Cahier n°5
3. 4. 5 mai [1918]. Paris
Guirand [de Scévola] m'a emmené à Paris. Je le lui avait demandé pour causer avec M. Nénot de cette candidature que beaucoup me conseillent de poser à l'Institut. Je n'y tiens qu'à moitié. J'aurais préféré ne me présenter qu'après avoir produit deux ou trois morceaux dont j'aurais été tout à fait content. Je n'ai réellement qu'une ambition. Faire de la vraie, de la bonne sculpture. Les honneurs me sont totalement indifférents. Mais, M. Nénot me conseille tellement gentiment de me présenter que je le ferai peut-être. Je lui ai dit seulement de demander leur avis à des sculpteurs, notamment à Coutan. Il est probable que celui-ci dira que c'est prématuré. L'affaire sera réglée.
Je trouve sous les combles du Grand Palais l'ami Bigot[1], toujours en train de travailler à son plan de Rome. Il vit là, entre deux jeunes gens dont un me frappe par sa tête de moine. Nous avons été ensemble chez Gebel pour cette stupide affaire du Monument Wilbur Wright. Étant donné que ces gens qui nous l'on commandé sont des mufles, je préférerai[s] de plus en plus en finir avec ce projet avec une indemnité et ne pas avoir à l'exécuter.
Au Salon où je passe, je suis frappé par l'impression de médiocrité de l'ensemble. À la sculpture, je suis frappé par un groupe du jeune del Sarte[2] qui ressemble vraiment par trop à mon esquisse du Cantique des cantiques. C'est d'ailleurs puissamment exécuté. Il y a-t-il là rencontre ? Il y a-t-il eu indiscrétion de la part du petit Lelio ? J'exécuterai, bien entendu, mon groupe, à son heure. J'ai fait un tour rapide. Une bonne exposition rétrospective de Carolus-Duran. De Rodin, deux bustes, celui de Clemenceau, pas très fameux et un buste de femme tout à fait mauvais. Ah ! restons à jamais modeste devant la nature. J'aime énormément le grand portrait de Degas. On a vanté avec raison le tableau d'Adler. Il y a une grande émotion. Le tombeau d'un soldat de Bartholomée est très mauvais. Revu avec plaisir le buste de Ingres par Bourdelle. Mais on se demande : "Sur quoi est-ce copié ?"
En partant je jette un coup d'œil sur mon Hymne à l'aurore. Quelle triste chose qu'un musée ! Non. Ce n'est pas ainsi que la sculpture devrait être exposée.
Discussion très amicale avec Mme Nénot, à cause de Nadine et Jean. Je n'ai pas pu lui dire que je n'avais pas confiance en elle parce qu'elle n'est pas sincère vis-à-vis d'elle-même. D'ici septembre, bien des choses peuvent se passer.
5 [mai 1918]
Monsieur Cruppi me dit que Clemenceau a eu beaucoup de mal à obtenir des Anglais 60 000 hommes par mois. Les Américains, par contre, arrivent réellement en masse : 120 000 hommes par mois. La guerre sous-marine est de plus en plus dominée. En aviation nous prenons de plus en plus la supériorité. Clemenceau serait très fatigué.
Une[3] très grande foule dans la grande salle Georges Petit où sont exposées les dernières toiles de Degas. Dans la salle principale, au fond, le Portrait de famille. Très beau, quoique un peu mince d'exécution. Mais du caractère et un beau sentiment. Tout autour, sur les murs et sur les épines, dessins et pastels s'accumulent. Ce ne sont que des esquisses. Impression de très grande intelligence, d'un grand amour de l'art, et, avant tout, dans le domaine pictural, de la recherche des taches. Certaines esquisses de danseuses sont à ce point de vue étonnantes. Par contre, aucune recherche de dessin, tel que je l'entends et que l'entendaient les grands maîtres. C'est un œil qui s'amuse de taches heureuses. En cela[4] je le suis. Par contre, je ne puis le suivre au milieu de ces innombrables dessins et pastels de femmes dans leur baignoire ou leur tub. Il semble qu'il se soit là complu à saisir la femme dans ses poses les plus ridicules. D'abord le modèle semble toujours laid. Si cette femme était sa maîtresse, je le plains. Elle ne donne pas du tout envie de coucher avec. Ensuite, il l'a peinte ou dessinée toujours dans un geste ridicule, en s'essuyant les pieds, le derrière en l'air, et un derrière énorme, ou la jambe levée, sortant ou entrant dans la baignoire. D'ordinaire une bonne entre dans la pièce, apportant une tasse de thé. Elle est placée dans le dos de l'héroïne. Degas[5] a toujours certainement vécu à Paris. Son œuvre est le résultat de l'influence de Paris. Aussi elle est sans grandeur vraie, intelligente certes, mais remplie de choses laides, et d'ironie. Des coulisses de l'Opéra, à un atelier de la butte Montmartre pouvait-il recueillir rien qui le grandisse et l'élève ? Une autre impression : celle d'impuissance. Tout cela, ce sont des notes, des études. Pas un tableau. Beaucoup de très belles choses. Mais je cherche le chef-d'œuvre. Nous passons dans les pièces voisines. On voit là des œuvres de la première manière de Degas, et probablement de sa vraie jeunesse. Or voici. Sa maturité et sa vieillesse ne marquent pas un aboutissement, une évolution de cette facture, de cette vision de la jeunesse. C'est un changement complet, radical, absolu. Dans la plus petite salle, il y a des dessins remarquables, extraordinaires, où je retrouve tout ce que j'aime. Je remarque aussi un portrait remarquable : une femme assise à un piano. Là on est près du chef-d'œuvre. Si Degas avait évolué, continué dans sa voie, il aurait été autrement plus grand. Quelle raison, à un changement si complet ? Or cet homme si intelligent avait-il peur aussi de ne pas être à la page ? À sa première époque il s'apparente à Courbet, Manet. Il les continue. Il aurait pu être celui qui aurait apporté le chef-d'œuvre, l'aboutissement de l'école naturaliste [6].
6 mai [1918. Chantilly]
Forain que je trouve à ma descente du train m'apporte un peu la clef de mon interrogation sur Degas. Il a beaucoup connu Degas. J'en ai profité pour l'interroger. Il m'a appris que Degas avait attrapé en 70 une maladie d'yeux. Depuis il a vu très mal, tout de travers. Vers la fin de sa vie il ne voyait pour ainsi dire plus du tout. Donc [7] tout s'explique. C'est une maladie de la vue. Cela n'empêche pas nos bons snobs d'admirer le plus dans son œuvre justement ce qu'il a produit, alors que ses facultés étaient amoindries.
Ne les voit-on pas se pâmer aussi (et déclarer que ce sont leurs plus belles œuvres), sur les produits de Cézanne et de Gauguin qui tous deux étaient paralytiques généraux, sur le douanier Rousseau qui fut lancé par fumisterie, dont la carrière est le résultat d'une farce de rapins.
Degas était paraît-il un homme très méchant, misanthrope, ce sont des défauts encore plus tristes chez un artiste.
8 [mai 1918. Chantilly]
Forain citait un mot de Degas à propos de Besnard :
— Besnard, disait-il, même quand il est loin, je sens ses mains dans mes poches.
Besnard est un réalisateur. Chez Degas il y a de l'impuissance. Peut-être Besnard a-t-il été influencé par Degas. C'est possible. C'est même probable. Mais je ne vois rien de Degas qui égale la femme à la tasse de thé de Besnard, qui est au Luxembourg. Besnard est abouti. On peut voir en Degas un précurseur. Après lui Besnard. Et toute l'école impressionniste.
9 [mai 1918. Chantilly]
Il faut voir en Degas seconde manière, une sorte de précurseur. C'est un grand chercheur. Son labeur a été énorme. Plus je réfléchis à cette exposition, et je regrette de ne pas avoir pu la voir plus à loisir, et la revoir, plus je crois voir de l'impuissance dans cette accumulation d'études.
10 [mai 1918. Chantilly]
Discussions d'art tous ces jours-ci. Le point de départ d'un déjeuner où Forain fut intéressant. Mais je ne puis admettre cette thèse que l'art français est à son apogée au XVIIIe siècle et que c'est l'art du XVIIIe qui doit être appelé l'art français. Par réaction, aujourd'hui, à déjeuner, j'ai nié complètement tout l'art du XVIIIe. Tout de même, tout l'art français ne tient pas entre 1715 à 1789 ! Les années où la France a été la plus malheureuse, où le peuple souffrait et mourait de misère et où la haute société, asservie, s'en allait en dansant, sceptique et pervertie, vers les pires catastrophes ! Jamais l'art n'a été si peu près du peuple qu'à cette époque. Les artistes n'ont jamais été, autant qu'à cette époque, des amuseurs. Il y en a eu de grands, certes. Mais à quelle triste besogne ils ont asservi leur talent ! Même ceux qui travaillaient [8] pour les églises subissaient l'emprise. Ce fut une époque de gens habiles, d'individualités, mais peu de plus laides époques d'ensemble.
Je suis allé voir Duchamp-Villon. Duchamp-Villon est notre sergent major. Mais il est aussi peintre cubiste, futuriste, enfin tout ce qu'il y a de plus avancé. Un homme à la page. À la page suivante même. Pendant qu'il me montrait ses élucubrations et qu'il me les expliquait copieusement je me disais : "Si j'étais dans un asile d'aliénés et qu'un des pensionnaires me montrât des choses semblables, je ne serais pas étonné." Notre étonnement provient en effet de ce que ces gens-là sont en liberté. Ils sont assez inoffensifs, il est vrai. Le navrant, c'est qu'à côté de ces pauvres folies, il m'a montré quelques dessins et quelques croquis très bien, tout à fait bien. C'est d'ailleurs un homme fort intelligent.
11 [mai 1918. Chantilly]
Avec Lippmann nous avons fait des croquis d'après une ouvrière du camouflage. C'est une jeune fille de 18 ans. Elle a bien voulu nous montrer son académie. La pauvre fille est déjà bien fatiguée. J'ai eu beaucoup de mal à dessiner ce modèle par terre. Je suis tout désorienté. Cela tient certainement à mon habitude de sculpteur de faire poser mes modèles sur une selle.
12 [mai 1918. Chantilly]
Nous avons aujourd'hui travaillé Mouveau et moi, avec la jeune Lucienne, la dactylographe des grandes Écuries. C'est une Anglaise, très jolie fille, blonde et longue. Elle est en deuil. Très bel effet, Mouveau fait un grand portrait à l'huile. Pour moi, en ce moment, je suis tout à l'aquarelle. À la fin de la séance nous avons demandé à la jeune fille si elle voudrait bien se montrer nue et si elle nous poserait une étude de nu. Elle a hésité. Puis elle a eu confiance. Elle s'est déshabillée crânement, elle s'est montrée tout simplement. Elle est fort belle[9]. En femme elle me faisait penser aux formes de Carpentier. La forme et la couleur sont belles. Quel dommage de perdre ainsi son temps, alors qu'il y aurait de si belles choses à dire et à faire. Voir un beau corps nu est toujours une chose émouvante. Je note cette impression d'aujourd'hui de ce jeune corps si lumineux sur le fond ocre de la chambre. Si nous avons le temps nous ferons une petite étude avec Mouveau.
J'ai montré à Despiau les photographies que j'ai ici de mes sculptures. Il m'en a parlé, comme il fait toujours, avec prétention, mais avec un intérêt non dissimulé. Il aime surtout la statue de Carpentier[10].
Visité l'Hô[pital] que dirige près de Senlis la baronne Henri de Rothschild.
13 [mai 1918. Chantilly]
Je viens de terminer un très beau livre. Le livre de Wells, M. Britling commence à comprendre. J'aime surtout les deux derniers chapitres et surtout l'avant dernier, les n° 5, 6, 7, 8, 9, 10. Je note comme particulièrement remarquable et c'est la plus belle page du livre, dans le paragraphe 9, les pages 429 et 430. "Ils se sont fait de Dieu une idée absolue, absurde : l'idée qu'il est omnipotent, infini dans tous les sens. Mais le cher bon sens de l'humanité a vu plus juste. Toute pensée vraiment religieuse leur donne le démenti. Après tout, le vrai Dieu des chrétiens, c'est le Christ, et non le Dieu tout puissant ; un pauvre Dieu blessé, bafoué, cloué sur la croix de la matière... Il triomphera quelque jour, mais il n'est pas juste de lui imputer tout ce qui est à l'heure actuelle. Dieu n'est pas absolu, Dieu est relatif... Un Dieu relatif, qui lutte avec nous, comme nous. C'est là l'essence de toute religion..." Et plus loin, page 431 : "N'y eut-il rien d'autre au monde que notre bonté l'un pour l'autre en ce moment, ou que l'amour qui vous a fait pleurer dans la douceur de ce soleil d'octobre, ou que mon amour pour Hugh ; n'eussions nous d'autres signes de Dieu que la divine beauté qui était en nos monts, tout le reste fût-il cruauté, misère, ordure, cela suffirait à prouver qu'il existe un Dieu d'amour et de justice." Il faut noter aussi, dans le dernier chapitre, page 462 : "Cette ère des Républiques démocratiques qui se lève à l'horizon est une ère nouvelle ; elle n'a pas encore cent ans d'existence... Or, toutes choses nouvelles sont faibles ; un rat peut dévorer un enfant au berceau ; plus grande est la destinée, d'autant plus faible, peut-être, les moyens immédiats de défense."
14 mai [1918. Chantilly]
Je note dans les journaux une phrase d'un [11] discours de Lénine : "Il faut une main et une volonté de fer". On croirait lire un discours de Guillaume II.
15 [mai 1918. Chantilly]
Au musée avec Beltrand. Survient le vieux Forain suivi de son jeune fils. Il essaye de faire comprendre à ce joli dadais ce qu'est un beau dessin. Mais le pauvre garçon n'y comprend absolument rien. Sa bêtise est stupéfiante.
Un mot de Forain, devant la Vénus Anadyomène :
— Oui, je vais copier ça. C'est magnifique. C'est coco et c'est éternel.
16 [mai 1918. Chantilly]
Commencé la copie du dessin de la Joconde.
21 [mai 1918. Chantilly]
Aujourd'hui voici ce que j'ai vu. Je le note, bien que ce soit assez ignoble, mais c'est symptomatique. Guirand de Scévola m'avait dit de venir après le déjeuner, Mme Piérat étant là. Le déjeuner finissait. Bombé[12], toujours pénétré de sa haute situation et de son pouvoir, présidait Guirand de Scévola, portant droit sa tête rouge, ronde et brutale. En face, la petite Madame Piérat, élégante, raconta avec animation une histoire que les autres convives écoutaient avec un intérêt pieux. Les convives étaient Forain[13], dans un costume anglais, les deux Mauset, (deux jeunes rentiers), Lesieur, petit entrepreneur de démolitions, genre pète-sec, assez sot mais peut-être bon garçon. Il joue au poker et perd facilement. D'où sa faveur. Telle est la composition de l'état-major de la section de Camouflage. Or voici exactement l'histoire que racontait Mme Piérat, seule femme au milieu de ces cinq hommes :
— Alors, disait-elle, le commandant du port dit à cette dame : "Madame, le matelot sera puni, en vertu de l'art[icle] 44, pour vous avoir insultée." La dame, s'en alla aussitôt trouver son avocat : "Mais qu'est-ce que l'article 44 ? » Nous allons chercher. Et dans un code de justice maritime on trouva : Tout homme sera puni de 15 jours de prison qui ayant aperçu une fente par laquelle se produit une voie d'eau, ne l'aura pas immédiatement bouchée par ses propres moyens.
Là-dessus tout le monde de s'esclaffer. Là-dessus, Forain d'en raconter aussitôt une autre encore plus grossière. Puis Mme Piérat riposta. Ainsi s'achevait, ce 21 mai 1918, un bon petit déjeuner, à l'état-major de la section de camouflage. J'ai pensé à certains après-dîners, avant la guerre, dans des fumoirs de riches banquiers. D'un seul coup toute la stupidité de Paris et sa pourriture me sont réapparues. La fenêtre de la salle à manger était ouverte. Sur la pelouse, les poules de Guirand de Scévola picoraient, les pigeons blancs et rouges roucoulaient. Les arbres étendaient leurs grandes ombres sur les allées.
Est-ce seulement pour que cela continue que nos camarades là-bas se font tuer ?
Le soir, nous avons fais la popote, avec Laurens et Lippmann, et Sordes. Lippmann n'est pas un homme très intelligent, mais il a des dons naturels de peintre et est fort sympathique. Sordes et Laurens sont très cultivés, très intelligents tous deux. Petit dîner intéressant. La conversation a roulé principalement sur la fidélité en amour. Le défaut de toutes ces causeries[14] est de généraliser. Lippmann et Sordes ne considèrent pas la fidélité comme possible, ni même comme un devoir[15]. La vérité, est que très peu d'êtres[16] ont le bonheur de se rencontrer qui soient complètement faits l'un pour l'autre. Ceux-là ne se trompent pas. Les autres ne peuvent pas être retenus de la même façon.
En ce moment, gros marmitage par avions. Mais tout ça passe sur la droite, vers les voies et la gare. C'est un raid sur Paris[17].
23 mai 1918 [Chantilly]
Ce mot de Fouché doit exprimer certainement la pensée intime de Lénine-Trotsky : "Il n'y a plus qu'à arrêter la marche d'une révolution désormais sans but, depuis qu'on avait obtenu tous les avantages personnels qu'on pouvait prétendre."
Formidable raid cette nuit. Le plus important.
24. 25. 26 [mai 1918]
Porté des plis à Paris. Trouvé mon beau-père fort triste. Avons passé la soirée ensemble. Sommes entrés à l'Olympia. Ce lieu jadis de perdition est devenu tout à fait un endroit de distraction pour familles. Mon Dieu que c'était morne ! Comment pourrait-il en être autrement ? Mais, comme toujours, d'étonnants effets de costumes. Notamment : une fille en vert jouant du violon. Une danseuse en blanc dansant sur fond noir avec un nègre et un homme en habit noir. Des acrobates japonais, comme toujours très remarquables. Il y a là une tradition.
Dimanche, c'était l'anniversaire de la mort de Wanda[18]. Nous sommes allés sur sa tombe, avec Ladis[las]. Nous y sommes allés parce que c'est une habitude. Mais pour des hommes qui croyons ce que nous croyons, la tombe n'est rien, la tombe n'évoque rien. Se retrouver autour de cette pierre cependant vous fait penser plus fortement peut-être à ceux que l'on a perdus. J'y ai pensé plus fortement, bien d'autres fois, seul, dans la nature, ou seul, la nuit. Certaines pensées ne vous viennent pas, ne peuvent pas vous venir à jour fixe. Mais il y a des heures, des heures de réelle sérénité où vos morts semblent venir véritablement à vous. On les revoit dans leur forme physique, mais leur pensée surtout est tout à fait en vous. Toutes les religions disparaîtront, évolueront. Le culte des Morts persistera toujours. Un jour viendra où il sera le seul culte.
J'ai feuilleté avec soin le gros volume que Lapauze a consacré à Ingres. C'était un grand artiste. Malgré bien des défauts ou des qualités que je n'aime pas du tout, on trouve chez lui beaucoup des éléments[19] qui font le grand artiste, avant tout, un grand amour, puis une grande conscience, un grand respect de son art et de lui-même. Il faut l'aimer. On doit au moins en parler avec respect.
27 [mai 1918. Chantilly]
Les Allemands ont attaqué en Champagne. Ils semblent avoir réussi partout !
29 [mai 1918. Chantilly]
Les nouvelles sont : les Allemands ont pris Soissons, ont pris Reims. Ils seraient à Vic-sur-Aisne.
31 [mai 1918. Chantilly]
Ce soir les nouvelles continuent à être mauvaises. On se sent d'une infinie tristesse[20]. Les Allemands sont à Château-Thierry. Château-Thierry, c'est Chézy !
Mais Reims n'est pas pris[21].
[1] . La phrase débutait par : "Avec l'ami..." raturé.
[2] . Maxime Réal del Sarte.
[3] . La date du "6" est raturée.
[4] . La phrase débute par : "Par contre", raturé.
[5] . La phrase débute par : "Le dessin est", raturé.
[6] Suivi par : "Il a préféré se jeter dans des recherches de taches, et cela semble", raturé.
[7] Au lieu de : "ainsi", raturé.
[8] Au lieu de : "décoraient", raturé.
[9] Suivi de : "c'est une Anglaise", raturé.
[10] Le Pugiliste.
[11] Au lieu de : "dans ce", raturé.
[12] Au lieu de : "bien droit, la tête levée", raturé.
[13] Précédé de : "l'ignoble", raturé.
[14] Au lieu de : "conv[ersations]", raturé.
[15] Au lieu de : "nécessaire", raturé.
[16] Au lieu de : "d'hommes", raturé.
[17] Au lieu de : "Gros tirs sur Paris", raturé.
[18] Wanda Landowski décédée le 26 mai 1904.
[19] Au lieu de : "choses", raturé.
[20] La phrase débute par : "Chacun", raturé.
[21] Phrase ajoutée d'une encre différente.