Cahier n°26
1er décembre [1929]
Travaillé tout de même ce matin au cheval Haig. Je fais ce que je peux pour aller vite. Cela tient-il à la matière employée? Je n'arrive pas à finir. Interrompu par les visites des fils Fauré, qui sont très charmants, pour la nouvelle maquette.
Je crois pouvoir affirmer qu'un monument raté, sera celui de Foch pour Paris. On va voir là, une fois de plus, l'action néfaste de ces comités hétéroclites. L'emplacement choisi est l'aboutissement de l'avenue Marigny sur les Champs-Élysées. Emplacement étriqué. De plus, on donne déjà les directives, très banales. Et puis, chacun prônant un sculpteur, on va faire un concours... Tout ça est fort ennuyeux pour Bouchard, auquel d'avance on coupe les ailes. À mon avis, il doit quand même triompher dans semblables compétitions. Si ce n'est pas Bouchard on aura quelque chose de très mauvais. Mais on aurait dû profiter de ce monument Foch pour prévoir un ensemble consacré aux grands généraux de la guerre. Cet ensemble pourra-t-il se faire le long des Champs-Élysées? Foch formant centre, face aux Invalides, puis, plus tard s'élevant à droite et à gauche un Pétain, un Joffre, etc. Je ne crois pas que l'on ait pensé à cela. Foch va se poser là, comme on a posé Gallieni[1] sur l'esplanade des Invalides. C'est sur l'esplanade que cet ensemble devrait être prévu. On aurait pu mettre face à face Foch et Gallieni, chacun d'eux formant le centre de chaque côté. Simplement des statues équestres. Détruire la statue actuelle de Gallieni qui est vraiment ratée. Mais une série de statues équestres, sur des socles bas, allant du pont Alexandre aux Invalides, placées un peu avant des arbres.
2 décembre [1929]
Lettre du s[ou]s-préfet de Montreuil[-sur-Mer]. Toujours cette inauguration. Et la prochaine visite de Mme Haig. Et le rendez-vous chez Lord Tyrell. Aussi chez Knecht... Moi cependant, je m'efforce de travailler en ne pensant qu'au résultat. Tant pis pour le temps. Je vais lui répondre tout à l'heure et mettre à fond les pieds dans le plat, c['est]-à-d[ire], leur conseiller de ne pas envisager d'inauguration avant le printemps 1931. Mon cheval vient de mieux en mieux. Il faut du temps.
Visite de la belle et vivante Mme Lécuyer avec Mme Capamagian. Puis, heureusement après ma séance, visite de Bosworth, avec dames anglaise, française, dont l'une, une jeune fille charmante veut faire de la sculpture.
3 [décembre 1929]
Voici mon étude de cheval qui s'achemine vers la fin. Tout l'avant-main vient bien. Il faut donner maintenant la même qualité au bipède arrière. Plus j'étudie cette statue, plus je trouve que les statues équestres les plus fameuses sont d'un mouvement faux, y compris le Colleone[2]. Seul le Gattamelata[3] est juste. Mais quand un cheval a l'un de ses membres antérieurs aussi levé que le Colleone, il est à ce moment en équilibre[4], ne portant que sur deux points d'appui en diagonal. Les nécessités de la matière obligent à faire porter sur trois points. Alors, choisissons un mouvement à trois points d'appui.
Bas-reliefs de Grasse avec modèle. Direction des élèves. Je voudrai travailler à tout en même temps. Il est passionnant ce bas-relief. Mais tout est passionnant.
La Grande Revue publie une correspondance de Rodin et de Bourdelle. En voilà deux qui ne sont pas morts étouffés par la simplicité. Le drôle de cet échange, c'est d'y voir le pauvre Rodin s'efforcer à la littérature, voulant imiter Bourdelle. Car, à ce jeu Bourdelle est le plus fort. Heureusement pour Rodin, en sculpture, il prend sa revanche. Ce qui m'étonne le plus devant cette littérature, c'est l'impudeur, un incroyable toupet. Après tout, il avait raison ce petit Montalbanais. Ces bons serins de journalistes ouvrent des yeux tout ronds. Ils trouvent-là des phrases toute faites pour eux. Et l'on nous parle de la "leçon de Bourdelle", de la "sculpture architecturale de Bourdelle", etc. Pour moi, je reste étonné que ce théâtre des Champs-Élysées n'ait pas coulé à tout jamais le mauvais élève de l'École des Beaux-Arts qui semble l'avoir fait. Tous les poncifs y sont, jusqu'à Apollon et les Muses. Et quel Apollon! Et quelles Muses! Quand il faisait cela, moi j'avais déjà fait les Fils de Caïn, avec Bouchard, nous campions les figures du monument de Genève, et je faisais mon monument du Panthéon, ma statue de l'Architecture du Carrousel et l'Hymne à l'aurore. Mais pour en revenir à la correspondance de ces messieurs, Rodin reste sympathique, car lui est vraiment grand, Bourdelle le flatte, sans vergogne, et rien n'est sympathique dans tout cela. Penser à la moindre ligne de Delacroix. Quelle vraie grandeur, là aussi, mais celui-là était simple. On ne l'a pas enterré dans un cercueil vitré, ni Michel-Ange. Quelle blague!
4 [décembre 1929]
Matinée perdue. École des Beaux-Arts. À la banque Jordaan. Bonne après-midi au cheval. Trouvé grosse erreur à l'arrière-main. Au point de jonction de la cuisse avec le ventre, le grasset et l'attache de la rotule. J'espère avoir fini à la fin de cette semaine, et ce sera fort important. La figure de Haig, cela ira très vite.
Visite de Mlle Miribel pour la S[ain]te Thérèse. Visite de Sabatté pour l'Institut. Quel type! Il a des actes insupportables. Il parle trop, est agité, et fait toujours sale. Mais c'est un tempérament, un homme à imagination; il me parle très gentiment de ma petite Nadine qui est très douée en effet.
5 [décembre 1929]
Au bas-relief de Grasse, qui est passionnant. Je crois que ça sera un morceau de sculpteur.
Visite de Desvallières. Il me fait penser à Sabatté, par son allure de grand diable, mais il est plus confus dans sa conversation. Un peu comme sa peinture. C'est un homme d'un rude tempérament.
Visite d'Haseltine avec le prince Gaétani, italien sympathique comme tous les italiens. Haseltine critique les membres de mon cheval qu'il trouve un peu légers. Je crois qu'il a raison. Tout le reste va bien et il aime le mouvement.
Absolument sans nouvelle de ce qui se passe pour le tombeau Foch.
6 [décembre 1929]
Visite de Bouchard qui me donne des conseils excellents pour mon cheval Haig, aime sans réserves mon tombeau Foch, mais me conseille nettement de ne pas conserver les deux figures de femmes au bas du monument Fauré. Voilà qui concorde avec mon impression que j'ai eue à plusieurs reprises.
À cinq heures chez les Gregh qui sont dans une agitation extrême. On leur propose des sommes énormes pour leur acheter une partie de leur propriété du hameau de Boulainvilliers. La fortune arrivant chez les bohèmes. Ils ont l'air prêts à l'accueillir à bras ouverts et à les refermer hermétiquement dessus ensuite. Ce en quoi ils auront bougrement raison. Cela fait plaisir.
7 [décembre 1929]
Après mes corrections, chez Haseltine. Son atelier est une ménagerie. Cinq aras, dont deux bleus magnifiques, un singe, un corbeau énorme, des chiens, vous accueillent bruyamment. Au milieu de l'atelier, pendus à des meubles ingénieusement disposés, des moulages sur nature de pattes de chevaux, écorchés et non écorchés. Documents précieux, mais dangereux. Enfin dans un coin, une statue en train, d'un ancien seigneur hindou, ancêtre d'un maharadjah actuel qui a commandé la statue. Haseltine me dit que ce maharadjah lui a envoyé des Indes un cheval persan. Cela n'empêche pas la statue de ne pas être fameuse. Ça sent l'amateur. Je revois des études déjà connues, cinq bonnes, quoique systématiques. Mais il est regrettable de voir confier à un homme aussi faible un aussi beau thème qu'une statue de prince hindou du XVe siècle. Il fallait voir ça un peu dans l'esprit des miniatures persanes, oser. Mais il y a à travers le monde tant de statues médiocres qu'il ne faut pas à celle-là attacher plus d'importance qu'à d'autres. Haseltine est un homme très sympathique, s'il avait commencé plut tôt il aurait eu du talent, il a des intentions sculpturales et c'est un charmant ami.
Mais ce qui fut amusant, ce fut l'élection de cet après-midi. D'abord Cordonnier a bafouillé un bon quart d'heure après le premier tour, annonçant 32 votants, puis 31, déclarant le vote annulé, puis le déclarant bon, puis de nouveau annulé, etc. Enfin on s'aperçut que l'un de nos collègue avait signé 2 fois la feuille de présence. Au dépouillement, on entendit d'abord avec surprise, puis avec étonnement, puis avec stupéfaction, puis avec indignation annoncer des voix et des voix à Bompard! Il arrivait ainsi avec 12 voix, largement en tête, Devambez venant derrière avec 4 voix. Un coup de la bande Laloux, Buland, etc. Le second tour rétablit la situation et Devambez est élu. Bompard n'a plus que 4 voix et Le Sidaner vient second avec 5 voix. Des votes comme le premier, même s'ils n'ont pas de conséquence électorale, n'en sont pas moins déplorables. Ils ne peuvent qu'inquiéter les hommes de talent que nous devrions appeler à nous. On ne peut pas du tout assurer que l'élection de Le Sidaner ou de Desvallières ou de Maurice Denis (s'il se présentait), soit assurée.
Rabaud me parle de la réunion du comité Fauré et me dit que presque tous ceux qui ont vu mon projet ne sont pas favorables au groupe des femmes aux cygnes...
8 [décembre 1929]
Bonne matinée au cheval Douglas Haig. J'en suis maintenant définitivement content. Il sera fini cette semaine. Encore une étape. Visite de M. et Mme Guibourg qui viennent me parler de cet ordre du Carmel en Belgique qui m'avait écrit pour avoir une reproduction de mon Christ du Corcovado. Le projet ne serait pas abandonné. Visite de Bottiau qui fait le concours pour le monument de la Marne[5].
Au théâtre des Arts, avec Ladislas et Mme Bouisson. Cette pièce, Les Criminels. Je trouve cela très remarquable. Présentation des plus ingénieuse, cette maison coupée par son milieu, toutes ces scènes s'éclairant tour à tour, cinq ou six pièces de théâtre s'enchevêtrant; le second acte est le moins bon. Il n'aurait pas fallu donner ce côté un peu clownerie à cet acte des tribunaux. Il eut été plus grand et plus dans la note de donner à ces juges, à ces procureurs, la sensibilité et les montrer esclaves, non de leur sottise comme il apparaît dans la pièce, mais des lois qu'ils doivent appliquer.
Ce phénomène de Léon Daudet, car c'est un phénomène, antipathique mais avec un certain talent, vient de faire paraître un volume de souvenirs, Paris vécu. J'y lis que Barrès et Loti ont passé toute leur vie avec la hantise de leur mort. pas un de leurs jours qui n'ait été pourri par cette pensée. J'ai souvent pensé qu'il y aurait pour un écrivain un beau roman psychologique à faire avec comme thème un personnage très important, grosse situation, gros talent, mais dont toute la pensée profonde serait presque uniquement occupée par ces deux obsessions : la pensée de la mort (Loti, Barrès et bien d'autres), et la sexualité (Michelet, Hugo, mon ami B. et encore bien d'autres). Ce serait bien difficile à faire.
11 [décembre 1929]
Journée sans travail. Matin, correction où je trouve des progrès. Certains semblent troublés. Sympathique atmosphère de travail.
Avant d'aller au banquet du maréchal Lyautey, passé chez Georges Petit où plusieurs expositions m'attiraient : Devambez, Bouchor, Marquet. Toutes trois intéressantes. Devambez est toujours le même. C'est sympathique, mais voilà, cela n'est pas direct, c'est un peu artificiel, la plupart du temps. Mais excellente peinture comme technique. L'œil par contre manque de finesse et de sensibilité. Bouchor c'est le contraire. On ne pense pas à la technique, bien qu'il y en ait, mais on est pris par l'émotion, par la sensibilité, par le sentiment, par la vie vraie. Rien d'artificiel, ni dans les compositions, ni dans l'expression. J'aime cela pleinement. En plus cela me rappelait ce Maroc et cette Algérie que j'aime. Quand à Marquet, c'est le plus bel exemple de ce que peuvent faire d'un artiste doué les marchands et l'amour de l'argent. On trouve toujours là ces qualités de limpidité que nous connaissons depuis longtemps. Mais aucune évolution. C'est toujours la même eau (quand c'est l'eau ça va, il a un joli ton), les mêmes arbres verts (alors ça va moins bien, ses verts sont aigres). Il me fait penser à ces acteurs qui sont obligés de répéter toujours, tous les jours le même rôle... Ça ne doit pas être amusant ce métier-là. C'est très dommage. Et quelle exécution hâtive! Ça sent le commerce...
Banquet Lyautey où, je ne sais si c'est par hasard, je me trouve placé presque en face de Laprade. J'arrive un peu en retard et lorsqu'il m'aperçoit il ne me quitte plus des yeux. Comme passant devant lui il esquisse, avec un œil interrogateur le geste de me tendre la main, je la lui ai serrée et voilà cette histoire finie[6]. Je pourrai ainsi mieux servir mon vieux Pinchon qui a besoin de lui pour des travaux à l'Exposition. J'ai dû filer de bonne heure du banquet, car j'avais rendez-vous ici avec la générale Brécard qui venait voir Le Rhône, avec ses enfants. On voit que Le Rhône joue un grand rôle dans la famille du général. Ce n'est d'ailleurs plus Le Rhône, puisque je l'ai repris avec le nouveau cheval. Ce qui m'a plus, c'est que le fils du général qui me semble très connaisseur, ne m'a fait aucune critique. Ce soir de La Nézière me téléphone que le maréchal Lyautey m'a fait chercher, qu'il avait quelque chose à me dire. J'ai aussitôt téléphoné.
12 [décembre 1929]
Pas fameuse journée de travail. Très dérangé par ce menuisier qui pose des tablettes dans mon atelier. Le mauvais temps m'a obligé à renvoyer le cheval. Mais mon étude est presque finie.
Visite de trois des nouveaux pensionnaires de Rome[7] partant à Rome...
Que cela reporte loin! Sauf le peintre (le sculpteur[8] n'était pas avec eux), ils ne semblent pas du tout se rendre compte de ce qu'ils vont faire là-bas. Ils semblent presque y aller à contrecœur. L'architecte a fait le concours pour, "imposer à ses clients, ses idées". Il ne leur imposera rien du tout. Quand à la petite musicienne, elle a l'air d'une souris maigre. L'enthousiasme ne semble pas l'étouffer non plus.
13 [décembre 1929]
Fini avec le buste de M. Ory. Visite d'aujourd'hui donne entière approbation.
La tête de mon cheval[9] Haig vient tout à fait. On ne trouve que par le dessin. Je pense à ce mot de ce M. Mat[...] l'autre jour :
— Vous cherchez par la vérité anatomique, au lieu de la vérité décorative.
Il y a une vérité anatomique, il n'y a pas de vérité décorative. Et s'il y a une vérité décorative, c'est par la vérité anatomique qu'on y arrivera.
14 [décembre 1929]
Téléphone du général Antoine qui, avec le maréchal Pétain, avait déjeuné avec la maréchale Haig. Je crois que j'aurai sa visite demain. Elle ne verra que le cheval. Dans une statue équestre c'est une sorte de socle qui a une formidable importance.
Jean Boucher avec qui je bavardais hier aux A[rtistes] f[rançais], me disait que Falguière et même Paul Dubois, pour leurs statues équestres se faisaient aider et faisaient exécuter les chevaux par des spécialistes. Est-ce sûr pour Paul Dubois? Je trouve cela incroyable. Je comprends qu'on se fasse aider. À condition d'être plus fort que ceux qui vous aident. Autrement c'est de l'amateurisme. Me parlant de Bourdelle :
— Si tu savais la hauteur du casque que la jeunesse lui met sur la tête!
De Despiau :
— Quand je vais dans son atelier, je n'ai pas le temps de lui faire le moindre compliment. Il a déjà dit de ses œuvres le maximum d'éloges qu'on en puisse dire.
En fin de journée chez M. et Mme London qui sont décidément particulièrement charmants. Tout le monde s'apprêtait à se rendre ce soir à la soirée de la Revue des Deux-Mondes, à laquelle nous nous abstiendrons d'aller. Lecture tranquille et demain bon travail toute la journée.
16 [décembre 1929]
Intéressante cette exposition au Louvre du triptyque de la Madeleine d'Aix. Il y a là un beau résultat d'intelligents recoupements. Voici donc qu'à Aix, à Bruxelles, à Londres, à Amsterdam, se trouvent les différents morceaux de ce triptyque, peint au XVe s[iècle] pour l'église d'Aix, par un peintre français de cette fort belle École d'Avignon. Les intérieurs des volets ont été très retouchés, malheureusement. Mais extérieurement une figure du Christ ressuscité remarquable.
Dezarrois que je rencontre, me raconte ceci :
— L'autre soir, je reçois un coup de téléphone de Boissy, directeur de Comœdia :
— C'est dégouttant, un de mes rédacteurs vient de m'apprendre que vous aviez commandé, sans nous consulter, la statue de Foch à un sculpteur "académique", "littéraire" et à "terminaison polonaise".
— Ah vraiment? Répond Dezarrois.
— Oui, et c'est dégouttant et nous faisons paraître demain matin dans Comœdia un papier. Quand je vous avais recommandé Costa et vous n'en avez tenu aucun compte!
— Faites paraître votre papier, mais informez-vous bien pour ne pas faire de gaffe.
— Oh! mon rédacteur est très informé!
— Et bien, dit Dezarrois, je vais être généreux. Votre rédacteur est mal informé. Nous n'avons pas du tout commandé la statue équestre de Foch à Landowski. Depuis plusieurs mois nous avons fait savoir que nous commandions à Landowski le tombeau des Invalides et la statue pour [10] Paris à Bourdelle. Bourdelle est mort, la question de la statue reste en suspens. Mais Landowski fera le tombeau.
Je ne commente pas semblable conversation. C'est la même histoire que pour le Palais des Nations, pour le Théâtre-Français. La presse irresponsable cherche à gouverner par intimidation. De là le gâchis. Se rappeler la phrase de Flaubert : "Vous êtes au dernier échelon de l'art, ce que le mouchard est au soldat".
Mais M. François-Poncet m'apprend que le projet de loi pour le tombeau n'est pas encore déposé! Il parait que Marraud ne se décide pas à signer les pièces. Pour toutes choses, cela traîne, traîne. Il me conseille de lui écrire pour lui demander de venir voir le projet.
17 [décembre 1929]
Chez Bouchard à qui je raconte les histoires que m'a racontées hier Dezarrois. Je vois son esquisse Foch qui est bonne. Je lui donne je crois, un bon conseil pour son socle. Puis chez Knecht, où nous nous retrouvons avec M. Pelletier. On parle inauguration et je dis nettement l'impossibilité d'arriver pour 1930. Toute la faute vient d'eux qui ont attendu 8 mois avant de faire leur commande. Quel homme sympathique que Knecht! Chez l'ambassadeur d'Angleterre, visite rapide de présentation. En somme, matinée à peu près perdue.
Écrit à M. Marraud.
La sagesse : considérer ses adversaires comme une autre espèce d'amis!
18 [décembre 1929]
Ce matin, chez Colin à S[ain]t-Mandé, pour l'ébauche des Fantômes. La matière est magnifique. Ce sera vraiment d'un grand effet. J'en suis sûr.
Buste de la petite Citroën. Bas-relief de Grasse. Modèle magnifique, qui va me resservir pour Prométhée.
Puis chez Andrée Lécuyer qui très gentiment avait organisé une réunion pour me faire connaître Johan Bojer. Nous trouvons chez elle, toujours belle, Léandre Vaillat et Bédel.
— J'ai trouvé drôle de présenter l'homme qui a écrit sur la Norvège à cet autre Norvégien.
Nous bavardons avec Léandre Vaillat qui me parait poursuivre intelligemment sa campagne pour une transformation de Paris dans le sens d'un urbanisme intelligent. Arrive Johan Bojer. Je m'attendais à une sorte de Wotan, un prophète, une puissance. C'est un homme au visage assez ravagé, assez bien conservé pour son âge (il aurait 60 ans), mais l'air un peu d'un alcoolique, et dès son entrée il nous a paru assez excité. Il avait l'air fort allumé par notre charmante amie. La conversation ne fut pas intéressante. On parla "femmes", "féminisme" en essayant les uns et les autres d'avoir de l'esprit. Mais la seule chose drôle fut celle-ci. J[ohan] Bojer avait à côté de lui sur le canapé où il était assis une assiette avec une tranche de gâteau. Comme il était très agité, à je ne sais quelle phrase de Bédel, il se souleva à demi et s'assit plus loin en arrière en plein sur l'assiette au gâteau. On le fit relever, mais quand il s'en alla je m'aperçus que son fond de pantalon était rempli de crème. Il allait à un thé chez M. Doumic. Après son départ[11] la conversation reprit sur la littérature, les mœurs des jeunes écrivains modernes qui, fort nombreux, sont des "disciples" d'André Gide.
Mais tout ça n'empêche pas que je suis assez préoccupé de la façon dont traîne cette commande du tombeau de Foch.
19 [décembre 1929]
Après la séance de l'Académie (Prix de Vertu), M. Doumic recevait dans ce musée Decaen à l'Institut. Pour la première fois, j'y fus. Aux réceptions de Widor où il y a de la musique et du monde, cela passe encore. Quand je suis arrivé, il y avait peu de monde. Cela avait l'air de la fin d'une séance de vacation en quelques hôtels des ventes de province. C'était lugubre. Ces sculptures et ces peintures avaient l'air des lots dont personne n'avait voulu. Rencontré Hubert Morand, si sympathique. Sa femme est, me dit-il, fort malade. Aussi Andrée Lécuyer encore un peu suffoquée de l'attitude de Johan Bojer, hier. Louis Gillet, naturellement. Est-il sympathique? Bien plus agréable la petite réception chez Max d'Ollone. De jolies mélodies de Raoul Laparra, chantées par Mme Camille Mauclair. Mais comment peut-on, chez un musicien jouer semblable arrangement d'un nocturne de Chopin, écrit pour le piano seul, et arrangé pour piano et violon! C'était une trahison, un assassinat, tout ça pour qu'un jeune violoniste fasse des effets langoureux. Les musiciens vraiment en prennent à leur aise avec les œuvres de leurs anciens. Surtout un ancien de cette envergure.
20 [décembre 1929]
Visite de Bigot, qui vient d'avoir un grave accident d'auto. Chez Mauclair, en fin de journée, sa femme nous chante des mélodies espagnoles remarquables de Debussy, très beau (poésie de Baudelaire, surtout [12] ce morceau étonnant appelé Recueillement). Mauclair nous parle de cette affaire Ramon, cet employé du musée du Louvre qui organisait à l'étranger des exp[ositions] de peinture "moderne", se faisant passer pour le directeur des musées et le directeur des Beaux-Arts. Une enquête est ouverte et il parait que des sanctions graves seront prisent, M. François-Poncet aurait demandé à Mauclair de ne plus parler de cette question, lui assurant que ses services la poursuivraient jusqu'au bout. Il y avait Gronkowski, Madame de Waresquiel. À celle-ci qui me parlait de Bourdelle en termes exagérés, je n'ai pu m'empêcher de lui dire ce que je pensais, en me modérant. Le fait est que quand on analyse toute son œuvre, une fois l'Héraklés sorti, il ne reste pas grand chose [13]. Ce ne sont que des parodies. Une originalité de superficie.
21 [décembre 1929]
Entre ma correction à l'École et cette réunion de l'Association, passé rapidement au Salon d'automne. Je voulais voir la toile de Le Roux. Elle n'est pas mal. Il y a une sensibilité intéressante. Je voulais voir aussi ce bronze de Wlérick[14], dont on m'avait parlé. C'est une bonne figure. Cela fait penser à ces nus que faisait Falguière, des modèles bien copiés. Falguière les héroïsait, en q[uel]q[ue] sorte, en leur donnant des noms de déesses. Mais tout cela est oublié. Depuis on a eu les négligences de la fin de Rodin, les outrances de Bourdelle, et le simple retour à une calme étude apparaît comme une nouveauté. Tout cela étonne les journalistes qui aujourd'hui font les réputations.
Paul Léon que je raccompagne rue de Valois, me dit que Chéron n'a pas voulu signer le projet de loi pour le tombeau de Foch, parce qu'il était mal rédigé. On fait une rédaction conforme et les choses marcheront bien. Il paraît que F[rançois-]Poncet et M. Marraud sont très mal ensemble.
Chez Zina Lafont, toujours si sympathique. La conversation naturellement est tout de suite sur la politique, et sur la Russie, où parait-il, la terreur sévit plus que jamais. Ils se sont mis maintenant à fusiller en masse ces bandes d'enfants abandonnés. Puis c'est une campagne à fond contre la religion. On donne des représentations grotesques avec la Vierge, le Christ, les Apôtres, etc., tout cela ridiculisé de manière souvent obscène. Zina nous raconte l'histoire d'un vieille chapelle aux dorures noircies par le temps, qui reprend d'elle-même tout son éclat par l'effet de l'évaporation des larmes des fidèles!! tellement, depuis cette persécution on y vient pleurer!
Ce soir à la Société de Lecture, nous parlons avec Pontremoli de la prochaine retraite de Puech et de son successeur. Il faut y penser d'avance. Il ne faut pas laisser mettre-là quelque homme de lettres, ils guettent un poste pareil. Pontremoli craint Sicard qui joue un peu à l'anarchiste pour paraître à la page. Je suggère Simon, ce serait parfait, mais accepterait-il? Pour moi, si je me présentais, cela irait tout seul. Mais je ne peux absolument pas, avec les enfants et tous ces travaux. Je le regrette.
22 [décembre 1929]
À l'Institut Marey, séance très intéressante de projections au ralenti, vols des oiseaux, notamment. Documents passionnants. Utilité de premier ordre. À revoir.
Salomon Reinach, chez qui nous allons en fin de journée, me remet une brochure qu'il a écrite pour résumer le gros ouvrage de M. Eisler, sur Jean-Baptiste et Jésus. J'avais déjà eu[15], voici un an, une conversation avec M. Eisler sur le sujet. Je n'ai fais que parcourir encore. Mais je crois que cette lecture me confirmera dans mon intention de changer le motif central du Mur appelé jusqu'à présent Mur du Christ[16] et qui changera probablement de nom.
23 [décembre 1929]
Visite de Tchang Tchiao. On ne s'en sortira jamais de ces bas-reliefs. Je n'arrive pas à savoir ce qu'on veut. On ne le sait d'ailleurs pas très bien[17]. Ainsi je perds bien du temps. Tchang Tchiao me demande aussi de ne pas mettre de souliers chinois à bouts relevés et pointus! Rien de ce qui peut rappeler la dynastie Mandchoue! Bientôt, de plus en plus, sur la terre entière régnera La Belle Jardinière...
Attristant, énervant, décevant ce jugement pour la Victoire de la Marne, à Mondement. Rien de fameux, rien de senti. Des dispositions intelligentes avec beaucoup de réminiscences d'un tas de choses. Peut-être est-ce le projet de Bottiau le meilleur.
Demain je finirai le cheval Douglas Haig. Il est bien.
24 [décembre 1929]
Chez la petite et charmante marquise de Crussol. Tandis que nous étions déjà quelques personnes réunies, entre par une porte de côté un homme jeune, bien rasé, qui vient aimablement serrer les mains de tous les invités. Le maître de maison. Il vient familièrement à moi et me dit :
— Venez prendre un verre de porto.
Je le remercie, j'en ai déjà pris.
— Venez quand même.
— Oui, pour vous permettre d'en prendre un.
Je l'accompagne à l'autre bout du salon. Il se verse un verre copieux.
— Prenez de ces cerises à l'eau de vie, je les adore.
Il boit, mange et me dit :
— Je viens d'apprendre une mauvaise nouvelle, mais je ne la dirai pas maintenant à ma femme, pour ne pas l'attrister.
— Évidemment, lui dis-je, il vaut mieux attendre à tout à l'heure.
— Surtout que c'est la mort de son père.
Un silence, un verre de porto, quelques cerises à l'eau de vie :
— Sale année pour moi, j'ai perdu mon frère, une cousine, voici maintenant mon beau-père. Vivement que cette année finisse.
Nouveau silence. Arrive une fort jolie femme. Amabilités, baisemain. Verres de porto. Puis, adossé à la table, le verre à la main :
— Ah! la vie n'est pas drôle!
Brun, rond visage bien portant. Les belles visiteuses entraient, sortaient, et la petite marquise ne pensait qu'à parler de la séance de la Chambre d'où elle sortait et où elle avait laissé Mandel à la tribune parler, "avec un esprit dont on n'a pas idée..."
Il y avait Salomon Reinach. Il y avait M. Fontaine à qui nous promettons d'aller chez lui à l'un de ses importants jeudis. Il y avait Pierre Mille, qui me dit que sa femme prépare une exposition, etc.
25 [décembre 1929]
Pinchon a été très content du cheval pour Haig. Je le crois bien en effet. Il est en somme fini mais j'y ai travaillé encore toute la journée et j'y travaillerai jusqu'à la fin de la semaine, en même temps qu'au bas-relief de Grasse. Pendant le moulage, à fond à de Grasse.
Visite aux gentils Thomson. Quand on pense à tout le mal que M. Cruppi a pu dire de ce ménage, cousin de sa femme, qu'à cause de lui il y eut toujours brouille entre les deux familles. Quelle vilaine nature. Il parait que sa femme attend un second enfant. Il a soixante quinze ans... Il racontait qu'il se remarierait pour trouver le repos [18]!
27 [décembre 1929]
Pinchon m'a envoyé le catalogue de l'exposition de J[oachim] Costa, et une photographie (d'un journal), d'un fragment de la décoration de Janniot au palais des Colonies. Par cette photographie, c'est un plagiat sans scrupule du centre de mon Mur du Héros. Tant pis pour moi. Je n'ai pas su faire ce qu'il fallait pour réaliser à temps. Il était évidement qu'on me pillerait. Le catalogue de l'exposition Costa ne m'apprend rien de nouveau sur le garçon. Il n'est pas sans talent. Depuis la mort de Bourdelle, il se passe quelque chose d'assez amusant dans notre petit monde de la sculpture. Après la mort de Rodin, Bourdelle, qui en avait surtout appris l'art de la réclame, fit savoir partout que le sculpteur de génie, à présent, c'était lui. Bourdelle mort, c'est à qui, parmi ceux qui gravitaient autour, ramènera le "génie". Ils me font un peu penser à ses malheureux prêtres de la Diane de Némi, qui conquéraient leur sacerdoce périlleux en tuant leur prédécesseur. Ensuite, guettés à leur tour, hagards, toujours armés, voyant en tout être un assassin probable, ils montaient la garde autour de l'Arbre sacré. L'Arbre sacré c'est leur "génie", leur réputation autour de laquelle ils veillent, et[19] leurs armes ce sont ces articles qu'ils se font faire par leurs petits amis les journalistes et les critiques d'art et qu'il payent à coup de bustes. (ni les articles Raynal, Raymond Marchand, Boissy pour Costa, Vauxcelles pour Despiau, etc.), et ces coups de téléphone comme celui de Boissy à Dezarrois.
28 [décembre 1929]
Téléphone de Bouchard. Il a vu Dezarrois aujourd'hui. Le concours sur invitation est décidé. Seulement il est un peu retardé parce que l'emplacement aux Champs-Élysées n'est pas accordé[20]. Parmi les invités il y aura Bouchard, il y aura Malissard (on ne peut faire autrement), il y aura Costa (il nous est imposé... par Boissy, le dictateur de la presse), etc.
Je suis enchanté de mes granits. Les morceaux qui commencent à sortir prennent fameuse allure. J'ai commencé par la figure nue. Mais quel travail!
Henri Martin venu déjeuner. Il me dit que ni lui, ni Simon ne sentent plus aucune considération pour eux, de la part de la jeunesse. Les galeries Georges Petit sont passées aux mains des Bernheim. Ni H[enri] Martin, ni Simon, ni Le Sidaner n'y pourront plus exposer. À propos de Bourdelle, il me dit :
— C'était un fumiste.
H[enri] Martin lui disait un jour :
— Il faudrait entrer à l'Institut.
— Eh! si j'étais à l'Institut, je ne vendrais plus rien!
Un jour dans un banquet, il demande négligemment à Martin :
— Vous n'avez pas de Titien chez vous?
— Un Titien!
— Parce que j'en ai trouvé boulevard Montparnasse, que j'ai payé 200 F pièce...
29 [décembre 1929]
Très remarquable cette pièce La Rouille, où nous avons été aujourd'hui avec Lily et Nadine[21]. J'étais un peu ennuyé d'avoir emmené Nadine, car c'est peu, bien peu "jeune fille", terriblement brutal. Mais comme on sent là tout de même une autre sève, un bouillonnement, et il faut le reconnaître, un idéalisme. C'est la même impression d'indignation et de pitié qu'en lisant ces romans Le train blindé ou L'année nue ou ce Journal d'un écolier russe. Tout a été détruit. Une société a disparu. Une autre la remplace. C'est réellement un moment semblable au passage de la civilisation païenne à la civilisation chrétienne. Seulement le premier dura huit siècles. En Russie, huit mois. Il ne faut pas se faire d'illusions. Il y a dans les causes du mouvement révolutionnaire russe trop de vérités, pour qu'on revienne en arrière. L'intérêt, l'originalité de la pièce vue aujourd'hui, c'est qu'il ne s'agit que de communistes, des mœurs qui s'établissent entre eux, de la création de leur société, d'une morale nouvelle qui naît. La morale "bourgeoise" a fait faillite, avec ses restrictions, ses sanctions "religieuses". La morale "affranchie" la remplace. L'abandon aux instincts y joue un grand rôle. Gravité de la situation. Jusqu'où se laisser aller à ses instincts? L'homme sent en lui aussi bien l'instinct de tuer que l'instinct d'aimer, et de procréer. Pourquoi réfréner l'un si vous autorisez l'autre? La plupart des hommes portent en eux un instinct de polygamie. S'y laisser aller fut un des premiers geste de la révolution. Mais cet instinct vient lutter contre un autre, l'instinct d'amour, d'exclusivité en amour. On s'imagine quel désordre cette remise en question de tout, peut produire dans des cerveaux jeunes, qui soudain ont le droit de tout faire. Alors on voit jouer l'instinct social. Car cette coalition qui se forme peu à peu contre l'instinctif autoritaire individuel, en somme le jouisseur, que ce soit l'amour de l'un pour la femme tuée, ou l'amitié d'une femme, ou la terreur de la nouvelle femme, ils ne s'en doutent pas, tout cela constitue l'instinct social.
30 [décembre 1929]
Fin d'année. Journée de dérangements[22]. Ce matin remise à M. Lanson de la médaille que j'ai exécutée pour lui. Ce fut très cordial. Je comparais cette petite cérémonie à d'autres du même genre, par exemple chez les médecins. Autant les universitaires sont simples, autant les gros bonnets de la médecine le sont peu. Ce sont gens fortement pénétrés de leur importance, pour la plupart (Robin, Tuffier!).
Très gentil déjeuné chez Bouglé. Il nous raconte son voyage et cette formidable tempête.
À l'Odéon, Le Rosaire[23], où jouait Jeanne Briey. Beaucoup de talent. Mais la pièce n'est pas une de ces pièces dont la pensée vous poursuit!
Dîner à l'École normale. François-Poncet y a prononcé un discours remarquable d'esprit.
Les Guibourg qui voulaient offrir, à une chapelle de carmélites, la statue que j'ai faite de S[ain]te Thérèse, ont téléphoné à Lily qu'ils ne pourraient pas le faire, le Carmel de Lisieux ayant interdit d'accepter toute image de la sainte, qui ne venait pas de Lisieux. Voilà un droit de propriété bien défendu.
31 [décembre 1929]
Fin d'année. Nous passons notre soirée tranquillement, ensemble. Lily lit en face de moi. Jean-Max[24] un peu plus loin. Nadine dans sa chambre à côté. Les deux petits manquent. Ils s'amusent tant dans la montagne et s'y sont fait certainement tant de bien, qu'il ne faut pas les regretter. Ils seront de retour jeudi.
Dans le silence parfait, je tâche de revoir mon année, comme on devrait faire chaque année. Je peux dire que ce fut une bonne année. Les Fantômes sont commencés dans leur taille définitive et malgré tous les sorts, ce sera une œuvre qui comptera. J'ai terminé le plâtre de Sun Yat Sen et tous les bas-reliefs du socle. J'ai terminé les modèles du monument d'Estournelles de Constant; le monument Farman; le groupe Rosengart; l'esquisse du tombeau de Foch, l'étude très poussée du cheval pour Douglas Haig, le monument Ader (les modèles), le buste de M. Prince, la maquette du monument Fauré, la statue de Grasse et bien avancé le grand bas-relief. Je crois que c'est tout. J'oubliais le monument Terrier, la médaille de M. Lanson. On a inauguré ce monument Terrier et le Bouclier (du XVIe). Donc année très bien remplie. Mais le principal est absent. Je ne peux rien dire pour le Temple! Il ne faut pas que ce soit l'année prochaine la même chose. L'année prochaine il faut que j'écrive : "j'ai sculpté Prométhée". Mon programme comporte : 1. fin du monument de Grasse; 2. fin du monument en marbre de Sun Yat Sen; 3. exécution de la Victoire pour le monument de Chalmont, (et les Fantômes en granit, mais ce ne sera encore que du travail de mise aux points); 4. statue équestre du maréchal Haig, gros travail; 5. fin buste de Geneviève Citroën et docteur Legueu. Je crois, j'espère que ce tombeau de Foch sera devenu réalité. En dehors de cela il faudra que je refuse tout et que j'ajoute Prométhée.
Aujourd'hui j'ai travaillé toute la journée au grand bas-relief de Grasse. Au fond je n'aime pas le bas-relief. C'est trop arbitraire. On ne peut pas [se] laisser aller à la vraie joie de la sculpture. Il faut transformer, aplatir les volumes. C'est si beau un volume dans l'espace[25]. Je travaille quand même avec enthousiasme. J'ai l'impression de faire un envoi de Rome. Il faudrait arriver à transformer toutes ces commandes en sujets qu'on aurait plaisir à exécuter pour soi, comme c'est le cas pour ce monument de Grasse. Quand je dis : "je n'aime pas le bas-relief", ce n'est pas exactement cela qu'il faudrait dire, parce que le résultat est intéressant, qu'il permet de dire des choses impossibles à exprimer en ronde-bosse. Mais l'exécution en est ingrate. Pour ce bas-relief, pose en ce moment un lithuanien magnifique qui sera parfait dans Prométhée. Là, ce sera la joie de la sculpture pure.
[1] . Il s'agit d'un Maréchal Galliéni, en bronze par Jean Boucher, élevé place Vauban en 1927.
[2] De Verrocchio à Venise.
[3] De Donatello à Padoue.
[4] . Suivi par : "en diagonale", raturé.
[5] . Le monument de Mondement à la première Victoire de la Marne, sera exécuté par Henri Bouchard et Paul Bigot, et la participation des sculpteurs Daniel Bacqué, Alfred Bottiau, René Duparcq, Albert Patrisse.
[6] Pour les bas-reliefs du Palais des Colonies que Laprade n’a pas confiés à Landowski.
[7] . Il s'agit du peintre Jules-Alfred Giess, de l'architecte Jean Niermans et de la musicienne Elsa Barraine.
[8] . Félix Joffre, élève de Jean Boucher.
[9] . Précédé par : "petit", raturé.
[10] . Au lieu de : "de", raturé.
[11] . Suivi par : "conversation avec", raturé.
[12] . Au lieu de : "notamment", raturé.
[13] . Au lieu de : "il ne reste rien", raturé.
[14] . Robert Wlérick expose un Nu assis.
[15] . Suivi par : "voici longtemps", raturé.
[16] L’un des murs du Temple de l’Homme.
[17] . Suivi par : "L'ennui est que", raturé.
[18] . Suivi de : "Pauvre idiot", raturé.
[19] . Suivi par : "faisaient faire par leurs amis des articles", raturé.
[20] . Au lieu de : "décidé", raturé.
[21] Amélie et Nadine Landowski.
[22] . Au lieu de : "distractions", raturé.
[23] . Pièce tiré d'un roman de Florence Barclay.
[24] Amélie et jean-Max Landowski.
[25] . Au lieu de : "l'atmosphère", raturé.