute votre jeunesse. Certains vivent beaucoup dans leur passé. J'y pense très rarement. L'enfance et la jeunesse sont pourtant les seuls moments de la vie où l'homme connaît la vraie joie, la joie de vivre, où tout vous paraît définitif et éternel, les seuls moments de la vie où l'on ose se dire vraiment "heureux". Qui peut se dire heureux, après avoir tant souffert et surtout après avoir vu souffrir et disparaître en pleine jeunesse, de la manière la plus cruelle, les êtres les plus aimés [8]. On en reste touché pour toujours. Le seul bonheur que l'homme doive rechercher est celui que donne le travail et le perfectionnement de soi-même, et celui que l'on donne à ceux que l'on aime. L'artiste a pour lui ce grand secours que la vie n'est jamais pour lui sans but.

19 juillet [1914. Les Voirons]

Je viens de lire le n° d'Art et les Artistes qu'Armand Dayot a consacré à Rodin. Rodin connaît de son vivant une gloire égale à celle du Bernin et supérieure à celle de Michel-Ange. Si Rodin n'avait derrière lui ses Bourgeois de CalaisSaint Jean, l'Âge d'airain, et ses merveilleux bustes, je serais parmi ceux qu'irrite un tel tapage. Un tel tapage n'est jamais sympathique. Mais, ce qui est plus grave, dans ce "cas Rodin" c'est l'amour que l'on sent en lui pour cette louange déchaînée.

J'aime mieux la vieillesse ardente et hautaine de Michel-Ange. J'ai comme un scrupule à avoir l'air de comparer l'un à l'autre ces deux hommes, tellement l'un domine l'autre. D'aucuns sont allés jusqu'à dire que Rodin avait apporté quelque chose de plus ! Comparez un seul instant la figure de Michel-Ange, l'Esclave, et la statue que Rodin appelle du même nom. La tragédie de Michel-Ange est devenue mélodrame. Ah ! que nous sommes loin de ce bel amour de la beauté, du beau dessin, de la perfection. Si des œuvres de Michel-Ange sont restées inachevées, c'est qu'il fut empêché de les terminer par des véritables ordres de ses maîtres successifs, les papes, ou bien parce qu'il les abandonnait de dépit. Alors il les cachait. Il allait même jusqu'à les casser, ainsi qu'il arriva pour la Pieta du Duomo de Florence dont les morceaux furent rajustés par ses élèves. Rodin le leur aurait bien défendu !

Il y a en vérité chez cet homme un côté peu sincère, qui choque et qui déroute. On ose à peine le dire à cause de son beau passé d'un moment. À cause de ce qu'il représente, lutte contre la routine académique. Et pourtant d'autres avant lui et en même temps que lui l'ont égalé et le dominent par la probité de leur production. Je pense à Rude, je pense à Barye, je pense à Constantin Meunier. Constantin Meunier, moins connu, dont on ne parle presque plus déjà, mais dont heureusement l'influence sera plus féconde que celle de Rodin. Il n'y a pas chez ces derniers des éclairs comme dans quelques morceaux de Rodin, mais il n'y a pas non plus dans leur œuvre des morceaux aussi négligés que ce Baiser, par exemple, en place d'honneur au Luxembourg, si mal dessiné, mal construit, fait, semble-t-il, sans amour.

Alors, je pense à cette phrase si juste de Rodin, à propos de la Vénus de Milo : "Ce qu'il y a de divin en toi, c'est l'amour infini de ton sculpteur pour la nature." Quelle jolie phrase. Mais quel mensonge alors, que toute la vie de Rodin [9] depuis les Bourgeois. Cet amour de la nature, dans laquelle de ses œuvres le trouve-t-on désormais [10] ? Ni dans ce Baiser si vanté, ni dans ce Penseur du Panthéon, aux accents trop petits, théâtral, emphatique, mal dessiné, ni dans ce Victor Hugo, où il y a certainement un geste magnifique, mais comment exécuter dans la matière ces murs mal construits. La vérité est que l'on ne sculpte pas en faisant de la littérature. On ne sculpte pas non plus en faisant de la peinture. Il ne faut pas mêler les différents arts et chercher à produire certains effets par des moyens picturaux : "La sculpture me semble d'autant plus mauvaise, disait Michel-Ange, qu'elle ressemble davantage à la peinture." Si Rodin, depuis nombre d'années, avait souvent médité sur cette pensée, nous adorerions d'autres œuvres égales et sans doute supérieures à Saint Jean-Baptiste. On ne travaille pas non plus entouré continuellement de gens, de bavards, d'oisifs, de flatteurs. Ainsi s'explique cette production décevante de ces quinze ou vingt dernières années, tandis que nous aurions dû avoir de belles œuvres pleines de maturité et de sérénité, car c'est bien souvent après la cinquantième année que les grands artistes nous ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Moïse, le Jugement dernier, sont des œuvres de la vieillesse de Michel-Ange, et la chapelle des Médicis l'œuvre de sa maturité. Que Rodin peut-il oser mettre en parallèle. Il faut bien nettement répondre : rien. L'Âge d'airain et Saint Jean-Baptiste sont d'admirables morceaux, pleins de vie, d'une force de dessin surprenante, et c'est déjà énorme. Comparons-les au David, aux autres morceaux de la jeunesse de Michel-Ange. Mais quel saut ensuite ! Au moment où Michel-Ange s'est mis à monter, Rodin a commencé de descendre. Je le défends toujours en public, dans les conversations, parce qu'il faut toujours défendre un bel artiste qui s'est trompé.

Rodin, en vérité, est plus près du Bernin que de Michel-Ange. Je connais mal la vie du Bernin. Ce que j'en sais me fait trouver bien des analogies. Bernin pourtant n'a rien produit de valeur égale au Saint Jean, ni à l'Âge d'airain. Mais c'est la même virtuosité, habileté excessive. Sauf un buste que j'ai vu à Naples, je n'aime rien de l'œuvre considérable du Bernin. Il est le représentant parfait de la forme d'art que je déteste le plus, où l'effet décoratif passe avant tout, avant l'expression, avant le drame, où un bras s'arrondit toujours dans la ligne harmonieuse suivant l'école, où tout personnage, même s'il meurt, a l'air de danser. Tout est factice, boursouflé. Il semble avoir eu comme but de développer, grandir tous les défauts que l'on trouve en germe dans Michel-Ange. Car tout grand, tout vraiment grand artiste porte en lui les germes de décadence. Les autres, ensuite, gravitent autour, comme des lunes autour d'un soleil. Ils le comprennent mal et ce sont toujours ses défauts qu'ils imitent. Rodin, malheureusement, n'a pas laissé ce soin aux autres. Flatté, adoré, jamais seul, mal compris de ceux qui l'entouraient, il a essayé de se comprendre à travers eux et il n'a plus développé que ses défauts. Cela doit être quelque chose d'insensé d'avoir toujours autour de soi des bavards qui dissertent sur la moindre de vos esquisses et qui, à propos d'une ébauche d'un Orphée viendront vous parler de la "lucidité du Nombre ordonnateur." Comment en effet, tous ces gens, pourraient-ils comprendre la vraie beauté de la sculpture. Et c'est un des plus tristes et irritants spectacles de notre temps que cette déchéance d'un génie en pleine force, dont il n'est pas le seul responsable.

25 juillet [1914 Genève]

Hier, aux Bastions, la bonne surprise de la visite de Bartholomé et de sa femme. Homme vraiment sympathique. Il nous a paru que notre monument lui plaisait vraiment.

Journée assommante passée à chercher à allonger dans le plâtre les manches des robes des figures centrales.

À la fin de la journée les journaux m'apprennent la nouvelle de l'ultimatum de l'Autriche à la Serbie.

L'état d'esprit de la majorité des classes possédantes, dites cultivées, est quelque chose d'invraisemblable. Ils préfèrent continuer à vivre dans cette incertitude effroyable du lendemain, où d'un moment à l'autre, par la volonté de quelques hommes, souverains orgueilleux, ministres ambitieux, financiers avides, ils peuvent être jetés les uns contre les autres, que d'envisager sans parti pris de caste le programme socialiste, l'étudier, et faire leur possible pour en aider la réalisation, fatale. Terrorisés, tremblants à l'idée que leur fortune pourra être un peu diminuée (tout le fond de leur pensée est là), par un mouvement collectiviste, nourris d'idées fausses et injustes sur le collectivisme, ils préfèrent demeurer à la merci des forces d'argent organisatrices des massacres. Ils ne réfléchissent pas qu'ils perdent au moins autant d'argent, et sans profit pour personne, dans les paniques de Bourse. Mais la ruine et les pires désastres ne leur feront pas ouvrir les yeux. Le mot "utopie" leur sert de raisonnement. Rien ne peut être appelé utopie qui dépend seulement de la bonne volonté des hommes. Peut-être est-ce justement à cause de cela que c'est une utopie !

26 juillet [1914 Genève]

Si je voulais faire une classification des arts, je crois bien que c'est la Poésie que je mettrais [11] en première ligne, puis la Sculpture, l'Architecture, la Peinture et la Musique. Beaucoup mettraient la Musique au tout premier rang. La musique agit trop directement sur le système nerveux. Une musique militaire, par exemple, à certaines heures, émotionnera autant que la plus belle symphonie. La vraie beauté de la musique est trop spéciale. Elle ne peut être saisie que de très peu [12]. La Peinture est faite de trop de mensonges [13]. L'Architecture devrait dominer et la Peinture et la Sculpture, car l'un et l'autre souvent en dépendent, mais l'Architecture est faite de trop d'abstraction. La sculpture dont le domaine est en apparence très limité a, au contraire, le plus riche domaine. Sa noblesse l'éloigne pour ainsi dire automatiquement des sujets de genres et l'oblige aux généralisations. Elle est par la force des choses, obligée de concentrer ses compositions. L'absence du milieu la force à l'évoquer par la puissance d'expression de ses personnages. La peinture cherchera toujours l'effet décoratif. La sculpture y parviendra par l'expression. Aussi bien, toutes ces classifications sont-elles enfantines. Un Eschyle, un Phidias, un Sophocle, un Michel-Ange, un Anthémios de Tralles, un Isidore de Millet, un Pierre de Montereau, un Rembrandt, sont à des sommets égaux, à côté d'un Hugo, d'un Goethe, d'un Beethoven. Arriver à ces hauteurs dans n'importe lequel des arts est un égal prodige, et c'est d'une égale difficulté.

26 juillet [1914 Genève]

Nous apprenons que la guerre est sur le point d'être déclarée à la Serbie, par l'Autriche. C'est le commencement de la fin. Il me paraît impossible que ce conflit reste localisé. Si c'est l'élément germain qui sort vainqueur de l'effroyable tuerie qui s'annonce, c'en est fait de la liberté en Europe, pour longtemps. C'est l'hégémonie germanique. Si c'est le groupe anglo-franco-russe, malgré qu'il semble bizarre que la Russie soit alliée à ce mouvement, c'est le commencement d'une ère de liberté, des grandes rénovations sociales, à travers toute l'Europe. C'est la fin des armements. Il ne faut pas oublier que c'est le tzar le premier souverain qui ait osé proposer, avant l'Angleterre, de mettre un frein aux armements. Certains ont trouvé cette démarche ridicule. Étrange époque où l'on se couvre de ridicule parce que l'on cherche à ce que les hommes ne se massacrent plus comme aux temps de la pire barbarie ! [14]

 

 


[1]Monument de la Réformation.

[2]. Jean Vieuxtemps.

[3]. Paulette Landowski.

[4]. Antoinette Nénot.

[5]. Zina Lafont.

[6]. Ladislas Landowski.

[7]. À la place de : "dans notre jeunesse", raturé.

[8]. Sa sœur Wanda et sa femme Geneviève Nénot.

[9]. Au lieu de : "que toute cette période de sa vie", raturé.

[10]. Au lieu de : "Dans aucune de ses œuvres on ne le trouve plus." Modifié.

[11]. Au lieu de : "qu'il faudrait mettre", raturé.

[12]. Suivi de : "Elle a besoin le plus souvent, pour s'épanouir [...] de poésie, de", raturé.

[13]. Suivi de : "Elle est inapte à exprimer les grands drames de la pensée", raturé.

[14]. 1er août 1914, ordre de mobilisation générale.