1[er mars 1931]
Bonne matinée de travail encore ce matin au cheval H[aig]. Épaule gauche et tête, considérablement amélioré encore. Corrigé le chanfrein un petit peu normand de Le Massier. Je ne crois décidément pas que ce soit un pur-sang parfaitement pur. Il a du barbe et du normand, arrière-main et tête… Avant-main excellente. J’ai profité de l’annonce de la visite de Petsche demain pour remettre le moulage d’un jour encore.
Visite des jeunes Bazaine et Bertola. Isay à déjeuner. Puis nous avons établi la liste des photos à publier. Lors de sa dernière visite à S[ain]t-Andréa, il a senti une certaine résistance à cause de l’orientation générale de la librairie très "art nouveau". L’influence de la boutique cherchant à jouer. Il paraît que Maillol et J[oseph] Bernard, ces deux minus habens impuissants — sont modernes, et pas moi. Mais ce qui a été décidé le reste et la publication marche.
Monde fou à la réception de Lily. Vincent Auriol me raconte ce qui s’est passé à la Chambre. Il faudra que j’achète demain le Journal officiel. Comme dès que Mistler a commencé à parler, V[incent] Auriol et d’autres protestèrent, M[istler] déclara que ce n’était pas contre moi. En résumé il reprocherait à mon projet d’être gothique, d’être prévu en bronze, d’être la même chose que le monument d’Alger. Comme pendant qu’il parlait Burtin (amendement Planche-Burtin) s’agitait, Auriol lui demanda de ne rien dire et Burtin lui a promis de ne plus intervenir et de ne pas insister pour son amendement. Mistler de son côté a assuré Auriol qu’il ne dirait plus rien lorsque la demande de crédits viendra. Reste Planche auquel V[incent] Auriol conseille de faire parler par Herriot. En somme il y a progrès.
Mon cheval H[aig] que j’ai laissé voir a eu un grand succès. MM. Weiss, Verne, Oulmont, etc. Isay qui est resté la journée à classer[1] des photographies et descendait de temps en temps me dit que M. Weiss était particulièrement emballé de mon atelier, qu’il voulait que la Ville me confiât de grands travaux… Si le tombeau Foch se décide, avec la porte de S[ain]t-Cloud et le Rochambeau, j’en aurai bien assez, car il y a mon œuvre personnelle à faire en même temps.
2 [mars 1931]
Aujourd’hui dernière séance avec Le Massier. Il y a encore un mois de travail! L’ensemble est bon. Mais pourrait énormément gagner.
La visite de Petsche. D’abord est arrivé Paul Léon. Puis ensemble le s[ou]s-secrétaire accompagné du bon G[aston] Thomson, et de Verdier et d’un inspecteur des Monuments historiques, M. Paquet. Petsche semble un brave type. Le type de ces gens qu’on appelle des bons gros. Semble intelligent, averti et décidé. Par Verdier il est déjà dans les mains des Monuments historiques, le rouage essentiel de la rue de Valois, qui mène beaucoup de choses et voudrait mener toutes choses. C’est ce service-là qui prend mon affaire Foch, et tout de suite j’ai senti que M. Paquet n’a guère de sensibilité ni aucune puissance créatrice. C’est un archéologue, de ces sortes de gens qui ne comprennent que les pastiches. Il faisait des réserves sur l’effet de mon projet dans le cadre. Je n’ai jamais pu commencer à fond mon travail sans une présentation d’un gabarit sur place. C’est ce que nous allons faire tout de suite. Rendez-vous pris pour mercredi prochain, 15 heures, sur place. M. Petsche m’a dit qu’il voulait aboutir rapidement, qu’il négociait avec Burtin et Planche pour qu’ils ne fassent aucune opposition, que l’affaire Mistler était réglée, maintenant. La visite de l’atelier a semblé l’intéresser. Après ils sont partis chez Bouchard. Il paraît que Mistler reproche à mon projet d’être en bronze, que le marbre conviendrait mieux. Peut-être, mais je n’en suis pas sûr, et puis question de prix. Est-ce que dans S[ain]t-Pierre, prototype de la chapelle des Invalides, il n’y a pas des monuments de toutes époques, de toutes matières. Il y a notamment un certain tombeau par Pollaiolo, en bronze, qui fait un fameux effet. On ne pense guère au cadre en le regardant. Depuis le San Pietro archaïque jusqu’aux grands tombeaux de Canova, chaque époque a apporté son style et sa pensée. Du moment qu’on ne conserve pas un monument intégralement comme il fut conçu, du moment qu’on continue à s’en servir, à lui faire jouer son rôle dans la vie de la cité, il ne faut pas chercher à faire de pastiches.
3 [mars 1931]
Le cheval H[aig] est fini, soi-disant fini! J’aurais pu travailler plus d’un mois encore. Et il aurait été parfait. Quelle situation stupide. Tel qu’il est, il est, je crois, déjà pas mal. Je me rattraperai sur celui de Rochambeau, si cette statue se fait. Grande conférence avec le mouleur et le fondeur pour les coupes.
Conférence à la Librairie de France, avec M. S[ain]t-Andréa et Isay, pour le fameux ouvrage. Je me demande si Isay a corrigé les dernières pages, assez ridicules. Voilà plusieurs fois que je lui demande de me donner le manuscrit corrigé [2] et qu’il me répond de manière assez évasive. Je vais lui écrire pour le mettre au pied du mur.
Lu dans le Journal officiel l’incident Mistler. Le plus lamentable de l’histoire est la nullité totale du s[ou]s-secrétaire d’État. Ce Mistler fait deux interventions auxquelles le ministre répond avec la dignité d’un maître d’hôtel engueulé qui promet à son patron de lui obéir. 1ére intervention Mistler sur les prix de Rome de musique :
— Il faut les envoyer à Vienne!
Le ministre répond :
— Suggestion très intéressante. Je l’examinerai.
Il a l’air du monsieur qui s’imagine qu’avant lui rien n’a été fait, ni étudié. Les prix de Rome de musique vont à Rome une année et peuvent passer les deux secondes années de leur pension où il leur plaît, à Vienne, à Berlin. Mais ils préfèrent Paris… Pour moi je ne veux pas perdre mon temps ce soir à commenter pour moi les sottises et les perfidies qu’il a débitées. Mais je crois que je ferais bien de rédiger un mémoire pour le ministre pour qu’il sache quoi répondre à de pareils idiots.
4 [mars 1931]
Aux Invalides avec Hulot et M. Paquet. J’ai pris les mesures du sarcophage de Joseph B[onaparte]. Mon projet est moins volumineux. Cette chapelle est remplie de bronzes, de marbres de couleur, etc. Commencé ma lettre au ministre.
Rencontré aux Amitiés Internationales, S[ain]t-Georges-de-Bouhélier. J’ai lu de lui il y a pas mal d’années un Œdipe assez stupide mais moins que celui de Gide paru dans la N.R.F. ces temps derniers. On monte au Français une pièce sur la Révolution de S[ain]t-G[eorges]-de-B[ouhélier]. Dîner chez les Legueu. Il y avait le maréchal Pétain. Il était très sympathique parce que, nommé depuis peu à ce poste de la défense aérienne, il est plein de son sujet, ne parle que de cela. Signe de grande jeunesse d’esprit.
5 [mars 1931]
Nu de la Victoire de Chalmont[3].
Mais je suis encore ahuri de ce que F[rançois]-Poncet vient de me dire par téléphone. Exactement ceci :
— Ce que je ne comprends pas, c’est l’attitude de Paul Léon. Il est votre ami, n’est-ce pas? Il vous a donné des commandes. Pour celle-ci il a été au courant, d’accord avec nous. Or Petsche lui-même m’a dit que P[aul] Léon lui avait dit que j’avais fait cette commande trop hâtivement que vous m’aviez collé un projet tout fait sans que je m’en aperçoive, etc.
J’ai répondu que ça ne me paraissait pas possible que P[aul] Léon parle ainsi de moi.
— Si, si, c’est Petsche lui-même qui me l’a dit.
Incroyable. Sûrement Petsche a mal interprété un propos que P[aul] Léon a dû lui dire comme venant d’un autre. Ou [François]-Poncet a mal interprété ce que lui a dit Petsche…
Je suis quand même bien énervé et triste.
6 [mars 1931]
Je travaille à ma lettre pour M. Petsche. C’est nécessaire, je crois. Mais je la lui ferai remettre par l’intermédiaire de P[aul] Léon. Que ce dernier ait dit ou n’ait pas dit ce que m’a répété Poncet, je ne changerai jamais mon attitude vis-à-vis de lui. Je lui suis trop reconnaissant de ce qu’il a été pour moi.
Je termine le nu de la Victoire Chalmont pour faire un mannequin très sérieux. Condition pour aller vite.
7 [mars 1931]
Réception des Amitiés Internationales chez Mme Piazza. Conférence de Chamson sur le langage, dont l’idée générale était qu’on ne détruit pas une langue autochtone, qu’une langue nouvelle, imposée ou acceptée, peut devenir langue officielle, mais que la langue du terroir demeure latente, sert quand même toujours pour la vie privée. Ex[emple] : les patois, les langues comme le basque, ou le provençal. Ainsi en sera-t-il au Tyrol, dans le Trentin où l’italien imposé avec une brutalité[4] dont on n’a pas idée ne détruira pas la langue allemande qui se réfugie dans les villages montagnards et continue à vivre dans les chansons. Madame Piazza, femme charmante, possède une magnifique collection de plâtres de Houdon. J’ai revu avec plaisir le Washington, Grétry, deux Mirabeau (ceux-là impeccables), Diderot avec des parties un peu minces… et bien d’autres, enfin une collection incomparable.
Puis, chez les Robert Reynaud. Matinée mêlée de chants et de danses. Danses par la jeune et si jolie Jeannine Reynaud. Lily en avait déjà parlé à sa mère. Elle accepte avec plaisir de poser pour la tête de la Victoire Chalmont. Je la regardais de près. Elle venait de danser. Elle était un peu essoufflée et fatiguée. Elle avait les yeux un peu tirés, la bouche un peu entrouverte. Expression magnifique. Si elle peut me donner cette expression, ce sera tout à fait le sentiment de ma statue.
8 [mars 1931]
François-Poncet venu voir la grande maquette des Invalides. Malgré la reconnaissance que je lui ai, je suis obligé de reconnaître qu’il a dit pas mal de bêtises. Il n’y connaît, en fait, rien. Il a peu de sensibilité. Encore un de ces hommes que l’intelligence domine, alors tout aboutit à des mots d’esprit. Il a été moins affirmatif à propos de ce que P[aul] Léon aurait dit. Est-ce parce qu’il regrette de me l’avoir répété? Est-ce parce que, comme je le crois, il a fortement interprété ce que Petsche lui avait dit? Et puis, c’est sans intérêt. Des critiques assez singulières sur mon projet. Il voudrait que les porteurs soient plus mouvementés! Il trouve que le Foch est trop haut! Tout ça peu réfléchi, et dont il ne faut tenir aucun compte.
Réception chez Hulot, où nous avons mis au point le dessin à donner aux charpentiers pour le gabarit à dresser aux Invalides. Comme c’est inquiétant! Quel effet cela va-t-il faire? Ce sera un grossier épannelage auquel on ne comprendra rien. Et je suis sûr que mon tombeau, si je le fais, prendra place parmi les plus célèbres, non pas seulement par la personnalité du mort, mais par sa valeur. Cette histoire, c’est vraiment une épreuve.
Chez Daniel Berthelot je rencontre Louis Barthou. Il me demande mon dessin de Psyché suppliante. Puis aussitôt s’excuse de son indiscrétion. Il me reparle de sa visite chez moi, du tombeau de Foch. Alors je lui dis les difficultés, cette attaque mufle de ce Mistler. Nous prenons rendez-vous pour jeudi prochain.
Fabien Solar me dit que c’est la première fois que pareille attaque est ainsi faite contre un artiste. Il a paraît-il eu à faire à ce Mistler. Il n’était pas député à ce moment, mais à la propagande aux Affaires étrangères. Il s’agissait d’organisation d’expositions à l’étranger. Mistler ne cessait sournoisement de lui créer des difficultés, de le gêner pour le dégoûter et laisser tout aux boutiques de la rue La Boétie.
9 [mars 1931]
Le nu de la Victoire Chalmont. Mais je ne travaille pas beaucoup en ce moment. Cette histoire du tombeau m’a désorganisé. Me désorganise aussi cette recherche de photos pour le livre d’Isay. Il faut faire cependant ce classement avec soin. Très heureux de cette publication.
Déjeuner chez Miss Getty qui racontait une peu reluisante histoire sur Malraux, l’homme des Conquérants. Chargé de mission archéologique en Indochine par le gouvernement, il était de mèche avec des antiquaires pour chiper des pièces et les revendre. Le caractère officiel de sa mission lui donnait toutes sortes de facilités. Sylvain Lévy confirmait les dires de Miss Getty. Ils se trouvaient sur les lieux quand l’histoire arriva.
11 [mars 1931]
Matinée d’abord perdue au jury de la Coloniale. Jury abominable. Trop nombreux. Les artistes sont débordés par les fonctionnaires, les critiques d’art, qui ont la sévérité des gens qui n’ont jamais rien fait. Pour qu’il y ait si peu de peintures et de sculptures vraiment bien, c’est que la peinture et la sculpture sont parmi les plus difficiles des créations humaines. Les artistes le savent et c’est pour cela qu’ils sont indulgents aux œuvres faibles. Avec Bouchard nous avons quitté la partie avant la fin. Passés aux Invalides. Il voudrait que je ne mette que des soldats autour de Foch. Les ouvriers, les femmes donnent un caractère anecdotique, sentimental. Il a peut-être raison. La seule chose importante pour l’instant c’est le volume général. Je suis, moi, persuadé, qu’un volume assez important dans cette chapelle fera très bien. Mais je dois compter pour le moment avec cette commission qu’on doit convoquer. C’est pourquoi j’ai encore réduit mon volume général. J’ai supprimé la figure de la France qui derrière Foch tendait vers lui une couronne. D’où raccourcissement du sarcophage, du groupe, etc. J’ai fait venir le charpentier, [pour] lui donner les nouvelles mesures. Comme ça, je ne crois pas que personne soit surpris.
Agréable soirée à l’Opéra, à la pièce de R[aoul] Laparra. C’est amusant. On a évidemment beaucoup vu de spectacles espagnols de ce genre. La nouveauté vient de la scène tournante et de cette débauche chorégraphique de la fin. Au début un ballet curieux avec ce Serge Lifar. Homme réellement magnifique. Quand on est si beau, pourquoi se contorsionner à ce point? Il finit par donner raison au vers de Baudelaire : "Je hais le mouvement qui déplace les lignes", si critiquable cependant.
Fini par la soirée de M. et Mme Bouisson. Causé un moment avec ce grand serin de général Gouraud. Antipathique. Madame Bouisson toujours charmante et si affable et bienveillante. Le président aussi.
12 [mars 1931]
Aujourd’hui, jury de sculpture de la Coloniale. La même chose que pour la peinture. Il y avait bien des mauvaises choses. On en a reçu environ la moitié. Temps perdu, temps perdu, temps perdu. C’est de ma faute. Il faudrait avoir l’énergie de refuser ces honneurs.
Été au rendez-vous que m’avait donné M. L[ouis] Barthou. Quel curieux homme. D’abord remarquable par son aspect jeune, sa vivacité d’esprit. Remarquable aussi, d’une autre façon par l’indiscrétion de ses questions. Il vous demande par exemple :
— Gagnez-vous beaucoup d’argent?
On ne peut répondre qu’à la normande oui et non, on en gagne, mais on en dépense tant…
— Ne vous en défendez pas, c’est légitime. Combien gagnez-vous par an?
On reste bouche bée. Il me rappelait ce gros dindon de Mir ou le père Regrel. Ceci à part, il m’a redit combien il aimait mon monument Foch. Je lui ai raconté l’histoire Mistler. Il m’a posé des questions auxquelles j’ai répondu sur toute l’origine de cette commande, après quoi je me suis aperçu qu’il était très au courant déjà. C’est un fin renard. Amusant à voir opérer. Très sympathique au demeurant et il m’a promis tout son appui au Sénat.
Ladislas dînait hier soir à la présidence de la Chambre à côté de Petsche. Celui-ci lui a parlé avec une grande sympathie de sa visite chez moi et du tombeau Foch comme d’une affaire réglée.
13 [mars 1931]
Toujours bien énervé. Il en sera ainsi tant que cette affaire F[och] ne sera pas réglée. Travaillé au nu pour le mannequin de la Victoire Chalmont. Aussi un peu au tombeau Foch. Passé rapidement à l’exposition Bourdelle. J’y retournerai. Impression assez creuse. Surtout d’une pauvreté très grande et d’un manque total d’amour de la forme. Ce n’est pas avec ces négations qu’on fait un sculpteur.
14 [mars 1931]
Encore jury Colonial. Jury impitoyable. Je suis parti. Passé aux Invalides où la carcasse du sarcophage se monte. Impression excellente et plutôt dans le sens d’un manque de volume. Quel emplacement! Je voyais en place mon projet réalisé! J’en suis de plus en plus convaincu. De là, à cette séance du Syndicat d’initiative, l’invention du peintre Aubert pour faire perdre du temps à tout le monde. Petsche présidait. En s’en allant il me demande de l’accompagner un moment et me dit que tout s’arrange, qu’il a "négocié" le retrait de tous amendements, que Mistler n’interviendra plus, mais que ce dernier voudrait que je fasse un monument dans le genre de celui du maréchal de Saxe par Pigalle! Pareille suggestion se passe de commentaires. Ce monsieur prétend que mon projet n’a pas été étudié, que l’affaire a été menée légèrement. Je suis sûr qu’il n’a pas même été aux Invalides, de même qu’il n’a pas vu ma maquette.
Après l’Institut, j’ai emmené Hourticq voir les danses des élèves de Marie Kummer. Le début où elle nous montra un petit peu trop de tout petits enfants très inquiétants. Ensuite ce fut ravissant et parfois émouvant. C’est très remarquable d’arriver à pareil résultat avec peu de moyens, de beaux mouvements et de beaux corps. D’abord rien n’est si beau qu’un corps dont le poids est comme supprimé par la puissance des muscles. Plastiquement un corps mince, des membres forts, c’est de la beauté. De profil, je me rappelle cette jolie fille qu’était Arsinola, qui me posa la Danseuse aux serpents, ses cuisses étaient plus fortes que son torse. C’était superbe. C’est la jeunesse. Un torse gros, des membres grêles, c’est laid. C’est l’image de la vieillesse. Ces danseuses bien entraînées, immobiles, sont déjà belles. Ensuite c’est la beauté du mouvement, surtout quand elles ne veulent pas demander à leurs gestes de dire plus qu’ils ne doivent. L’écueil où bute Serge Lifar, où ne butent pas les Sakharoff. Or, cette femme, Marie Kummer, a certainement un sens plastique. Elle a su, sur des airs musicaux, composer des ensembles, des groupes, sortes de tableaux vivants rythmés très remarquables. Toutes ses monitrices sont de fort belles filles qui "jouent" leurs danses, plutôt les vivent dramatiquement. Noté un entrelacement de bras tendus dont je me servirai pour mes porteurs du tombeau Foch. Mais ce qui était peut-être le plus séduisant, c’était les danses des fillettes de quinze à seize ans, d’une légèreté, d’une pureté, d’une immatérialité étonnantes. La musique les portait, les emportait comme des êtres sans aucun poids. Charme indescriptible, que la sculpture, ni la peinture ne peuvent, ni même ne doivent chercher à rendre. La danse est un art en soi, c’est certain.
Banquet du collège Rollin. Crouzon, Jean Vignaud, Thomé étaient là. Charmant discours de M. Soreau le président, auquel j’ai mal répondu. Il faut préparer toujours un discours. Je n’en avais absolument pas eu le temps.
15 [mars 1931]
Avec Lily visite plus longue à l’exposition de Bourdelle. Même impression creuse. Sans doute quelques bons bustes, d’une exécution assez volontaire, très influencés de Rodin. Mais les grandes choses, quelle insuffisance. Surtout me poursuit de plus en plus l’impression du manque d’amour d’exécution. Dans tout cela on sent surtout la préoccupation de l’effet surprenant à produire. Tout y est sacrifié. La même préoccupation que le bonhomme avait pour sa tête, son costume, sa signature, etc. Tout extérieur, tout superficiel, rien de profond. Ainsi rien en vérité ne résiste-t-il à l’examen. Le cheval d’Alvéar, d’une exécution molle, sans accent, d’un geste faux, trottant de l’avant, arrêté de l’arrière-main, le plan du poitrail tout à fait faux[5], l’attache du membre gauche avant absolument pas construite, sur le même plan que le membre droit qui pose au sol alors que toute l’épaule gauche devrait venir en avant, etc., et le cavalier montant comme un cavalier de Robinson, etc. et cette exécution facile à la 1848. À côté cette Sapho à l’orteil relevé, qui n’est qu’un agrandissement mécanique. On mène, dit-on, grand bruit autour des quatre figures symboliques du socle d’Alvéar. Combien je m’ennuierais si j’avais de pareilles élucubrations dans mon atelier, de pareilles et banales figures symboliques. Comme c’est laid. Comme c’est laid aussi ce bas-relief du théâtre de Marseille. Il y a aussi le Centaure mourant, qui semble un de ces chevaux de cirque, une peau dans laquelle deux clowns se mettent. Et puis il y a l’Héraklès. Là, on peut s’arrêter un moment. C’est une belle esquisse. Ce n’est que cela. Aussi bien la preuve en est-elle donnée par la maquette exposée, où la réduction, (on ne sait avec ces maquilleurs), [est] beaucoup plus séduisante que la grande épreuve. L’étude ne nous fait rien découvrir de neuf. Au contraire, l’imprevu du geste cesse peu à peu de vous étonner, la négligence, plutôt l’insuffisance de l’exécution déçoit de plus en plus. Cet homme n’a jamais dû connaître cette joie intime de la forme pour la forme, sculpter un bras, une jambe, un torse. Il n’y a qu’à voir ses nus féminins, on les sent faits sans amour. Un corps doit se sculpter comme on le caresse.
Madame Besnard est morte.
16 [mars 1931]
Le gabarit du tombeau aux Invalides est terminé. Impression excellente. Hulot partageait mon impression. Il m’a dit :
— Je ne vois vraiment pas ce qu’on pourra te reprocher.
Comme cette prochaine séance de la commission m’agace et m’angoisse.
Nous sommes allés chez les Besnard. Nous sommes reçus par Philippe, dont un sourire heureux épanouissait encore la grasse[6] et large figure antipathique.
17 [mars 1931]
J’ai essayé une esquisse du tombeau Foch, en remplaçant les soldats porteurs par des figures de femme symboliques (les Nations alliées…). Beaucoup moins bien. Pontremoli est venu voir. Malgré sa nature toujours réservée, prudente, un peu compliquée, j’ai l’impression que la sienne fut bonne. Des critiques, bien entendu, sur les bases (fausses à mon avis), sur la largeur du sarcophage, trop large pour la longueur (critique juste. Cela vient de ce que j’ai supprimé la figure de femme qui était derrière). Avec raison il se réserve de me dire son opinion définitive après avoir vu le gabarit aux Invalides.
Mais j’ai passé une après-midi d’heureuse détente en travaillant au Cantique des cantiques.
18 [mars 1931]
Aux Invalides avec Hulot et M. Paquet. Ce dernier fait quelques réserves. Réserves de principe. Son point de vue est qu’il ne faut rien mettre au centre de la chapelle. Alors c’est tout à refaire. Mais, m’a-t-il dit, si le principe est admis, votre maquette est si belle, qu’il n’y a qu’à vous laisser toute liberté de faire ce que vous voulez. Hulot est très net et approuve complètement mon parti.
19 [mars 1931]
Commencé le buste de Louis Bréguet. commencé la médaille de M. Lévy-Bruhl. L’un et l’autre très intéressants, comme hommes et comme têtes. M. Lévy-Bruhl me parlait de l’exposition de Bourdelle.
— Il me semble, me dit-il, que Bourdelle ne sentait pas la poésie de la forme.
Je l’ai félicité de cette formule, d’une justesse parfaite et qui est, en fait, la condamnation d’une formule d’un art tout fabriqué.
Longue séance chez Saint-Andréa, avec Isay, pour les photos. Tout est choisi définitivement. Mais il m’est impossible d’obtenir d’Isay qu’il me communique, comme il m’avait promis, les parties modifiées de son texte. Il n’a rien dû changer. Il y a des formules ridicules et toute la dernière partie est très faible.
Dîner chez Pierre Rameil : Mme Dyer, Mme Piazza, vraiment exquise, qu’on sent si bonne, si désireuse de bien faire, d’aider. Ernest Charles, le musicien Roussel, sympathique malgré un certain air de sous-chef de bureau desséché par le chauffage central. Pierre Rameil me prend à part et me dit :
— Qu’est-ce que Mistler a contre vous?
— Il a contre moi ce qu’il a dit ouvertement et ce que je sais qu’il dit dans la coulisse, que je suis prix de Rome, membre de l’Institut, etc., et ce qu’il insinue. Il n’a fait, en somme, que déclencher une mécanique arrêtée. D’après ce que tout le monde me dit les choses vont marcher. Pour moi, je ne bouge pas, je ne réponds rien.
— Vous avez très bien fait. Il ne faut pas répondre. Quand l’affaire viendra au Sénat, comptez sur moi.
20 [mars 1931]
Buste Bréguet, deuxième séance. Très beau buste à faire. Ici, nous ne sommes pas admirateurs de Flandin. Bréguet dit que c’est un homme remarquable, que son point de vue, lorsqu’il était en Italie était le meilleur et plus économique pour la France que le programme Bokanowski.
Travaillé à la maquette Foch. Mais qu’est-ce que cela à côté d’un simple nu, un beau corps à sculpter en tâchant d’y mettre l’émotion de la vie. Tout le reste, c’est vrai, n’est que littérature, sentiment factice. Ni moi, ni personne n’est ému en pensant à Foch. Sa femme, peut-être, et encore ne pense-t-elle qu’aux insignes religieux et à sa vanité. Je ferai de ce tombeau une belle chose, mais il ne vaudra pas pour moi le simple nu du Cantique des cantiques.
21 [mars 1931]
Avec Pontremoli aux Invalides. Il ne me semble pas que son impression ait été mauvaise. C’est un homme de goût. Il a un peu le défaut, quoi qu’on lui montre, de vouloir toujours à tout prix, trouver critique à formuler. Il a évoqué l’idée du tombeau bas, (celui de Sixte IV à S[ain]t-Pierre). Si j’avais proposé parti semblable il aurait probablement parlé de tombeau élevé. Mon projet a ceci, c’est qu’il n’y en a pas d’autre semblable. Et puis, ces gens oublient toujours qu’il s’agit d’un tombeau, où le corps sera déposé, non d’un cénotaphe décoratif. Un gisant porté? Tout de suite on dit Philippe Pot. Mon projet est bien loin de ces figures symboliques. Et puis, où serait le corps?
Après-midi magnifique au Cantique des cantiques. Même enthousiasme qu’à vingt-cinq ans.
22 [mars 1931]
Inauguration, bénédiction de ma petite statue de s[ain]te Thérèse.
Déjeuner à la maison avec Kao Lou, P[aul] Léon, Bosworth, Hautecœur, Marguerite Long. Hautecœur cherche à installer au Luxembourg mon morceau central du mur des Légendes (le Héros). Ce sera probablement trop grand. Quel pitoyable musée que ce Luxembourg où rien d’un peu important ne peut être et où nous ne verrons, quand on le rouvrira que les agrandissements à la machine de Messieurs Despiau, Bernard, Pompon, Drivier, etc. Bosworth me reparle d’une exposition à Chicago consacrée à l’Humanité. Ce serait la place de mon Temple. Lui envoyer les documents.
23 [mars 1931 [7]]
Séance médaille Lévy-Bruhl. Nous avons parlé du revers qui représentera une scène de peuples primitifs[8]. On parlait de la guerre, d’histoire de la guerre. Il y a des choses, me disait-il, qui seront bien difficiles à établir historiquement. Un de ses parents se trouvait, durant son service, affecté à un bureau d’archives et il a vu fréquemment des officiers supérieurs y venir, y chercher et emporter des pièces qui les gênaient.
24 [mars 1931]
Téléph[one] de Paul Léon. La séance de la commission des Monuments historiques est fixée à samedi prochain à 10 h. La commission sera convoquée au complet. Je me sens brusquement désorienté. Cinq cents députés, trois cents sénateurs, une trentaine de types des plus diverses professions, en majorité architectes archéologues, des fonctionnaires, quelques historiens d’art. Je ne peux pas transporter ma maquette. Alors on va leur soumettre[9] cette informe masse de toile d’emballage…
Détente l’après-midi au Cantique des cantiques.
Visite de Guigui Roussy et de Painlevé. Homme fortement intelligent et bien sympathique.
À la fin de la journée téléph[one] de Madame Thomson. Elle venait de voir Mistler. Il a protesté qu’il avait beaucoup d’admiration pour moi, mais que mon projet était Renaissance! Qu’il fallait faire du Louis XIV, etc., mais que d’ailleurs il n’interviendrait plus…
Je rédige une notice sur mon projet, que j’enverrai à P[aul] Léon, à Paquet, à Hulot, à Hourticq et peut-être au ministre pour qu’ils l’aient avant samedi. J’ai décidé aussi de faire porter ma grande esquisse aux Invalides. J’ai décidé aussi, malgré la convocation pour samedi matin, de ne pas assister à la séance de la commission. Je me sentirais très[10] gêné, et comme je n’ai pas que des amis, ma présence pourrait être ensuite prétexte à des critiques. Quel moment pénible!
26 [mars 1931]
À S[ain]t-Mandé. Je ne peux pas, demain, aller à Chalmont avec Taillens, Rouge, etc. J’y envoie Juge. Dispositions très importantes à prendre pour l’abaissement des deux personnages de droite du premier plan. Puis chez Talliens, où je lui explique aussi ce que je veux pour ça et pour les stèles, que je retire décidément du bord de la route pour les installer sur le grand parvis, contre les talus. Leur masse, même à cinquante mètres, nuirait à l’effet isolé de La France s’avançant. Ainsi la composition d’ensemble me paraît devoir avoir plus d’unité.
Départ de Lily et des enfants pour le Brusc. Je les rejoindrai pour quelques jours, dans quelques jours.
Achevé de mettre au point ma notice sur le tombeau Foch. L’ai envoyé avec lettre à P[aul] Léon, Hourticq, Paquet, Hulot. Ai-je bien fait de l’envoyer à P[aul] Léon? Je m’en tourmente. Sale moment où on ne sait ce qui est le mieux, agir ou attendre.
27 [mars 1931]
Mon atelier a du succès à la première épreuve du concours de Rome. Neuf de mes jeunes gens sont admis.
Déjeuner chez P[aul] Léon avec Rabaud, G[abriel] Faure, Pontremoli, Hourticq, Astruc. C’était pour fêter la cravate de commandeur de Rabaud. Ce fut très gentil, très cordial. Après le déjeuner je me trouvai un moment seul avec Pontremoli et P[aul] Léon. Pour faire de l’esprit Pont[remoli] dit assez bêtement :
— Alors c’est demain qu’on vous exécute?
Protestation gentille de P[aul] Léon.
Visite de Madame Bouisson qui est enthousiasmée de son buste qui en marbre fait très bien. Madame Pomaret vient la rejoindre et paraît aussi fort satisfaite.
Dîner chez les Bréguet. Il a une fille dont le visage est fort beau. Mais j’aurais pu m’éviter cette fatigue, agréable, mais inutile de ce dîner.
28 [mars 1931]
Bonne, excellente, importante journée. Le résumé en est : la commission des Monuments historiques a accepté mon projet, sans réserves, et aucune objection sérieuse n’a été formulée.
Ma maquette était installée à 9 h ½. En la découvrant mon impression fut excellente. J’ai mieux senti la belle chose que je pourrai faire là. Puis Hulot est arrivé, avec un vieux monsieur, un inspecteur principal, dont je ne sais pas le nom, dont je sentis l’impression bonne. Je me retirai tandis que le gros de l’armée de mes juges arrivait en masse compacte. Je serre la main sympathique de Hourticq, du directeur, et je vais attendre dans la cour. J’y croise le général Weygand convoqué, puis Verdier en retard. Vingt minutes d’attente et un jeune homme, qui doit être un officier attaché au gouverneur des Invalides court vers moi me disant :
— On vous réclame.
Je marche un moment silencieux à côté de lui, n’osant trop rien demander, puis je me décide à dire vaguement que j’espère qu’on n’a pas trouvé le monument trop encombrant.
— Je crois au contraire qu’on va vous demander de le grandir un peu.
Détente brutale. L’angoisse de ces dernières semaines s’écroule subitement. Un chant de victoire s’élève en moi. Je me domine et j’arrive dans la chapelle où une voix me dit :
— Vous n’êtes pas de trop ici.
C’était P[aul] Léon. Conversation des plus cordiales avec les uns et les autres. Pol Neveux me dit :
— Vous avez là de quoi faire une belle chose.
Mais voici une petite bonne femme toute noire, qui arrive en tâtonnant. C’est la maréchale Foch. Elle vient voir quoiqu’elle ne voie plus très clair. Je lui montre (?) comment j’ai placé l’insigne religieux. Elle y tient, me le dit et je l’approuve. Tandis que je parlais avec je ne sais plus qui, après l’avoir quittée, Paul Léon vient me rappeler près d’elle et du général Weygand.
— Madame Foch demande dans combien de temps vous aurez fini?
Ah! toujours la même chose! Je me domine.
— Comme je l’ai déjà dit, il faut au moins deux ans. C’est un travail énorme. La fonte demandera aussi beaucoup de temps.
— C’est ça, dit le général Weygand, l’inauguration pourrait avoir lieu au quatrième anniversaire de sa mort.
Je ne réponds rien. Je reste dans le vague. À ce moment quelqu’un vient annoncer que le ministre arrive. En effet voici M. Petsche. Son premier mot est :
— On ne verra pas Foch. (Ça c’est du François-Poncet).
Je proteste qu’on le verra, et on le verra en effet. Son second mot est :
— Mais vous êtes plus compétent que moi.
D’autres personnes viennent lui parler. Je le quitte. Son troisième mot est :
— Je vous ferai voter les crédits au début de la semaine.
Pontremoli cet après-midi me disait :
— Si j’avais eu ce tombeau à faire, je n’aurais pas fait, moi, de sculpture du tout. Un sarcophage nu et gravé dessus "Foch".
— Une seconde édition du tombeau de Napoléon, ai-je répondu. Mais moi, sculpteur, que voulez-vous, je pense en sculpteur.
— Mais, ajoute-t-il, je ne dirai cela à personne.
— Je n’en doute pas.
Hourticq me dit que tout s’est très bien passé. Pas d’objections. Quelques conversations particulières. Mais une atmosphère des plus sympathiques à mon œuvre.
J’ai accompagné Ladislas à la gare de Lyon. Ils partent pour le Brusc et j’ai pris ma place pour mardi soir. Je ne devrais pas partir du tout. Douglas Haig est tellement en retard!
29 [mars 1931]
Rédigé un arrangement de ma note sur le tombeau Foch ad usum Petschi et autres-qui-ne-connaissent-rien-et-parlent-avec-autorité-de-tout, pour l’armer contre ceux qui l’influencent. C’est très délicat à faire.
Promenade avec Bigot à la Défense et porte Maillot, à cause du concours projeté pour la fameuse voie triomphale.
30 [mars 1931]
Visite de Pelletier. Il ne parle que de son inauguration. Je fais allusion à[11] un prochain acompte. Il me demande d’attendre un peu. Nous en sommes bien où je craignais. Des engagements par lui pris de tous côtés pour l’inauguration. Une souscription non couverte. L’obligation où l’on m’a mis de travailler sans souffler… et sans être payé.
Puis à la Fonderie où le bas-relief de Grasse est complet. Je suis tout à fait content. C’est une réussite. Ça aura du succès.
Déjeuner sans grand intérêt chez Bosworth, avec le bijoutier Cartier et un jeune antiquaire anglais.
Visite de M. Humblot. Très emballé par le tombeau Foch. Il me dit le même mot que L[ouis] Barthou :
— Ça, c’est le chef-d’œuvre.
Il est conservateur du musée de Dijon. Il m’y mettra la grande S[ain]te-Geneviève et le Cantique des cantiques dont je lui ai montré l’étude en cours. Emballé.
31 [mars 1931]
À S[ain]t-Mandé. Au lieu de laisser le groupe avant, Taillens me propose de surélever tout le groupe arrière. J’approuve. Tout ce qui haussera le monument sera un avantage. Rentré pour préparer mon départ ce soir et donner toutes instructions à l’atelier. Je trouve une dépêche. Elle est de Ladis[las] et Nadine pour me féliciter… Auraient-ils lu dans un journal que les crédits Foch étaient votés? Je n’ai rien vu. Je suis heureux, s’il s’agit de cette nouvelle, que ce soit Ladis, Lily, Nadine qui me l’annoncent. J’attaque au téléph[one] les B[eau]x-Arts. J’arrive à avoir Isay. Il ne sait pas grand chose. Impossible d’avoir P[aul] Léon. Enfin Verdier auquel je ne pose aucune question me dit que la Chambre a voté les crédits hier et que le Sénat les a sans doute votés ce matin ou les votera demain matin. J’annonce mon départ. Tout va bien. À mon retour je lui téléphonerai et nous mettrons tout au point.
Je ne devrais quand même pas partir. Il y a tant à faire ici. Il faut que je me libère de tout au plus vite pour me consacrer entièrement à Foch et aux fontaines de la porte de S[ain]t-Cloud[12], dont les crédits doivent avoir été aussi votés ces jours-ci. Mais, comment résister à l’appel de là-bas? Lily mérite bien que je fête avec elle cette victoire. Chère, chère Lily.
[1] . Au lieu de : "ranger", raturé.
[2] . Au lieu de : "nouveau", raturé.
[3] Les Fantômes.
[4] . Suivi par : "et une soudaineté", raturé.
[5] . Suivi par : "le membre gauche", raturé.
[6] . Suivi par : "figure antipathique", raturé.
[7] . La première partie du texte est raturée : "En sortant de l'Institut, les samedis, souvent nous nous disons queques uns : "Quel gâtisme, ici. On ergote sur la moindre question, rien n'aboutit." J'avais cette impression tout à l'heure à ce comité central des B[eau]x-A[rts] de l'Exposition coloniale, que présidait H[enry] Bérenger, où je suis seul de l'Institut ou presque; mais où sont aussi Mauclair, Masson, Hautecœur, Marrast, F. Jourdain (l'ennemi de l'Institut), Bernheim (de Villers!). Que de bavardage! Que de temps perdu! Nous nous regardons avec Paul Léon. Ruffe avec son visage de t[...] impassible en carton vernis, revenait indéfiniment sur les même questions, semblant n'entendre aucune objection. Enfin ce fut idiot. Nous sommes à un mois de l'ouverture. Rien n'est encore réglé, et on ne sait même pas encore qui on invitera."
[8] . Suivi par : "Il me disait", raturé.
[9] . Au lieu de : "montrer", raturé.
[10] . Au lieu de : "terriblement", raturé.
[11] . Au lieu de :" Je lui demande", raturé.
[12] Sources de la Seine.