Novembre-1955

1 novembre [1955]

Visite Renimel pour me demander des pièces pour leur Salon dit de l'École française. Je donnerai Michel-Ange et le petit Pugiliste de 1 m.

Relu Delacroix : ses articles de la Revue de Paris. Pensait absolument comme je pense des critiques d'art. D'un côté comme de l'autre, ce sont toujours des conformistes.

On me téléphone du palais d'Orsay. Un M. Ali, de passage à Paris désire d'urgence me voir. Rendez-vous pris pour demain soir. Égypte.

Mise au point de la communication sur Rude. Je crains d'avoir été trop long. Nous verrons ça demain.

2 nov[embre 1955]

Enregistrement de ma communication sur Rude. Je suis en effet trop long de trois minutes. Ils arrangeront ça, me disent les employés présents, parmi lesquels un joli nègre.

Chez Dr Kurtz qui m'enlève encore une dent.

De là, chez Lagriffoul que je vais voir avant le rendez-vous du quai d'Orsay. Il est comme moi. La perspective du voyage en Égypte lui plaît, mais pas celle de l'exécution d'un monument qui ne sera pas intéressant. Mais il ne répugne pas à risquer la chose. Le tout sera de s'entendre sur les limites de temps.

Quai d'Orsay. Je me trouve là en présence d'un pharaon et du scribe accroupi. L'un de mes interlocuteurs est magnifique, grande tête sculpturale de granit. Il ne lui manque que la double couronne de la Haute et Basse Égypte, d'avoir l'uréus sur le front et la croix ansée à la main. Il était accompagné d'un personnage gras, tête rasée, tout à fait le scribe accroupi du Louvre. Le pharaon s'appelle Hafez Ali et est pendant son passage sur cette terre "B. Sc. Arch. B.A. (Huns)" et "C.P.A.M.T.P.L." (tout ça inscrit sur sa carte). Le scribe accroupi s'appelle H.A.F. Elaskary "B. Sc. Arch.". Tous deux tout à fait aimables. Mais ni l'un, ni l'autre ne parlent le français. Heureusement que j'avais demandé à Lily de m'accompagner comme interprète. J'ai expliqué l'impossibilité pour moi, comme pour Lagriffoul, de nous mettre immédiatement au travail. D'accord. Ils insistent pour que je donne une esquisse avant la fin de l'année. J'ai la faiblesse d'accepter. Le point de vue financier n'a pas été abordé. Sur une question de moi, on m'a répondu que ce que je déciderai est accepté d'avance.

3 novembre [1955]

Ma communication sur Rude passée ce matin. Au bout de 7 minutes on a coupé. Ce n'est pas ça que j'aurais dû faire. J'aurais dû raconter de manière vivante sa vie. Ce n'était pas là le lieu d'amorcer une critique d'esthétique.

Au Trocadéro, puis je vais au cimetière Montparnasse pour la cérémonie à la mémoire de Rude, organisée par le Syndicat des sculpteurs professionnels. Après un discours de Sarrabezolles, un du directeur de la sculpture au musée du Louvre, Pradel, et enfin de Jaujard, nous sommes allés à quelques-uns déposer une gerbe à la Statue de maréchal Ney. Le populo réduit qui nous regardait devait penser qu'il s'agissait d'une cérémonie bonapartiste.

Après-midi, Commission administrative de l'Académie des beaux-arts. Je note seulement ceci, c'est que Dupas avec lequel j'avais parlé de la conservation du musée Marmottan qui m'intéresse, prétend y pousser le touchatouiste [1] Kunstler, à peine élu. Dupas est évidemment sympathique, mais il fait partie des hommes peu sûrs et ne pensant pas aux conséquences de leurs actes. Il ne faut pas laisser les membres libres se pousser partout dans les fondations de l'Académie. Les artistes ne doivent pas abdiquer. C'est peut-être absurde de ma part, mais j'ai le souci très grand de ne pas laisser abaisser notre profession. C'est ce point de vue qui me dirige aussi dans la discussion sur le vote des membres libres. On laisse aller, aller. Et tout d'un coup on s'aperçoit qu'on est barré partout par ces gens qui vivent de nous.

4 novembre [1955]

Continue la tragi-comédie politique, plutôt les tragi-comédies simultanées. Au Maroc, comme prévu, par le détour de Nice, Bonvallon, Versailles, S[ain]t-Germain, Monsieur Sa Majesté Ben Youssef rejoint son palais de Rabat. Voilà la première tragi-comédie. Pour la seconde, MM. les ministres des quatre dits grands, répètent les mêmes choses depuis dix ans, mais Molotov, fort de ses cent cinquante millions de Russes, de ses satellites, de son alliée la Chine, de ses presque alliés l'Égypte et les pays arabes, reste intransigeant pour la maîtrise de l'étouffement de la liberté à travers le monde. J'aime quand même mieux la troisième tragi-comédie, celle que joue la France, parce que chacun dit ce qu'il pense et que les combinaisons peuvent être éventées. Le congrès radical.

5 novembre [1955]

Visite à Jaujard. Tout à fait aimable, comme toujours. Parlons des Fils de Caïn qui sont au musée d'Art moderne. Du Cantique des cantiques que se disputent A. Marie et Cornu. J'aimerais mieux le musée d'Art moderne. Il me dit que la jeunesse ne veut plus de l'abstraction! Elle revient à la nature. Nous parlons de l'affaiblissement de l'enseignement. On parle aussi de la vacance dans la section des membres libres. Alors, j'ai bien ri au fond de moi, mon grelot intérieur a bien tinté. Paul Léon, il y a quelques semaines, m'avait dit :

— C'est absurde, Il y en a qui poussent Jaujard à se présenter. Dans deux ans il sera à la retraite. Qu'espèrent-ils en tirer?

— Or, me dit Jaujard, c'est Paul Léon, il y a déjà pas mal de temps, qui m'a dit que je ferais bien de me présenter…

7 novembre [1955]

Passé voir Chataigneau. Je crois qu'il ne se presse pas de rendre son arbitrage sur les truquages de Susse. J'aimerais que cette histoire soit vite terminée. Puis Labro nous a longuement parlé du Salon unique qui serait le but poursuivi par l'administration. Des tas de projets sont envisagés en "haut lieu". L'un d'eux prendrait son point de départ dans un groupement professionnel assez récent que préside Aujame(?), mais qui s'occupe de questions professionnelles pratiques. Un autre envisage trois Salons uniques! Un composé des A[rtistes] f[rançais] de la Nationale, du Salon d'hiver (inexistant), l'autre du Salon d'automne, des Tuileries (qui n'existe plus), etc., un troisième du Salon de mai, des Ultra-Indépendants, etc. Quelle salade! Je ne crois pas qu'on en puisse sortir. Labro avait cependant l'air de savoir qu'un coup de surprise allait se produire. Il paraît que Berthouin y tient absolument.

Matinée au Trocadéro[2]. Après-midi écrit à Opsomer à propos d'une vente éventuelle, soit du Berger[3], soit d'un autre groupe pour la ville d'Anvers. Écrit au colonel de Gastyne pour lui dire que je ne me croyais pas qualifié pour faire une démarche auprès de Perchot pour demander la chapelle des Invalides pour le tombeau du maréchal Franchet d'Esperey. C'est du coup qu'on pourrait me qualifier d'intrigant. Et puis, au fond, comme j'ai la chance de me porter assez bien, sauf ces intermittences, j'aimerais travailler sans commande. Comme lorsque j'étais à Rome. De même pour le projet égyptien, ne pas l'accepter.

8 nov[embre 1955]

Matinée à retoucher la Léda[4] que m'a commandée Mme S[chneider] en terre cuite. Je n'aime pas cette matière.

Au Trocadéro, j'admire l'assiduité avec laquelle travaillent mes vieux metteurs au point. Ce sont les derniers de cette probité professionnelle.

Après-midi à Shakespeare. Difficile, très, de traiter ce coup de vent. Coup de vent absolument nécessaire. L'esquisse qui me plaisait, à côté de celle en cours, ne me plaît plus. Il faut évoquer la tempête.

Lu cette confession extraordinaire de ce Sachs, voleur, pédéraste. C'était un fervent de Cocteau, de Gide, etc., Sabbat est le titre de cette confession. C'est un ouvrage à la fois odieux et pitoyable. La vie de Cocteau n'a pas du être plus édifiante. Celui-ci a eu la chance de ne pas être buté comme ce malheureux. On ne sait rien de précis sur sa mort. Elle eut lieu à Hambourg où il s'était réfugié au moment de la victoire américaine. Imprudent, impudent, a-t-il été tué par les Allemands ou les résistants? On ne sait! Il avait un talent d'écrivain. S'il avait vécu, peut-être aurait-il été aussi de l'Académie française, comme est Cocteau, comme sera peut-être cet autre voleur et pédéraste qui s'appelle Genet, et qui était au premier rang de l'hémicycle lorsque Cocteau pirouettait devant son micro académique. Drôle d'époque. Il y a eu la Belle époque. Celle-ci est la Drôle d'époque.

9 nov[embre 1955]

Ma feuille d'impôts arrive ce matin. Près de 800 000 F! Je suis stupéfait. Tout ça pour faire une belle rente à Bao Dai, pour balader le richissime sultan Ben Youssef de Rabat à Madagascar, puis de Madagascar à Marseille, Nice, Bonvallon, Versailles, S[ain]t-Germain et bientôt à Rabat où il recommence à manœuvrer contre nous, simple signe de la croix de Fr[ançois] Mauriac.

Visite de l'architecte Walter qui m'avait demandé un rendez-vous pour me demander de décorer un grand ensemble universitaire à Lille. Je me disais, m'apercevant qu'il n'était pas très fixé sur son projet, qu'il devait y avoir là-dessous quelque arrière-pensée d'académique candidature. Et en effet, cet après-midi à l'Académie, Albert Sarraut me parle de la candidature éventuelle de Walter au fauteuil amiral Lacaze. Lemaresquier était avec Sarraut. J'objecte, qu'étant architecte, il ferait mieux de se présenter lorsqu'il y aura une vacance architecture. Lemaresquier répond que là il ne passera jamais. Bien sûr. Walter m'a ce matin raconté comment Ben Youssef est monté sur le trône. À la mort du précédent sultan, Steeg était résident au Maroc. Trois prétendants au trône. C'était à Steeg de décider. Du premier, on lui dit qu'il était trop bien avec les Anglais. Écarté. Du second, qu'il flirtait avec les Allemands. Écarté. Du troisième, rien de spécial à dire, si ce n'est qu'il était en prison. Pourquoi? Il a volé des tapis chez son père et les a vendus. Son père l'a fait mettre en prison. Celui-là m'intéresse dit Steeg. Qu'on le fasse sortir de prison. Je le nomme sultan. C'est ainsi, au dire de Walter, que Ben Youssef accéda au trône. Aussitôt il élève le bakchich à hauteur d'une institution d'État. Pas un pacha, pas un caïd, pas un chef quelconque, un poste même assez subalterne sans versement au trône de sommes parfois énormes. Ainsi d'ailleurs procédaient nos rois à la fin du Moyen Âge. Ainsi Ben Youssef fit-il un beau début de fortune qui s'arrondit fort confortablement. Il est dans toutes les affaires importantes du Maroc. Même dans beaucoup d'affaires françaises.

Je ne savais pas de qui était l'hô[pital] Beaujon. Walter me dit qu'il en est l'auteur. Comme je le disais à Lemaresquier :

— Oui, mais pas seul.

À l'Institut, je propose à Bouchaud de poser sa candidature, Dupas se mêle à notre conversation et, non sans muflerie, me dit que je ne dois pas poser la mienne, parce que c'est insuffisant pour moi!… Je lui réponds que je suis seul à en juger et que ça ne le regarde pas. Je ne dis rien à propos de la candidature de Kunstler qu'il voudrait pousser. Il s'est conduit comme un serin aujourd'hui, Kunstler, à propos du centenaire Rude, à propos duquel il nous fait encore un discours-sermon qui fut peu apprécié.

Commission adm[inistrative] après la séance. Il s'agissait de régler la situation Fleuriot de Langle. Cet homme m'a beaucoup trompé! Il vient de commettre de graves irrégularités. Mais on va avoir du mal à s'en débarrasser.

La Chambre, à 5 voix de majorité, repousse le scrutin d'arrondissement. C'est une sottise à ajouter à tant d'autres. Je ne comprends pas la position Edg[ar] Faure.

10 novembre [1955]

Réception à l'Académie française du chancelier Buisson. Très bon discours sur Émile Mâle. Il avait bien étudié son sujet. Léon Bérard lui a fait une réponse, très dans la tradition, avec quelques mots heureux. Après la séance, réception chez A. Buisson. Une belle et dense cohue. Je retrouve Perreux. Il est remarié avec une toute petite jeune femme brunette qu'il s'empresse de présenter, sans nous laisser le temps de lui demander des nouvelles de la première Mme Perreux. Perreux est à présent à Ici Paris.

11 nov[embre 1955]

Fatigué. Je ne suis pas allé à l'École pour le défilé devant le monument aux morts. Et puis, au fonds, ça m'ennuie de faire cercle autour de cet Untersteller insupportable, de me trouver en contact avec des hommes que je n'estime guère comme Leygue, si faux, si arriviste dans le plus complet et mauvais sens du terme.

Fin de journée, rendez-vous chez le bâtonnier Charpentier, pour avoir son avis sur la campagne du Fig[aro] Litt[éraire]. Il ne paraît pas chaud du tout pour la poursuite judiciaire. Moi non plus. Benjamin[5] est très ardent, dit :

— Ils viendront à la botte.

Je crois au contraire qu'une assignation permettra à d'autres journaux de répandre les calomnies et les vacheries de la bande du Fig[aro] Litt[éraire]. Je préfère avoir l'esprit en repos et n'avoir à penser qu'à exécuter bien mon monument, chercher ma nouvelle esquisse Shakespeare et les presque innombrables autres esquisses que je veux faire pour moi.

12 nov[embre 1955]

Bon travail à ma nouvelle esquisse Shakespeare qui est un bon développement de la précédente. Le vent commence à souffler. Bientôt, j'espère, ce sera la tempête.

Relu le petit ouvrage d'Escholier sur Delacroix et son amie Mme de Forget. Il est bien ce petit livre. Toutes les fois qu'on lit ou relit des pages sur Delacroix ou, ce qui est mieux, des pages de Delacroix, on est saisi d'une admiration et d'une affection toujours plus grande pour cet homme. Comme il devait être attachant. Quelle intelligence, quel enthousiasme, malgré cette santé déplorable! Il est, avec Rude, Flaubert, Zola et Hugo, un de ces hommes qui nous donnent envie de se jeter sur son travail. Et que je n'oublie pas Barye. Ces hommes, vraiment, c'est comme si je les avais connus.

Fin de journée, chez Maxime Leroy. Nous allons dîner au Murat avec Jeanne Daniels, où nous rejoignent Duvigneaux et sa femme. On fut assez gai, dans l'admiration de l'appétit de Maxime Leroy qui déguste coup sur coup une douzaine d'huîtres puis un plat de moules. Après tout, pourquoi pas? La simultanéité des huîtres et des moules n'implique aucune menace.

Mais ce qui est moins plaisant, c'est la majorité qui vient de donner la confiance à Edg[ar] Faure, grâce aux cent voix communistes. Quelle stupide politique a fait cet homme qui ne cherche qu'à finasser. Pourquoi tout à coup cette précipitation vers de nouvelles élections? L'espoir qu'une nouvelle loi électorale ne serait pas votée? Alors, revenir avec une Chambre pareille à celle qu'on vient de liquider?

13 nov[embre 1955]

Il paraît qu'à la suite du vote d'hier, plusieurs ministres ont envisagé de démissionner. La mort de Mme Coty les a retenus, par un sentiment normal de décence, à ce moment où le malheur immobilise le Président. Je crois cependant que pour le moment ce ministère ne peut plus avoir qu'une vie éphémère. Lily[6] croit que finalement on votera en février avec le scrutin d'arrondissement.

Visite d'une famille danoise venue me présenter une jeune fille (17 ans) qui désire travailler le bois. Je lui ai dit qu'il fallait commencer par dessiner.

Visite Sarrabezolles. Comme ni Gaumont, ni Lagriffoul n'ont le temps de s'occuper du monument égyptien — ni moi non plus — et pas seulement question en temps, mais aussi et surtout question esthétique (car le projet est affreux, aussi loin que possible de la grande tradition égyptienne), j'ai demandé à Sarrabezolles si ça ne l'embêterait pas trop. Il n'a pas beaucoup de travail en ce moment. Je crois qu'il est content. Il est venu avec empressement. Il est ahuri du mauvais goût. Hélas! C’est sous l'influence artistique européenne! Il faudra, pour la sculpture, apporter de la dignité dans toute cette salade. Dans une sorte de crise d'euphorie, la municipalité du Caire faisait élever à travers la ville d'énormes socles de granit : ensuite on cherchait un sculpteur pour coller, comme il pourrait, de la sculpture sur ce granit!

Chez Paulette[7], en fin de journée. Auscultation. Tension. Tout ça va bien. Elle me dit que dans le dernier Fig[aro] Litt[éraire] il a paru encore une vacherie à mon propos. Ce sont de véritables chien-hyènes (sorte de chiens du désert, affreux, qui tiennent en effet du roquet et de la hyène).

14 nov[embre 1955]

Acheté le Fig[aro] Litt[éraire]. Cette fois-ci il s'agit de la dernière élection à l'Institut. Le numéro en date du 12 nov[embre]. Je mets la coupure dans le dossier spécial. Je réponds immédiatement ceci : "Dans le numéro 499, du 12 nov. dernier, le Figaro Littéraire a publié en 2ème page, seconde colonne, sous la rubrique "La barre à tribord toute" un écho qui est invention de bout en bout et un mensonge. Conformément à la loi, je vous somme de publier dans votre prochain numéro, en même place et mêmes caractères, un démenti formel". Si finalement procès il y a, cet écho sera une preuve de plus de la mauvaise foi.

Bien travaillé à Shakespeare.

Fin de journée, je m'inscris à l'Élysée où un gros valet épanoui me reconnaît et me fait signer sur son registre, avec le sourire.

Cherché Lily[8] chez Mme Bonnefous, d'une splendide élégance.

15 nov[embre 1955]

Visite Barbedienne. Il me raconte qu'un journal, appelé Elle, avait écrit un jour "La maison Barbedienne est finie". Il a poursuivi ce journal qui a été condamné à 200 000 F de dommages et intérêts.

Shakespeare prend de l'allure.

Le Sénat, à très forte majorité, vote le scrutin d'arrondissement à deux tours. Je pense de plus en plus qu'Edg[ar]. Faure s'y est fort mal pris avec sa volonté d'élections brusquées sans, auparavant, avoir préparé un autre mode d'élection que celui actuel.

16 novembre [1955]

Mais, dans la nuit, au cours de la séance pour l'étude du découpage des circonscriptions, la discussion a été bizarrement bloquée… Certains journaux arrondissementiers marquent de l'inquiétude.

Pour attribuer le prix Maubert, réunion à l'École des B[eau]x-Arts pour le choix du meilleur grand prix de sculpture dans les cinq dernières années. Tout était mauvais. Nous avons quand même donné ce prix à Ferraux[9]. Mais nous avons vu avec stupeur de quelle façon les Grands prix étaient mis en vrac dans les caves de l'École! Beaucoup sont très gravement détériorés. Le grand prix de Chapu a été presque détruit. Celui de Terroir aussi. De mon David[10], un bras a disparu (le droit qui fait tourner la fronde). Cet ensemble de plâtras est navrant. Pour se défendre, Untersteller met tout ça sur le dos de son architecte. Lui qui pose au directeur énergique et autoritaire.

À l'Académie on a beaucoup bavardé à propos de la destruction et de l'insuffisance des ateliers d'artistes. Pour émettre un vœu adressé au gouvernement et à la Ville, le bureau, dont pourtant c'est la fonction, a éprouvé le besoin de nommer une espèce de commission… Hautecœur a parlé de la Commission du règlement. Je n'ai pas nettement entendu ce qu'il disait. Mais j'ai eu l'impression qu'il voulait proposer prochainement à l'Académie un texte qui n'a jamais été soumis à la Commission, de connivence avec Paul Léon, il va essayer de noyer la question "membres libres" dans l'ensemble des petites retouches. Mais la tentative n'a pas réussi. La Commission se réunira le 7 décembre.

 

Le Lutrin 1955

P[rocès] v[erbal]. de la Comm[ission] du règlement du 16 nov[embre 1955].

2ème séance de la Commission du règlement. Non moins antipathique que la première, P[aul] Léon, acharné, lit une note énumérant les revendications des m[embres] l[ibres]. En fait, il s'agit de faire de la section des membres libres une section pareille aux sections professionnelles. Mais il sera difficile d'en donner une définition. Section des snobs? je ne l'ai pas dit. Je n'ai pas dit non plus qu'il était curieux de remarquer que cette attaque brusquée s'est déclenchée au moment où les indemnités des membres titulaires viennent d'être assez sérieusement augmentées. Passons. Pour en revenir à notre séance, dans la nouvelle note que lit Paul Léon, la main sur le cœur, il n'essaye pas même de répondre à mon objection contestant le caractère nettement professionnel, le seul terrain sur lequel la question devrait être étudiée. P[aul] Léon place la question uniquement sur le plan amour propre. Nous nous y connaissons, autant que vous. Qu'ils s'y connaissent même mieux. Qu'ils contribuent à "ouvrir des fenêtres". Après avoir lu son papier, P[aul] Léon le passe à Hautecœur. Celui-ci nous donne lecture des articles et arrive à une proposition du nombre des membres des sections. Les peintres ne seraient plus que dix, les membres libres, autrement dit les snobs, seraient huit (or, il y a dix ans, l'Académie elle-même a demandé qu'ils soient douze. Quelle suite dans les idées!). On augmenterait les sculpteurs de 1, les architectes de 1, les graveurs et les musiciens de 2. Et tout ça pour arriver à faire voter les snobs. Tout ça est absurde. Je trouvais très bien que les snobs soient douze, sans voter. Tout ce chambardement est un moyen de noyer le poisson. Je demande que le s[ecrétaire] p[erpétuel] veuille bien rédiger un résumé des différentes propositions faites. Et je pose finalement la question, à mon avis essentielle : est-ce que les membres libres, les snobs, voteront sur la question du droit aux élections dont le règlement actuel les écartent absolument? Ma question crée une gêne. Ils n'en sont pas à une inélégance près. Ma question reste sans réponse. Et la séance est levée[11].

17 nov[embre 1955]

Nous avions envoyé des fleurs à Mme Thomé. Quand ces fleurs sont arrivées, elle venait subitement de mourir.

18 nov[embre 1955]

La Chambre a voté l'arrondissement à deux tours pour les futures élections. Nette majorité. Seul Paris votera au scrutin proportionnel et par listes.

Impossible de travailler au Trocadéro[12]. Les bouteilles de propane étaient vides. Je suis mécontent de Juge qui ne s'est occupé de rien. Plus grave : pour avoir moins de travail d'ébauche, il a donné à la carrière des mesures trop serrées. Si bien que de la matière me manque sur la jambe gauche du jeune grenadier. Je vais avoir bien du mal à arranger ça. Je me rappelle d'avoir été mécontent de Juge, il n'y a pas mal d'années. J'ai eu le tort de n'avoir pas vérifié le dessin. C'est comme l'espèce de fente qu'il y a entre deux pièces du second plan, entre la France et le marin. J'ai emmené Lily et Françoise[13] voir l'état actuel. Elles ont paru très impressionnées.

Très bien travaillé à Shakespeare. Je crois vraiment maintenant que c'est Shakespeare et nul autre.

19 novembre [1955]

Travaillé à la pierre. Le style des nuages de poussière à trouver. Joie physique du travail dans la pierre.

Visite au chantier du bâtonnier Charpentier avec Benj[amin] et Louise[14]. Ils me paraissent impressionnés. Au déjeuner, on parle de la suite à donner judiciairement à la campagne systématique du Fig[aro] contre moi. Benj[amin] est très chaud pour la poursuite. Me Charpentier est moins sûr qu'il y ait matière à poursuites. Je crois qu'il va aussi se décider pour l'assignation. Au fond, ça m'embête. J'ai soif de tranquillité d'esprit. J'ai à penser à tant d'intéressantes choses.

Après-midi au chantier. Le mitrailleur et les nuages de poussière. Des nuages, c'est tout à fait antisculptural. Cependant j'en ai besoin pour simplifier les parties basses du groupe.

Hier soir, nous avons parlé avec Gérard[15] de mon fameux livre. Il me propose de le faire ensemble, en conversations magnétophonées. Mais rien ne vaut d'être au chantier, la masse au point, à tailler la pierre.

Il parait que, très vertueux, les Égyptiens veulent interdire la danse du ventre. C'est, disent-ils, une danse asiatique qui n'a rien à voir avec ce qui vient des pharaons! Quels idiots!

20 novembre [1955]

Fini le livre écrit sur Henri Heine, par un de ses compatriotes plus jeune, appelé Alexander Weill. Titre du livre Souvenirs intimes de Henri Heine. Ouvrage très curieux. Donne des renseignements vraiment insoupçonnés sur le milieu juif allemand bourgeois du XIX° siècle. Henri Heine, juif baptisé protestant, fut un personnage sûrement très attachant. Sa vie avec sa femme, qui était extraordinairement belle, méritait d'être relatée. Il y a des récits de volées qu'Heine administrait à sa femme, des bagarres entre lui Weill et la femme de Heine, bagarres qui n'étaient pas sans émouvoir ledit Weill, et des discussions et disputes qui donnent une vie très animée au récit. Le point culminant est le compte-rendu très soigné d'un déjeuner dont les convives étaient Balzac, Eugène Sue, Heine et Weill. Trois de ces convives étaient déjà célèbres et le savaient.

Après-midi, fait mon papier sur Dutheil pour la radio. Mais je crois qu'on aura bien du mal à tirer ce malheureux de son pétrin.

Pour dire à Thomé toute notre peine de la mort de sa femme, nous allons chez lui. Nous apprenons qu'il a lui-même été frappé, le matin même, par une crise d'angine de poitrine. Contrecoup. Il souffre énormément.

De là, nous allons chez Arthus. Voilà des années que je ne l'avais vu. Le trouve peu changé. Il nous dit :

— Je suis mort, ou du moins, je souhaite de l'être. J'attends la mort avec impatience.

Je crois qu'il vit dans une sorte de remords d'avoir pas mal trompé sa femme dont il n'a compris tout l'amour que depuis la mort de celle-ci, en relisant ses lettres. Il nous dit que depuis deux ans qu'elle est morte, il lui écrit tous les jours. Poignante et un peu inquiétante manifestation, dont seul un homme de lettres pouvait être capable. Nous parlons des uns et des autres. Montherlant, plus que jamais gonflé de lui-même, mais condescendant à être amical pour Arthus. Il a horreur de Gide, hypocrite et malfaisant et pas avec autant de talent. Il est indulgent pour Cocteau, quoique partageant mon dégoût de la pédérastie. Il prétend que Mauriac est un pédéraste qui n'a pas osé pratiquer. C'est le fond du problème Mauriac.

21 novembre [1955]

Téléph[one] de Y[ves] Brayer. Il me dit que Noël lui a téléphoné, lui a lu l'article, l'écho de l'autre jour, que cette histoire aurait été racontée à un dîner du Salon d'automne et que le meneur de jeu contre moi serait Claude Roger-Marx. En tout cas, il paraît que Noël est fort embêté. Ça m'a mis de bonne humeur. Il vient de faire une fameuse gaffe.

J'ai téléphoné à Fontanarosa. Il n'y a pas de dîner du Salon d'automne, mais seulement un dîner des placeurs. Intéressant de savoir si ce serin de Claude R[oger]-M[arx] est placeur. Cette coterie du S[alon] d'a[utomne] est bien capable de mettre un critique comme un des placeurs. Flatterie aux journalistes.

Bien travaillé à Shakespeare. Rien fait au Trocadéro[16]. Entrevue avenue d'Iéna avec le Dr Abd el-Atif, consul du nouveau gouvernement. Je le mets au courant du monument[17]. Va chercher une documentation. Va m'obtenir un rendez-vous de l'ambassadeur.

22 novembre [1955]

Avions à déjeuner François-Poncet (ménage), Maurice Genevoix (ménage), Domergue (ménage), Gouin (ménage) et l'oncle Gouin (de Toulon), Marcel et Françoise[18]. François-Poncet me dit que la situation en Algérie est catastrophique parce que l'on ne se rend pas compte du rôle joué par les communistes. Pour les manifestations, les braillards-entraîneurs reçoivent 5 000 F. Le but est de maintenir l'inquiétude pour que les blancs abandonnent complètement le nord-Afrique. En même temps, on joue la partie hindoue. Si bien que, sans coup férir, la petite Europe, sera encerclée. Cependant que les Russes crient qu'on les encercle! Cependant que les Israéliens n'arrivent pas à obtenir les armes qu'ils réclament.

À propos du Fig[aro] Litt[éraire], il n'est pas d'avis de poursuivre. Ils se poseront sur le terrain de la liberté de la critique (ou alors, dit-il, il faut demander une très forte indemnité). Les journalistes sont les vrais maîtres. (La lettre de l'Arétin à M[ichel] A[nge]). Genevoix et Domergue parlent Académie, Cocteau, etc. Genevoix dit que les premiers et prochains élus seront Carcopino et Hautecœur. À propos [de] Cocteau, il fut invraisemblable de cynisme et de propos de scatologique durant ses visites.

— À croire, disait Genevoix, que ces propos délivraient mes vieux confrères d'un complexe de continence. Ils se réjouissent de ce qu'ils entendront lors des prochains jeudis.

Donc Cocteau et Jean Marais vivent chez cette Mme Weissweller, fort riche par son mariage. Or Cocteau dégota un petit voyou très joli qui lui plut, comme à Marais. Ils logeaient tous les deux — Jean Marais et Jean Cocteau — dans une seule chambre. On installe un second lit pour le nouveau mignon qu'on appelle Doudou. Lequel remarque Mme Weisweller et pense qu'il serait plus avantageux pour lui de devenir l'amant de la dame. Ce dont la dame fut fort satisfaite. Alors Cocteau a adopté Doudou comme fils. Cependant à l'étage au-dessus, vit M. W[eisweller] avec l'actrice Simone Simon. Louis Arthus nous disait l'autre jour que Mauriac était un pédéraste inavoué, qu'il avait le complexe du non accomplissement. Or il paraît qu'il fut lié avec Cocteau pendant un temps, puis qu'il se reprit, sous l'influence de la religion. Tout ça est invraisemblable. La vie crée des situations qu'aucune imagination ne peut soupçonner. Et pourtant, l'imagination est la reine de la création.

Poncet n'a pas aimé mon Shakespeare. Je lui ai demandé quel personnage mon esquisse lui suggérait. Il me dit Wagner ou Goethe. Pas Shakespeare, pourquoi? Sans doute parce que j'ai donné importance à la chevelure. J'ai confiance dans cette esquisse. Elle surprend peut-être. Mais c'est tant mieux. C'est que Shakespeare est surprenant.

Au Trocadéro[19] le travail avance. Ces quatre hommes ont travaillé épatamment. Ils aiment leur métier.

Fr[ançois]-Poncet m'a déçu. Il se laisse aussi troubler par les boniments des échotiers, critiques, etc., parce qu'il ne m'a rien dit d'intelligent, de ce qu'on peut appeler de pertinent.

23 nov[embre 1955]

Séance annuelle de notre Académie. Palmarès des prix de l'année. Discours nécrologique de L[ouis] Hautecœur, très ennuyeux et pédantesque. Formigé, discours aux jeunes gens, quelconque. On sent qu'il n'a pas été à la Villa. Concert. La Cantate, prix de l'année, sur un très mauvais livret. Le dernier envoi de Mme Plique qui a épousé le sculpteur Derrigue. Après tout, c'est mieux que de ramener de Rome quelque modèle ayant couché avec tous les pensionnaires. Ça n'empêche pas que, transformer la Villa en agence matrimoniale, ça n'est pas une réussite. Avant la descente sous la coupole, Charles-Roux me dit sa grande inquiétude pour l'avenir africain. Comme Poncet, les communistes entretiennent des bandes terroristes. Sans eux, le calme reviendrait vite.

Après la séance, tour rapide à l'exposition des envois. C'est mieux que les autres années. Il y a un "seulement". Ce "seulement" est que les peintres, comme les sculpteurs, sont faibles.

Puis nous passons à l'Aéro-club où le général Cochet remettait la rosette à Madame Pierre Mortier, Hélène Dutrieux qui fut une des toutes premières aviatrices. Fille de beaucoup de courage et amoureuse d'aventure.

24 nov[embre 1955]

Fait un dessin humoristique pour le Dictionnaire des gastronomes.

Dr Kurtz m'arrache une incisive. La dernière hélas! de la mâchoire supérieure. Triste, ce départ par petits morceaux.

25 nov[embre 1955]

On passe sa vie en hésitations. En ce moment, hésitation pour le monument égyptien. Faut-il l'accepter ou s'en retirer? Et le Figaro? Faut-il faire le procès ou laisser courir? Ils ont publié mon démenti à leur écho stupide. Naturellement avec des explications tarabiscotées. Mais en cédant, néanmoins.

Fait le petit dessin pour l'Académie des gastronomes, plutôt pour le Dictionnaire de l'académie des gastronomes.

26 nov[embre 1955]

Enfin rédigé le texte de la communication à faire à la radio pour présentation par Tannenbaum de l'ouvrage de Léo Dutheil sur les contemporains qu'il a connus et fréquentés. Comme on me demande de parler de Rodin, je raconte ce qu'il m'avait [dit], voilà bien des années, sur son Balzac alors tellement moqué et injurié. Aussi bien au moment où les Gens de lettres refusaient cette statue, qu'au moment où ils voulaient la mettre à l'honneur, ils se sont idiotement conduits. Rodin m'avait dit qu'il comprenait très bien les critiques suscitées. Que cette statue il voulait la réaliser en pierre, beaucoup plus grande que le modèle exposé, et placée sur un socle très bas. Un menhir. Il disait être le premier à juger cette grande esquisse seulement comme une esquisse. Jamais, vivant, il n'aurait accepté la présentation actuelle. On a corrigé une erreur première de jugement, par une erreur plus grave de présentation. Je le dis dans le texte de ma communication.

Après-midi, travaillé au Trocadéro[20]. J'ai établi l'ordre du travail, en réalité une véritable stratégie. Maintenant que l'ébauche est presque terminée et que l'échafaudage est par terre, je vais finir et faire finir toutes les parties basses, les jambes, les pieds, le socle. Puis on remontera l'échafaudage à mi hauteur. Il n'y aura pas beaucoup à faire, sauf le bouclier et le drapé de la France. Il y a à faire sur ce drapé. Cette figure a de la raideur. Il faudra faire mieux sentir le nu.

Rencontré le chef d'orchestre Bruck qui habite tout près, je l'ai emmené dans la baraque. Il a été impressionné.

27 novembre [1955]

Matinée au lit. Après-midi, promenade au bois. Enfants jouant. Pas trop d'autos. Température parfaite. Je ne me sens pas fatigué. Seulement agacé par les dents. Leçon de patience et acceptation. Ce serait trop beau d'avoir plus de quatre-vingts ans et trente-deux dents de vingt-cinq ans!

Rencontré Maxime Leroy. Nous parlons des membres libres. Ceux des Sciences morales, à l'unanimité ont désormais absolument les mêmes attributions. Mais ils sont tous des mêmes professions. Ce qui n'est pas le cas dans notre Académie. Si jamais c'est voté, ce sera loin d'être l'unanimité! Une mesure pareille votée à quelques voix, ce n'est pas admissible. Et si elle n'est pas votée, ce sera une autre décision désagréable. Paul Léon a eu grand tort de prendre cette initiative. Car il en est un des principaux responsables. Curieux petit personnage, tout en squelette, et semblant pourtant en caoutchouc. Symbole.

Puis nous parlons S[ain]te-Beuve dont je viens précisément de relire la biographie (de Maxime Leroy). Je lui dis que je n'aime guère S[ain]te-Beuve. Et pourquoi? Parce que c'est un médiocre poète qui a tourné vers la critique. Son seul roman est désagréable et ennuyeux. Et puis la pensée de ce bonhomme rabougri faisant l'amour avec Adèle Hugo, m'est antipathique. Mais, me dit Leroy, c'est Adèle qui l'a encouragé. Et même Victor Hugo lui-même, peut-on presque dire. Il venait deux fois par jour chez les Hugo. Souvent Victor n'était pas là. Adèle se plaignait de la brutalité amoureuse de son mari. S[ain]te-Beuve notait, n'osait pas, espérait, se faisait plus amical, plus serviable que jamais. Et puis un jour, elle se décoiffa et lui couvrit le visage de sa chevelure parfumée… C'était une femme magnifique. De cette aventure exceptionnelle, S[ain]te-Beuve n'a tiré ni de beaux vers, ni un beau livre.

28 novembre [1955]

Mort de Arthur Honegger. Subitement (si l'on peut dire), car depuis des années, à chacun de ses gestes, on sentait qu'il s'attendait à tomber soudainement. Il a connu jeune la grande gloire. Je crois que l'avenir sanctionnera. Et quel chic type c'était. Quel beau visage il avait. Dommage que nous ayons pensé trop tardivement à son buste. Tout est dommage dans la vie quand on arrive à ses derniers chapitres. On pense à tout ce qu'on aurait pu faire et qu'on n'a pas fait. Heureux celui qui peut se dire j'ai accompli ma tâche. Personne n'a accompli sa tâche. Car on aurait pu toujours faire plus et mieux. Cela me fait penser à ce "Dernier quart d'heure" que je n'arrive pas à rédiger.

La princesse Caradja nous disait aujourd'hui pendant le déjeuner :

— Quand les Américains me parlent du colonialisme français, je leur dis : Bien sûr. Vous, vous avez complètement détruit les Peaux rouges, tandis que les Français se sont ingéniés à multiplier les arabes. Vous avez très simplifié la question. En contrecoup vous avez remplacé les Peaux rouges par les nègres. Qu'est-ce que vous allez en faire dans X années de vos nègres?

29 nov[embre 1955]

Complètement sorti de ma période d'inertie. Très pris par mon travail au Troc[adéro][21]. La pierre, tailler la pierre, c'est un bonheur physique. Le roulement des autos sur la place fait comme le bruit de la mer. C'est un bourdonnement continu qui tantôt décroît, tantôt grandit. Les camions font le bruit des grosses vagues. On peut très bien travailler en s'imaginant cela.

30 novembre [1955]

Aujourd'hui à la séance, très belle projection d'un film sur l'Égypte, avec un ingénieux aperçu de la vie égyptienne contemporaine. Et puis les bêtes dans les ruines. Les aigles, les vautours et un cobra surgissant entre des pierres. C'est un nommé Samival qui a pris et présenté ce beau document.

Mais mercredi prochain aura lieu une nouvelle séance pour la "réforme", toujours réforme du règlement de l'Académie. La séance sera dure. Il va falloir se heurter à la ténacité souple et vaniteuse de Paul Léon et à ses airs désintéressés. Et puis, le laisser aller, la lâcheté des autres.

Chez duchesse de la Rochefoucauld. On parle évidemment de la possible dissolution. Henry (le fils naturel de Painlevé) en est partisan. Il me dit qu'on ne peut se douter des mesures démagogiques, en fait de budget, qui sont actuellement votées. Tout est démagogique quand on améliore la situation de types insuffisamment rétribués. Je ne comprends pas les raisons de cette dissolution puisqu'on va aller aux urnes sous la même loi électorale néfaste. Quels gros intérêts représente et défend Edgar Faure. Dire : il y a des questions importantes en suspens, ce n'est pas une Assemblée finissante qui peut les traiter. Mais alors, il faudra écourter toutes les Assemblées parce que, à la fin de toutes les législatures, il y aura d'importantes affaires en cours. C'est idiot.

 


[1]. Sic.

[2] A la Gloire des armées françaises.

[3] Fils de Caïn.

[4] Fauré, monument variante.

[5] Benjamin Landowski.

[6] Amélie Landowski.

[7] Paulette Landowski.

[8] Amélie Landowski.

[9] Féraud ?

[10] David combattant.

[11] Non trouvé dans la photocopie du manuscrit le 26/1/2012

[12] A la Gloire des armées françaises.

[13] Amélie Landowski et Françoise Landowski-Caillet.

[14] Benjamin et Louise Landowski.

[15] Gérard Caillet.

[16] A la Gloire des armées françaises.

[17] Projet remplaçant Méhemet-Ali.

[18] Marcel et Françoise Landowski.

[19] A la Gloire des armées françaises.

[20] A la Gloire des armées françaises.

[21] A la Gloire des armées françaises.