1 décembre [1955]
Edgar Faure, finalement, dissout l'Assemblée. Il a ce qu'il voulait. La même loi électorale stupide. Il aura une Assemblée analogue à celle qu'il disperse. Avec, probablement, des communistes en plus. Il a voulu être trop malin. Depuis trois mois il a bouleversé tout pour arriver à rien. Drôle de réussite!
Mais très bonne journée au Trocadéro[1]. Bien que je ne sois pas emballé, car il n'y a pas de trouvaille, comme au monument d'Alger[2], comme aux Fantômes. Je crois que ce sera un bon morceau de sculpture. Le spectacle dans la baraque est bien. Nous sommes cinq, alignés, à taper dans le caillou, avec comme fond musical, le roulement des autos qui fait penser au bruit des vagues. J'ai un ouvrier de 75 ans, un vieux carrarais. Un autre de soixante-dix ans, un piémontais. Un jeune breton de 40 ans. Et puis Juge, le chef de l'équipe, cinquante ans et moi qui ai 80 et demi! J'ai travaillé sans fatigue aujourd'hui, aussi longtemps qu'eux tous. Et ils ne lèvent pas le nez. C'est un travail physiquement grisant. Même le vieux de Seravezza qui ne fait qu'abattre de la matière, me le disait, comme je lui en parlais. Il n'a plus de dents. Dans la pénombre du jour finissant, à moitié déshabillé, il s'était assis et chantait pour son copain. De temps en temps les maçons viennent nous voir, un litre à la main. Ceux-là, par exemple, lèvent souvent le nez et aussi le coude, dans la petite baraque de l'entreprise Miège.
2 décembre [1955]
Visite au chantier de Maurice Genevoix et Roland Dorgelès. Visite organisée par Jacques Meyer. Il avait aussi convoqué Dr Gardinier. Bien que beaucoup de parties ne soient qu'ébauchées et que cinq têtes manquent, ils ont eu bonne impression, causée par la masse sculpturale. Certains morceaux sont bons en tant que morceaux de sculpture. La jambe gauche du grenadier et la façon dont est traitée la culotte. Avec tout on peut faire de la sculpture. Et je crois réussir cette sorte de gageure avec ces costumes militaires tellement galvaudés. C'est une rude partie.
Mais tout le monde est bien agité et inquiet du jeu d'Edg[ar] Faure. Cette dissolution brusquée de la Chambre, c'est une aventure.
4 décembre [1955]
À la Société des concerts, le concerto pour ondes Martenot de Marcel[3]. C'est bien. Mais il ne devrait pas appeler cette pièce "concerto". Les ondes Martenot ne constituent pas un instrument de soliste. Instrument d'orchestre dont il a su livrer des accents déchirants. Fait penser aux bruits de la mer, à des sanglots humains hurlés dans les abîmes.
5 décembre [1955]
À la Société des Artistes français, tous les peintres et sculpteurs de l'Académie ont été unanimes, lors d'une petite réunion en petit comité, pour ne pas vouloir accepter le vote aux sections professionnelles des membres libres.
6 décembre [1955]
Rendez-vous avec Bosworth dans l'atelier d'Haseltyne. Il est malade, se soigne dans la région de Pau (crise cardiaque). Il vient de terminer le modèle d'une statue équestre de Washington. Excellente statue.
7 décembre [1955]
Classement des candidats à la succession de l'amiral Lacaze. Naturellement Jaujard classé à l'unanimité en première ligne. Ce sera l'élection de la courtisanerie. On nous annonce la candidature prochaine de Walter, richissime. Les bruits les plus singuliers courent sur sa personne. Sarraut le pousse beaucoup. Mais cet après-midi, Javal n'a pas même été classé, je trouve ça peu élégant.
P.V. de la Commission du règlement - Le Lutrin
3ème séance du Lutrin. Après la séance, Commission du règlement. Hautecœur nous a lu des règlements nouveaux, un entre autres, où tout est chamboulé, où les peintres sont ramenés à dix au lieu de quatorze (Paul Léon prétend qu'il est impossible de trouver quatorze peintres!). C'est lui d'ailleurs qui mène toute cette affaire. 81 ans. Ayant tout eu, il veut encore dominer les sections professionnelles. Après s'être fait fort adroitement nommer conservateur à Chantilly, alors que c'est un artiste qui aurait du être désigné. Quand le duc d'Aumale a désigné trois conservateurs, un pour l'Académie française, un pour l'Académie des inscriptions, un pour l'Académie des b[eau]x-arts, c'était d'un artiste qu'il s'agissait dans son esprit. Ce serait même à vérifier sur le testament. Autrement ces sacrés membres libres se glissent et s'emparent de tout. Les artistes, de pauvres types.
Mais pour en revenir aux projets de Réforme du règlement, c'est un peu une histoire de fous. La façon de faire des deux compères, Hautecœur et Paul Léon, est assez habile. Ça va être une belle pagaïe si la question est posée comme ils voudraient. Je lui en veux à Paul Léon de son ambition insatiable et de créer une situation qui va tout embrouiller. C'est lâche, parce qu'ils comptent sur la lâcheté et les ambitions de ceux des artistes qui espèrent des grades dans la Légion d'honneur, entre autres, pour quoi Paul Léon ne manque pas d'influence. (L'attitude de Formigé). Nous sommes en pleine mesquinerie. Mais je voudrais laisser à nos successeurs artistes la même situation dans l'Académie que nous avons trouvée en y entrant.
7 décembre suite
Büsser présidait. Formigé est absent, c'est un prudent. Nous étions peu nombreux.
Hautecœur lit quatre projets : 1. le statu quo; 2. le vote total des membres libres, sans changer le chiffre des sections; 3. chambardement du nombre des membres des sections, par lequel les snobs deviendraient une section votante de 8 membres; 4. sans changer le nombre actuel, élection pour les membres libres de trois des leurs qui participeraient aux élections.
La Commission ne discute à fond aucun des projets. Le rôle d'opposant est pénible, déplaisant, gênant. J'ai eu le tort de ne pas dire immédiatement et fortement combien je trouve absurde cette proposition de changer le nombre des membres des sections. Mes confrères, qui pensent comme moi, ne disent rien. Si jamais l'Académie se ralliait à semblable projet et s'il était soumis au gouvernement, qui sait les transformations que subirait l'Académie. En tout cas, il me parait impossible que les sections ne soient pas consultées, séparément chacune, sur l'opportunité de ces fantaisies. La seule décision prise est de demander à H[autecoeur] de mettre noir sur blanc les propositions faites.
8 décembre [1955]
Enterrement du pauvre Georges Thomé. J'ai rencontré Baudry. Il me raconte que ce n'est pas la mort de sa femme qui a précipité la sienne, mais la connaissance du testament. Sa femme avait toute la fortune. Lui, presque rien. Or elle ne lui laissait absolument rien. Il s'est vu obligé de quitter son appartement, de changer son train de vie, etc. Total : infarctus du myocarde. Récidive d'un accident de ce genre survenu il y a quelques années. Si vraie, navrante histoire. Vengeance posthume d'une femme qui avait été beaucoup trompée.
L'architecte en chef Fournier vient au chantier. Il est de mon avis pour la corniche. Les deux compères Tabon et Derudder sont priés d'étudier autre chose. Je conseille de supprimer complètement cette inutilité! La fameuse goutte d'eau, la bonne blague!
9 décembre [1955]
À déjeuner le docteur Dufour-Mantel et sa fort belle femme. C'est un couple très amoureux. La femme est beaucoup plus jeune. En pleine puissance. Lui, comme il arrive souvent, me parait vieillir très rapidement. Avec eux le ménage de Montfort. Il a été longtemps secrétaire général de l'Institut. Il n'a pas beaucoup d'estime pour les membres libres. Question de vanité et d'argent, me dit-il.
Fin de journée, au musée Galliéra où Chamson a organisé une exposition d'un très petit groupe d'artistes, sous le titre "Art et Poésie". Parmi les exposants, il y a Picart-Ledoux avec d'affreuses tapisseries et Leygues avec des sculptures en tôle, bien mauvaises. Ce garçon cherche essentiellement à trouver un moyen de se faire remarquer. Comme s'il y en avait un autre que de faire de la bonne sculpture. C'est assez difficile, avec les moyens de tout le monde. Il y a là un cheval, grandeur nature, qui est effarant, où même le côté artisanal n'est pas savant. On a fait au Moyen Âge des œuvres en métal martelé. Elles nous touchent souvent par la perfection du métier, la façon dont les pièces sont jointes. Dommage, Leygues avait du talent. Mais la nature morale n'est pas belle.
Par contre, Yves Brayer et Chapelain-Midy ont tous deux des envois excellents, surtout Yves Brayer, plus rare. Ch[apelain]-Midy expose un grand nu, grandeur nature, qui n'est pas d'un vrai maître. Le paysage, la nature morte, c'est plus facile. Rencontré Maximilien Gautier, aperçu le gros Warnod, à allure de grand maître. Je bavarde un moment avec Maurice Genevoix. Combien cet homme est sympathique. On le sent comme rongé par une flamme intérieure.
10 décembre [1955]
Déjeuner chez Ernest Gouin. Homme bien séduisant. Un peu précieux. Mais plein de goût. J'étais à table à côté de la femme du général Monroe. Elle me dit avoir été liée avec Abel Bonnard. Elle avait rompu avec lui quand il prit le ministère sous Pétain. Il paraît qu'il vit petitement à Madrid. Très bien reçu. Gagne sa vie en donnant des leçons.
12 décembre [1955]
Le monument[4] avance bien. Il y faisait froid ce matin. Je suis préoccupé par le motif central du bouclier. Il faut que je trouve autre chose que ce motif banal d'une sorte de s[ain]t Georges tuant le dragon. Il faut que j'arrive à trouver une composition où figureraient Charles Martel, Jeanne d'Arc et Lazare Carnot. Ainsi les soldats de 1914-1918 seraient reliés aux autres grands mouvements de libération. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, à la France qui a toujours donné l'exemple de l'amour, de l'indépendance et de la liberté, de refuser l'indépendance aux pays qu'elle a jusqu'à ces jours gouvernés. Mais la France peut répondre, en ce qui concerne l'Afrique du nord, qu'elle a toujours respecté le langage, les mœurs, les religions de ces pays. Ce respect même a fait qu'il n'y a pas eu interpénétration suffisante. Sans ces absurdes et monstrueuses guerres 1914-1918 et 1939-1944, avec le temps ces interpénétrations se seraient peut-être faites. Terrible problème. Un monument sur une place publique ne le résout pas. Mais elle le pose.
13 décembre [1955]
Au Cercle Interallié, déjeuner offert par les Américains de Paris à G[eorges] Salles et au duc de Brissac, à Guérin, conservateur du musée des Arts décoratifs. Georges Salles nous raconte une aventure qui lui est arrivée tout récemment. Il était dans le bureau de postes de la rue des S[ain]ts-Pères. Il y voit une jeune femme qui errait d'un guichet à l'autre, désemparée, qu'il reconnaît pour une étrangère. Il s'adresse à elle en anglais, elle était américaine et lui dit qu'elle n'arrivait pas à se faire indiquer le chemin pour aller au Louvre. Elle est en voyage pour Londres mais a voulu passer une journée à Paris pour voir deux choses : le Louvre et la tour Eiffel.
— Vous ne pouvez pas mieux tomber, lui dit-il. Je me présente à vous. Je suis le directeur des Musées nationaux et, comme petit-fils de l'ingénieur Eiffel, un peu propriétaire de la tour Eiffel.
Il ne nous a pas dit ensuite comment s'est terminée la conversation.
14 décembre [1955]
Jaujard a été élu à une majorité énorme. Je l'aime bien, Jaujard. Il s'est un peu beaucoup laissé déborder par la coterie Cassou, Dorival, Rey, etc., mais c'est un chic type qui fait de son mieux. Nous avons été à la direction générale où le champagne a coulé à flots et les petits fours gloutonnement avalés.
— Et puis, on est nourri, comme disait Forain.
15 décembre [1955]
Les architectes, Tabon et Derudder me disent qu'ils ont fait une nouvelle étude, la corniche très réduite. Nous sommes pas mal gênés en ce moment par les maçons qui préparent la pose des plaques de Chauvigny du mur.
Mon impression du monument est bonne. L'arrangement des masses de poussière et de fumée commence à donner un bon effet d'unité : dire que c'est moi qui sculpte des éléments aussi peu sculpturaux en soi! Il faut les rendre sculpturaux et je crois que j'y arrive. N'empêche que ce monument est un drame pour moi. Car je sculpte, je crois en tirer le maximum, mais en même temps je vois tout autre chose. Une armée passant le long du mur, tous les personnages de profil, comme une sorte de vision. En monumentale, la Revue nocturne de Charlet. Et seule, au centre, en ronde-bosse, la France. Celle actuelle, au fond, n'y est pas.
17 décembre [1955]
Nous n'étions que deux ce matin au chantier et l'après-midi Juge et moi. Ce soir mon impression était bonne. Il faut trouver quelque chose de bien pour le bouclier. Je mijote autour de Jeanne d'Arc et des soldats de Charles Martel et des soldats de l'an II.
18 décembre [1955]
Fini la lecture d'un livre remarquable, qui a eu le prix Goncourt. L'auteur est un juif russe, Roger Ikor. C'est l'aventure d'une famille juive russe qui fuit les pogroms et se répand à travers le monde. Ouvrage passionnant parce que très vrai. Titre : La greffe du printemps. C'est une étude dans le genre de cette de Pearl Buck sur l'évolution de la Chine ancienne en Chine démocratique. Dans La Greffe du printemps, c'est l'évolution de la mentalité israélite en mentalité occidentale. Les personnages sont étonnamment campés, analysés. Le roman ainsi compris est de premier ordre. De la lignée de Zola. Ce qui n'est pas un mince éloge.
Et cependant qu'on travaille, qu'on lit, autour de nous la France bouillonne. Je crois que Faure a eu tort de laisser faire ces élections avec une loi électorale faussée dont on a essayé de corriger l'erreur par le système des apparentements. Et pourquoi les apparentements ne jouent-ils pas pour Paris et la Seine?
20 décembre [1955]
Hier soir, cherché Lily[5] à son CLAFT. On était très agité. Bicoze [6] : les élections! Il parait que le nombre des candidats est considérable. Dans certains endroits il y a jusqu'à seize listes. On craint que les listes poujadistes ne compliquent la situation et favorisent indirectement le PC. Les poujadistes sont des ersatz des doriotistes, néo-fascistes, parti composé de BOF, de tous les intermédiaires, les gens qui vivent en trafiquant sur les marchandises.
Journée au Trocadéro[7]. Le jeune homme mourant. Impression générale bonne. Mais pas enthousiasmé. Ce qu'il aurait fallu faire là, c'est une sorte de Revue nocturne. C'est mon drame intérieur. Ce ne sera pas ce que j'aurais pu faire! Le bon parti trouvé trop tard. Je ne me laisse quand même pas aller au découragement. Je travaille avec entrain quand même. Car, quand même, ce sera un morceau de sculpture. Même sans être satisfait entièrement, le travail de la pierre est grisant. Je pensais qu'il y a cent vingt ans, à 500 mètres de là, Rude sculptait son Chant du départ. Mais il avait une quarantaine d'années. J'en ai le double! Je crois qu'à la fin de ce mois toute la partie basse sera achevée… et bien, sans négligence. J'ai rallongé les jambes de trois figures dans la pièce. C'était risqué. Mais j'ai bien fait. Tous mes gaillards ont l'échelle.
Mme Neuzillet venue déjeuner. Nous raconte des histoires tordantes de ménage à trois. Entre autres, celle d'une vieille dame de soixante ans passé, mariée à un vieux mari de quatre-vingt ans. S'est amourachée d'un gigolo de cinquante ans. Pour lui a divorcé, l'a épousé mais n'a pas voulu abandonner son vieux ex-mari. Alors on vit à trois, l'ancien mari étant choyé, bien soigné. Il y aurait un acte tordant à faire avec ce trio. Il parait que l'impressionnant M. L., le grand manitou du Printemps, a comme maîtresse une princesse Radziwill, qui a d'ailleurs épousé un prince Radziwill étant déjà la maîtresse de L. Avec sa femme L. avait eu une fille "demeurée" comme on dit. Avec la Radziwill il a eu un beau garçon. Mais le plus comique est que L. est un antisémite féroce. Et la princesse R[adziwill] est juive. Je ne me souviens plus de la troisième adultérine histoire. Autour d'un personnage connu.
Mon pharmacien, qui vient d'Alger, me dit que la situation est très angoissante à Alger même. On ne sort plus de chez soi le soir. Des grenades sont épisodiquement lancées dans les cinémas. Comment reprendre en mains pareille situation?
Dans les grands magasins on arrête, parait-il, quelques voleurs de marque. Cette année il y en a eu quatre. C'était : un dominicain, le curé d'une église du quartier de la Villette, le commandant de la gendarmerie de l'Élysée!… Je ne me souviens pas du quatrième. À ces gens-là, on se contente de faire signer une déclaration par laquelle ils reconnaissent avoir été pris en flagrant délit de vol.
21 déc[embre] 1955
À l'Académie règne aussi l'agitation réformiste. On envisage d'exiger, avant de recevoir en séance les nouveaux élus, la lecture de la notice du prédécesseur. C'est vrai que beaucoup ne font pas cette notice. Pour nos étrennes, nous allons avoir Büsser comme président et Untersteller comme vice-président! Un menteur et un voyou [8]
24 [décembre 1955]
Visite d'une dame Dick qui veut créer un groupement des artistes du Bénélux. Elle me demande de le présider. Une corvée que j'accepte sur la promesse que je n'aurai rien à faire.
25 décembre [1955]
Alain Bomier me téléphone ses pronostics pour les élections. Étant acquis que beaucoup d'apparentements ne se font plus, il annonce environ 140 comm[unistes] au lieu de 100 actuellement, une quarantaine de poujadistes. Socialistes et radicaux Mendès-France, entre 90 et 100.
Trouvé pour Lily[9] une citation de Paul Valéry, citation par Benda dans son livre excellent: le Byzantinisme français. Voici la perle valérienne : "La Raison veut que le poète préfère la rime à la raison".
28 décembre [1955]
Hier, la cérémonie du Volney en l'honneur du baron Taylor et de Rude. Paul Léon a fait une éblouissante conférence sur le baron Taylor. Bien dit. Moi, j'ai fait Rude comme homme, comme citoyen, comme bienfaiteur, comme professeur. Un arrangement de ma conférence de Bruxelles. Je l'ai lue un peu vite. Mais je crois que ça a porté sur ceux qui pensent comme moi. Jaujard était présent et avait, parait-il, l'air très intéressé. Il y avait aussi Hautecœur, qui est en train de reprendre toute sa morgue.
Passé l'après-midi à retoucher la terre cuite de Léda[10] pour Madame Schn[eider]. Je n'aime pas la terre cuite.
Marcel, Françoise, Jacqueline, Jean-Pierre et Martine[11] ont été à la conférence de la porte de Versailles, contradiction entre Mendès-France et J[acques] Duclos. La salle était faite pour 4 000 personnes. Il y en avait au moins le double. Ce fut une cohue sans nom. Foule houleuse où les communistes empêchaient les contradicteurs de parler. Aucune déduction à tirer d'un pareil tohu-bohu. Je crois qu'Edg[ar] Faure a joué l'arrivée d'une majorité peu forte, mais stable, centre sans aile extrême droite.
29 décembre [1955]
Après un courrier assez chargé, entre autres lettre à l'Égypte, travaillé tout l'après-midi au Trocadéro[12]. On a remonté l'échafaudage et me voici sur le groupe Piéta. Sur l'échafaudage élastique, avec les trois autres travaillant autour de moi, rien de plus grisant. Mais quand même, comme je me sens gourd. Je monte difficilement, non, plutôt lentement à l'échelle. On n'est plus souple. Mais vraiment les deltoïdes sont encore bons et les jambes ne me refusent pas leur concours.
31 décembre [1955]
Donc me voici affublé de quatre-vingt ans et six mois! Est-ce un signe de vieillissement? J'ai de moins en moins envie de continuer ce journal. C'est la pleine jeunesse seule qui est intéressante. Faisant cependant mon examen de conscience, je peux dire comme les autres années, que je n'ai fait volontairement de mal à personne. Peut-être même suis-je trop indulgent à ceux qui ont cherché et cherchent à me nuire. Mais c'est si fatigant d'en vouloir aux gens. Il y en a tant qui vous déçoivent qu'on n'en finirait pas. Ainsi, voilà un Paul Léon qui poursuit tenacement son but de mettre les artistes sous le boisseau des amateurs, écrivains, anciens fonctionnaires. Il devient très déplaisant avec ses airs de détachement. La façon dont il s'est fait nommer à Chantilly est un chef d'œuvre d'intrigue. On comprend après.
[1] A la Gloire des armées françaises.
[2] Le Pavois.
[3] Marcel Landowski.
[4] A la Gloire des armées françaises.
[5] Amélie Landowski.
[6]. Sic.
[7] A la Gloire des armées françaises.
[8] Ajouté a posteriori, d'une encre différente.
[9] Amélie Landowski.
[10] Fauré, monument variante.
[11] Marcel Landowski, Françoise Landowski-Caillet, Jacqueline Pottier-Landowski, Jean-Pierre Jérôme, Martine Chabannes-Tran.
[12] A la Gloire des armées françaises.