Cahier n°32
2 novembre [1932]
Je n’écris plus guère ici. Complètement pris par l’achèvement de ma notice sur Allard, dont je voudrais faire quelque chose de bien. Assez difficile, car il a manqué beaucoup à cet homme.
Je me sens de nouveau très bien. Je travaille avec entrain. Montaigne, tombeau de Foch, reprise du buste du président Bouisson, la tête de la France, le bouclier, les Fontaines, etc. Tout ça marche.
3 [novembre 1932]
M. Bouisson me confirme que la réception de Herriot à Madrid n’a pas été bien chaude.
Visite d’un M. Alaux, arrière petit-neveu du peintre Alaux qui fut directeur à Rome. Il fait un ouvrage sur la Villa et m’a demandé une photographie de mes Fils de Caïn pour.
5 [novembre 1932]
Pénible opération ce matin. Moulage du masque de S[alomon] Reinach.
C’est bien Maurice Denis le X pour qui a été lancée la circulaire sur la limite d’âge. À peine arrive-t-il à l’Institut, il vient a moi, me prend [à part], me dit :
— Il faut que je vous parle. (Il m’emmène.) Hier soir j’étais au banquet Maillol. M. de Monzie me prend à part me dit : "Il faut que vous acceptiez d’aller à Rome." Je lui objecte les difficultés pour moi, mes nombreux enfants, que je ne suis pas du milieu, etc. Il insiste. Je lui dis : Mais Landowski sera très bien. Il me répond : "Landowski a tort de vouloir ça. Je le lui dirai." Bref, dans son discours voilà qu’il fait allusion au rôle diplomatique que je pourrais jouer là-bas, que j’étais le seul digne d’aller là-bas, etc.
J’étais suffoqué, non pas que je tienne tellement à partir. Mais de ce toupet et de cette hypocrisie. Au premier moment je ne sais jamais trop que répondre. Je lui ai cependant dit :
— Mais si vous ne tenez pas à y aller, vous n’avez qu’à ne pas poser votre candidature…
— Mais vous comprenez, maintenant c’est presque un devoir pour moi d’aller représenter la France.
— En vérité vous croyez que vous représenterez mieux la France que moi ou qu’un autre de nos confrères?
Je me retenais pour n’être pas violent devant cette grossièreté, mélange de cynisme et de vanité. C’est probablement cela qu’il cherchait. Là-dessus est arrivé Paul Léon. Il m’a laissé et a emmené P[aul] Léon pour lui raconter son boniment.
Quant à lui, P[aul] Léon, de Monzie veut absolument le démissionner. Il est vrai que Bollaert veut sa place. Alors on lui fait une vie impossible. Mais il ne veut [pas] se laisser faire.
6 [novembre 1932]
Lu ma notice sur Allard à Marcel et Alice qui l’ont aimée. Il y a encore des choses à retaper. C’est tout de même fini.
Visite de Mme Lécuyer, toujours brillante. Elle a failli perdre sa fille qui, à la campagne, est tombée d’une fenêtre. Elle a le bassin fracturé, mais est hors de danger.
Visite des Hourticq. Il paraît qu’hier, Rabaud lui a dit :
— Vous avez entendu parler de ça, Maurice Denis se présenterait à Rome, avec l’appui officiel du ministre!
7 [novembre 1932]
Et je reprends encore la tête de la France. Il faut que j’en sorte. Je n’arrêterai pas tant que je ne serai pas content[1]. Séance avec le président Bouisson auquel je raconte la conversation de samedi avec M[aurice] Denis. Je trouve fantastique que de Monzie pousse un homme aussi nettement réactionnaire que Denis.
À la commission de Coopération intell[ectuelle]. Je parle de de Monzie à Bouglé. Il me dit que c’est un hanneton.
Les journaux racontent qu’en Espagne, Herriot visitant à Tolède les Greco a dit ce mot historique :
— Toutes les audaces de la peinture moderne sont contenues là.
On voudrait être journaliste, chroniqueur pour relever un mot pareil[2] et en étaler l’absurdité. Dans le Greco, à côté de morceaux magnifiques, il y a des faiblesses, des fautes énormes dont la cause principale fut sa maladie de la vue. Et d’ailleurs la plupart de ces peintres modernes ne connaissent pas le Greco. Leur ressemblance vient de leurs faiblesses. Mais on n’y trouve pas les qualités des bons Greco.
8 [novembre 1932]
Fini mon dessin de la Seine[3]. Je voudrais passer mon temps à dessiner.
Vu Verdier. Inertie. C’est un imbécile. Il ne fait pas un geste pour faire aboutir ces routes de Chalmont.
9 [novembre 1932]
Le président Bouisson. Il a été renseigné sur les dessous du discours[4] de de Monzie posant la candidature Denis ; Denis a fait parler à de Monzie par une de ses élèves, une femme peintre (dont il ne se souvenait pas du nom) et qui est la maîtresse actuelle du ministre. Comme Denis n’osait pas poser nettement sa candidature, il se fait ainsi forcer la main. Bouisson conseille de traîner les choses en longueur, le ministère ne pouvant tenir longtemps.
Au Conseil Supérieur de l’École que présidait Paul Léon, on l’appela au téléphone. C’était pour lui dire qu’à la commission des finances de la Chambre, on avait proposé de supprimer le poste de directeur général des Beaux-Arts.
10 [novembre 1932]
Visite à Lamblin qui me renseigne sur la situation du directeur à Rome.
Bon travail à Foch, dessins fontaines.
Isay le soir me raconte des tas d’histoires. 1. À propos de la souscription de l’État à son livre sur moi, votée à l’unanimité par la commission. Comme Lamblin présentait à Mistler le bordereau à signer :
— Un ouvrage sur Landowski, jamais!
Et il déchira en menus morceaux le bordereau. 2. Herriot aurait dit à Bollaert qu’il ne voulait pas se mêler aux intrigues visant à faire partir Paul Léon pour mettre Bollaert à sa place :
— Arrangez-vous tous les deux. Je vous autorise à lui offrir une ambassade.
On aurait offert à Bollaert un poste très important en province. Il tient aux Beaux-Arts pour faire entrer sa maîtresse à la Comédie-Française. Madame B[ollaert] préfère la province…
À S[ain]t-Mandé la France sort bien. Il ne faut pas que je mette mon monde en retard avec la tête.
12 [novembre 1932]
Pontremoli a rédigé une lettre excellente au ministre à propos de sa circulaire sur la limite d’âge de la présentation du directeur à Rome[5]. Ça ne servira d’ailleurs à rien.
Voilà que Maurice Denis me prend encore à part à propos de Rome. J’essaye de l’éviter[6], cette discussion ne peut que nous mener à nous dire des choses désagréables, ce que je veux éviter. Il insiste. Je finis par lui dire que contrairement à son affirmation, il est le dernier à être désigné pour la Villa parmi nous. Je lui rappelle l’histoire lointaine du Th[éâtre] des Champs-Élysées, lorsque profitant de son influence sur ce Thomas, administrateur, il lui aurait demandé de ne confier la sculpture en tout cas pas à un prix de Rome, ce qui m’empêcha, à mon retour, d’avoir cette commande. Il la fit donner à Bourdelle qui fit les horreurs que l’on sait. Je n’aurais certainement pas rappelé à Denis la partialité mesquine de sa jeunesse, ma conduite au moment de son élection prouve combien je suis sans rancune, s’il n’avait recommencé à se vanter d’être le seul digne de diriger l’Académie de Rome. Il se défendit, m’assura que ce n’était certainement pas exact, etc. Bref on s’est séparés fraîchement.
De là, je tombe sur une petite parlote attardée entre Buland, Laloux, Baschet, Chabas, à propos de la prochaine élection du peintre, remplacement de Pierre Laurens. Albert[7] va se présenter. Je trouve cela un peu choquant. Ces messieurs hésitent entre Albert et G[eorges] Leroux. Pour Rome, Baschet veut faire établir une liste ainsi composée : Sicard, Landowski, Devambez. On ne présenterait pas M[aurice] Denis. Son allure en cette affaire déplaît à tous.
Il paraît que la démission de Paul Léon est obtenue. Bollaert serait nommé à sa place. Et voilà.
14 [novembre 1932]
Comité des 90 au Grand Palais. Toujours l’élection du peintre. Laurens ou Leroux? Est-ce l’attitude de M[aurice] Denis, mais je suis tenté de voter pour Leroux, sans quoi nous serons bientôt en minorité, et le besogne destructive suivrait son cours.
Comme est difficile la mise au point de ce groupe des dix figures du tombeau Foch. Il serait dangereux de commencer la grande exécution avant que tout soit précisé. Je ne pourrai pas exécuter d’un seul morceau, mais par fragments. D’où nécessité d’une maquette très arrêtée.
15 [novembre 1932]
Visite de M. de Courseulles avec le directeur des mines M. Chavanne pour ce buste de l’ingénieur Wouters. Bien difficile buste. Ce ne sera pas une de mes bonnes choses…
Bonne matinée au tombeau. Après-midi joie du dessin. Une des sources de dos pour les fontaines de la porte S[ain]t-Cloud d’après la gentille M. C[ombet]. A[lbert] Besnard m’a adressé un fort beau modèle.
Chez Pontremoli avec A[ndré] Bloch, pour lui offrir la participation de Rome-Athènes à l’exposition des envois de Rome à Paris. Bonne idée de donner plus de lustre et meilleure présentation aux travaux de nos pensionnaires. Pontremoli, un des promoteurs de cette idée, naturellement très content de notre offre.
Rendu visite à Widor, pour rendre officielle ma candidature à Rome. Me dit qu’elle est fort bien accueillie. Me parle de Sicard, qu’on ne semble guère désirer. Me parle aussi de Besnard qui serait dans une situation très gênée, demande à être logé à l’Institut, n’ayant plus les moyens de conserver son hôtel de la rue Guillaume-Tell. On sent percer une grande rancune contre Paul Léon d’avoir exécuté dès le lendemain de la mort de Doumer le décret qu’on semblait d’accord de laisser en suspens en ce qui concernait Besnard. Mais Pontremoli poussait silencieusement.
16 [novembre 1932]
Déjeuner chez les Dezarrois, avec les Hourticq, Rateau, les Mauclair. Mauclair, au courant des intrigues de M[aurice] Denis ne cache pas le peu d’estime qu’il a pour le caractère du bonhomme.
Buste de Mme Meunier. Vient mal. Très difficile. Buste qui ne peut être réussi que dans le calme travail, ce qui n’est pas mon cas en ce moment.
Le pauvre Pommier vient en fin de journée me raconter ses ennuis avec les ingénieurs de la Ville qui veulent accaparer toute la partie technique de l’exécution des fontaines[8].
17 [novembre 1932]
Nouvel essai d’une figure de la France, à l’arrière du groupe, levant une couronne au-dessus du front de Foch. Ne restera sans doute pas. Éviter de mêler le genre allégorique et le réalisme du reste.
Dessin de la source de droite. Visite impromptue du docteur Armaingaud, content de son Montaigne.
18 [novembre 1932]
J’espère que mes architectes entêtés écouteront les conseils de Madeline pour le couronnement de nos fontaines. Ils sont enragés à revenir à des vasques banales, alors que ce couronnement ne doit être qu’un motif ouvragé à suintement d’eau, jeux légers de sources et de lumière. Madeline a été tout à fait de mon avis. Mais il y a des audaces que seule l’expérience conseille, et que les jeunes gens ne peuvent pas avoir. Ce qu’ils prennent pour de l’audace n’est souvent qu’une imitation exagérée.
Déjeuner chez Mme Bour. Pontremoli nous dit savoir que la réponse du ministre à la lettre sur la limite d’âge ne maintiendra pas le point de vue officiel et demandera seulement l’établissement rapide d’une liste de présentation. É[mile] Borel nous dit que la situation ministérielle est beaucoup plus solide qu’on ne croit. À son avis, aucune possibilité de chute. P[aul] Léon parle sans amertume de sa situation. On lui a offert le poste de commissaire à la commission du Danube. Il s’est informé et c’est un poste qu’on n’a pas le droit de lui donner. Dix-huit ministres plénipotentiaires le postulent, munis des titres nécessaires; si on le nommait, dix-huit recours seraient aussitôt déposés devant le Conseil d’État, et notre ami ne serait plus directeur des B[eau]x-A[rts] et ne pourrait être commissaire du Danube. Pour le moment la chose est donc en suspens. Il semble devoir rester. Mais s’occupe cependant, sur le conseil de L[ouis] Hourticq, d’une possibilité de chaire au Collège de France, solution qui semble lui plaire. Il parait que de Monzie lui aurait dit que ce n’était pas mon intérêt d’aller à la villa Médicis. Qu’il me le dirait lui-même.
Visite de G[uirand] de Scévola, inquiet du classement de demain. Je le suis aussi pour lui. C’est peut-être du lot, celui qui a le plus de talent. Il y a une grande hostilité contre lui.
19 [novembre 1932]
Classement des peintres. 1. Laurens; 2. Leroux. Guirand n’est pas classé! C’est absurde. Chabas me dit que j’ai tort de ne pas faire campagne pour Laurens. Certains disent que c’est parce que je crains qu’il ne vote pas pour moi à Rome. C’est parce que l’Institut ayant charge de L’Académie de France, il faut conserver une majorité d’anciens prix, au courant de ce que c’est. L’affaire de Rome est pour ainsi dire réglée. C’est plus que probablement moi qui irai. Je me demande si de Monzie n’a pas raison, si je ne vais pas faire une bêtise. Plus moyen de reculer. J’en parlais à Pontremoli, tout à l’heure, allant avec lui à l’Académie, lui disant surtout l’inquiétude de Lily. Il m’a répondu que c’était impossible maintenant de faire machine arrière, ça serait trop grave, etc.
20 [novembre 1932]
Notice d’Allard achevée. Je la crois bien écrite, avec des idées justes et un tableau clair et sans littérature du mouvement de la sculpture à la fin du XIXe (sans parti pris non plus).
21 [novembre 1932]
Bonne matinée au tombeau de Foch.
Après-midi : 1. Déjeuner à l’Élysée, déjeuner des prix de Rome. Après le déjeuner, conversation avec Mistler. Il me demande si à l’Institut nous n’allons pas bientôt établir notre liste. Je lui dis que ce sera certainement fait prochainement, mais laisse entendre qu’on est un peu choqué d’être ainsi bousculé. Il me répond que c’est la note que Sicard a fait paraître, annonçant sa nomination, qui a provoqué sa note à lui qui ne veut pas se laisser forcer la main. Il ajoute d’ailleurs savoir que son point de vue est discutable, mais ne veut pas qu’on lui soumette une liste à la blague avec des deuxième et troisième lignes de plus de 80 ans. Puis intéressante conversation sur la littérature et le théâtre, dont la politique l’empêche de plus en plus de s’occuper.
Pendant tout le déjeuner je voyais de Monzie parler activement à Widor qui l’écoutait avec déférence. Après le déjeuner il l’emmène à part, évidemment lui demandant d’user de son influence en faveur de la candidature Denis. Je voyais Widor opiner d’un air pénétré, comme s’il s’agissait d’un très important secret d’État. J’avais essayé à plusieurs reprises de m’approcher de de Monzie pour qu’il me dise, ainsi qu’il l’avait annoncé, les raisons qu’il avait de me préférer Denis. La conversation fut impossible à accrocher.
2. Coopération intellectuelle, présidence de Jouvenel alternant avec re-de Monzie qui présidait rue de Montpensier une autre réunion.
Été voir les décorations de Martin Ferrière à l’église Saint-Christophe. C’est très bien. de réelles et belles qualités malgré bien des faiblesses techniques de dessin. Je maintiens que l’École est nécessaire. C’est ce qui manque à tous ces jeunes gens. Ce n’est pas vrai qu’on fait des études en faisant des tableaux. Il faut d’abord faire des études pour des études.
22 [novembre 1932]
Journée tranquille de bon travail, tombeau de Foch, courte séance au buste du président Bouisson, dessin pour les fontaines.
Visite de Jouhaux qui venait voir l’esquisse du monument Thomas. Gaillard solide, du bon sens. Son point de vue m’a intéressé, d’autant plus qu’il a compris mon projet mais a insisté pour que soit indiqué le caractère international de l’action d’A[lbert] Thomas.
25 [novembre 1932]
Bonnes journées à Montaigne, tombeau F[och], les dessins des fontaines[9].
Visite du bureau du B. I. T. pour la maquette du m[onumen]t Thomas. Satisfaction générale.
Ouverture de l’exposition des envois de Rome. Sculpture bien faible. Un bas-relief sans aucun souffle du petit Bizette, parti à Rome trop tôt, et un autre bas-relief de Joffre qui avait demandé une année supplémentaire. Garçon doué mais perdu par la littérature de l’entourage de son patron (Jean Boucher). Chez les peintres, le jeune Y[ves] Brayer montre un réel talent, fécondité, esprit d’observation, mais aussi avec une grave faiblesse de technique. Ce sont de grandes et brillantes esquisses. Aussi cela est-il vite vu et n’a-t-on pas le désir de rester devant longtemps. Aux architectes deux très étonnants dessins d’un jeune nommé Carlier, et une immense tartine sur Téhéran d’un élève de Pontremoli, relevé de géomètre, beaucoup de papier et des photographies. Ce garçon quitte Rome. Je n’en suis pas fâché, car il paraît bien prétentieux.
Dîner présidé par Hourticq, dit dîner "des Arts de la pierre", histoire financée par Fèvre et ses confrères. Lutte de la pierre contre le ciment. Il s’agit de déclencher une campagne. Pour y arriver il faudrait payer d’autres gens que des restaurateurs. Après le dîner Escholier me prend à part :
— Je sais que vous êtes candidat à Rome, me dit-il. Y tenez-vous beaucoup?
— Si je n’y tenais pas, je ne serais pas candidat.
— Ah bien. Alors je ne bougerai pas. Un de mes amis m’avait demandé de le pistonner auprès de de Monzie.
— Maurice Denis?
— Oui, Maurice Denis.
Voilà ce que ce confrère appelle se faire forcer la main par le ministre.
26 [novembre 1932]
Séance de commission pour la limite d’âge des concours de Rome, sur la demande des architectes, qui voudraient la reporter à 30 ans. Sans doute cela vaudrait-il mieux pour le niveau général des concours. Mais cela rendra plus difficile de revenir[10] sur l’autorisation du mariage des pensionnaires. Car c’est la grande difficulté de Rome. Tout l’esprit de l’institution est changé par cette autorisation.
Mais la séance de l’Académie fut aujourd’hui sensationnelle et ridicule.
On procéda d’abord à l’élection du peintre. G[eorges] Leroux passe enfin. Il en était à sa neuvième ou dixième campagne. Il n’en a pas beaucoup plus d’originalité. Mais c’est un caractère droit et ce qu’il fait est solide. Il sait son affaire. Laurens, plus incertain, plus fluide, passera la fois prochaine.
Mais voilà qu’après l’élection, Widor demande à faire une communication. Pour être sûr de bien dire ce qu’il voulait, il l’a écrite, sa communication. Et ce n’est rien moins que l’annonce du désir du ministre de voir nommé Denis à Rome.
— J’ai vu à plusieurs reprises le ministre, ces jours derniers, nous lit en substance Widor. Il m’a bien prié d’attirer l’attention de l’Académie sur l’importance de son choix pour la direction de l’Académie de France à Rome. Nous ne devons pas oublier que c’est une sorte d’ambassadeur non seulement auprès du Quirinal mais aussi auprès du Vatican…
La lecture de cette note fut accueillie avec un véritable sursaut.
— Candidature officielle, dit quelqu’un.
— Super ambassadeur, dit un autre.
Tout le monde se regardait. Moi, je regardais Denis dont j’admirais la placidité apparente. Là-dessus, voilà que Simon, président, croyant calmer les esprits, prend la parole et dit à peu près textuellement ceci :
— Il n’y a vraiment pas de quoi s’émouvoir ainsi, Messieurs. Le ministre a sans doute voulu vous indiquer qu’une candidature lui était particulièrement chère…
Alors ce fut un charmant tohu-bohu. La séance fut levée. En s’en allant Denis me dit :
— Je n’y suis pour rien. On me tue avec des histoires comme ça.
Hourticq me rend ma notice sur Allard qu’il trouve bien et à laquelle il me conseille d’apporter certaines corrections.
27 [novembre 1932]
Le petit Sem, tout petit, avec sa petite tête de jockey tocqué ou de singe vicieux, l’ironique Sem , vient me voir avec la charmante Madame Bour. Il voudrait savoir s’il peut poser sa candidature à l’Académie. Je lui conseille de s’assurer d’abord de l’appui agissant d’un certain nombre de peintres. Je le trouve très sympathique.
29 [novembre 1932]
Aujourd’hui Mistler est venu visiter l’exposition des envois de Rome. Je regrettais qu’elle fût assez médiocre. On avait exposé en même temps les concours de l’année. Voilà qu’à propos de celui des architectes, il s’est mis à donner des conseils à tous ces vieux patrons.
— Voilà ce que vous devriez faire. Voilà les sujets qu’il faudrait donner.
Vraiment amusants ces jeunes gens par leur vanité et leur naïveté tout à la fois, s’imaginant qu’on n’a pensé à rien avant eux.
[1] . Suivi par : "Travaillé", raturé.
[2] . Suivi par : "l'étudier", raturé.
[3] Sources de la Seine.
[4] . Au lieu de : "sur le geste", raturé.
[5] . Suivi par : "Il l'a lue sans dissimuler sa satisfaction de lui-même", raturé.
[6] . Au lieu de : "Je lui dis non", raturé.
[7] . Albert Laurens.
[8] Sources de la Seine.
[9] Sources de la Seine.
[10] . Suivi par : "sur la limite d'", raturé.